Objet de fantasmes, les sous-sols de Paris, des fameuses catacombes aux égouts et tunnels de métro, sortent de l'ombre à l'approche des Jeux olympiques (26 juillet – 11 août) et des exigences sécuritaires qui les accompagnent.
Début avril 2024, le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin avait prévenu: "Pour sécuriser la cérémonie d'ouverture" organisée sur la Seine, les autorités devaient "se pencher sur des choses extrêmement pointues, comme les réseaux de catacombes et de tunnels" ou "les réseaux électriques et téléphoniques".
"Les sous-sols représentent une possibilité pour les personnes qui souhaiteraient commettre des exactions", détaille pour l'AFP la préfecture de police de Paris (PP). "Ceux de Paris ne sont pas plus à risques que ceux des autres grandes villes ayant accueilli des Jeux olympiques", s'empresse d'ajouter la PP, "ils feront l'objet d'un plan de sécurisation".
Discrétion oblige, l'accès à ces sous-sols étant théoriquement interdit, ni le groupe d'intervention et de protection de la préfecture de police, ni l'Inspection générale des carrières (IGC), l'administration de la mairie chargée de ces souterrains, n'ont répondu aux sollicitations de l'AFP.
Les autorités auraient aussi préféré que ne soit pas ébruitée la découverte récente, près de la prison de la Santé, d'une galerie près d'un équipement d'Orange, l'un des concessionnaires des réseaux téléphoniques se trouvant entre les égouts et le sol. "Il semblerait que l'objet de ce tunnel ait été d'avoir accès aux galeries souterraines situées à proximité mais qui n'aboutit pas", a indiqué à l'AFP la mairie, qui découvre de temps à autre des "tentatives de creusement de tunnels, appelés 'chatières'".
Creusés "majoritairement" par les cataphiles –les amateurs de catacombes–, ces tunnels sont "systématiquement sécurisés et rebouchés", rassure la mairie. Sous l'ancien hôpital militaire du Val-de-Grâce, "on a trouvé deux personnes avec trois brouettes toutes neuves dans un hamac", raconte Philippe Thévenon, président d'une association gérant une ancienne carrière proche, et qui a dû colmater quelques brèches.
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Consolidations
Le rapport 2022 de l'IGC fait état d'une trentaine d'incidents visibles en surface (fissures, affaissements, effondrements) à Paris et autant en petite couronne. L'administration parisienne effectue "quatre à huit opérations" de consolidation par an, indique aussi la mairie, selon laquelle "l'état général du réseau de carrières de la ville de Paris est relativement satisfaisant".
Faut-il fermer les carrières souterraines pour assurer la sécurité des Jeux olympiques? Impossible, affirme Nicolas, jeune cataphile de 18 ans qui souhaite garder l'anonymat: "Déjà, ils ne connaissent pas toutes les entrées, et une plaque se dessoude facilement."
Des près de 300 entrées originelles, les autorités n'en ont laissé qu'une dizaine accessibles, selon Gilles Thomas, auteur de "L'Atlas du Paris souterrain" (Edition parigramme). Et la cinquantaine d'agents a "besoin de circuler dans toutes les galeries pour des raisons de surveillance de la stabilité du réseau", estime cet expert des carrières.
Pour Jean-Claude Saratte, cofondateur de la police des carrières en 1980, "la fréquentation clandestine à l'intérieur rendait le réseau transparent". Ainsi les cataphiles ont déjà été à l'origine de la découverte d'un corps, rappelle-t-il.
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35.000 plaques d'égout
Pour autant, les catacombes et les Jeux olympiques, "cela n'a aucun rapport", écarte Gilles Thomas. En effet, "lorsqu'on superpose les deux cartes" des anciennes carrières souterraines et des épreuves sportives, "on constate qu'il n'y a aucun site olympique situé immédiatement au-dessus ou à proximité de ces galeries de carrières de la capitale". De plus, elles se trouvent bien trop en profondeur (à 20 mètres en moyenne) pour un projet d'attentat, souligne-t-il.
Dans l'Histoire, l'idée d'un usage offensif des carrières s'est heurtée à la réalité du terrain, des Prussiens en 1870 aux Résistants de la Seconde guerre mondiale.
Bien plus que les quelque 285 kilomètres de carrières, appelées catacombes par extension et fréquentées par des centaines de cataphiles selon M. Thomas, ce sont les près de 2.600 kilomètres d'égouts, situés seulement trois mètres sous la chaussée, qui posent question. Ses galeries, "entièrement parcourables à pied", épousent "chacune des 6.500 rues" de la capitale et ce réseau "est accessible par plus de 35.000" plaques d'égouts, souligne Gilles Thomas. "Il y a une bouche d'accès ou une bouche de sortie" à moins de 50 m de chaque site olympique, insiste-t-il.
Interrogé par l'AFP, l'adjoint à la mairie de Paris chargé du réseau d'assainissement, Antoine Guillou, s'est montré peu loquace à ce sujet. "Nous sommes amenés à sceller un certain nombre d'entrées pour faire en sorte qu'on réponde aux consignes de sécurité" édictées par la préfecture de police, a-t-il toutefois indiqué, assurant que ces fermetures provisoires "n'empêchaient pas le réseau de fonctionner".
(Par A.Boyer et P.Yvon / AFP)
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