Auditionné mardi 5 mars 2024 par la commission des Lois du Sénat, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a présenté un état des lieux des actions entreprises par son ministère pour préparer les Jeux olympiques et paralympiques de Paris, en détaillant notamment les dispositifs de sécurité prévus ou d'ores et déjà mis en place.
Cette opération, d'une ampleur inédite, a tout d'un casse-tête pour l’exécutif. D'autant que l'événement sportif le plus important et le plus suivi au monde tombera dans la même période que d'autres grands rendez-vous comme les commémorations du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie, les élections européennes, le 14-Juillet ou encore le Tour de France, sans oublier l'activité soutenue de la saison estivale. Le ministre n'hésite d'ailleurs pas à qualifier ces multiples échéances qui s'approchent comme le "défi le plus important qu'ait connu la France en matière de sécurité et de logistique".
Étape 1 : la protection de la Flamme
Les forces de sécurité se préparent depuis des mois. Pour elles, les Jeux olympiques débuteront dès le 8 mai 2024, avec l'arrivée sur le sol français de la Flamme olympique à Marseille. Elle entamera alors un parcours de plus de deux mois et demi sur l'ensemble du territoire, y compris outre-mer. Le Relais de la Flamme traversa ainsi une centaine de sites clés, près de 400 communes avec 65 villes étapes, sur près de 12.000 kilomètres.
Le dispositif de protection de la Flamme et de ses porteurs a été présenté ces dernières semaines. Il consistera en la mise en place d'une "bulle de sécurité" constituée en premier rideau d'une escorte motorisée, d'un encadrement par des unités de forces mobiles (CRS et gendarmes mobiles), d'un dispositif mobile de lutte anti-drones et d'une équipe d'intervention spécialisée du GIGN. Au plus près du symbole Olympique, un cordon de 18 "gardiens de la flamme", des gendarmes et policiers en civils, courra autour du porteur pour empêcher toute atteinte.
Au total, ce sont ainsi environ 115 gendarmes et policiers qui assureront la protection de ce relais pendant 80 jours. Sélectionnés après un appel à volontaires, ils ont commencé à se préparer à cette mission inhabituelle. Des entrainements sont menés sur le camp de Beynes, dans les Yvelines, et une "étape zéro" sera organisée prochainement en conditions réelles dans l'Aisne.
La cérémonie d'ouverture comme principal défi
Objet de tous les fantasmes depuis l'annonce de son format "hors stade" totalement inédit, la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques, prévue le 26 juillet au soir, constitue l'un des enjeux majeurs de ces olympiades. L'événement, organisé sur la Seine sous la forme d'une parade fluviale, doit réunir 94 bateaux avec à leur bord les 206 délégations d'athlètes, ainsi qu'une "flotte connexe" de 86 embarcations transportant les services de sécurité, des équipes d'assistances et de dépannage – dont des "bateaux poussoirs" en cas de panne – et bien sûr, les moyens de diffusion audiovisuels.
Plus d'1,5 milliard de téléspectateurs sont attendus, ainsi qu'un grand nombre de spectateurs en présentiel sur les quais de la Seine. Alors que 600.000 spectateurs étaient envisagés, le gouvernement et le Comité d'organisation des Jeux (Cojo) ont considérablement revu à la baisse la jauge de spectateurs, la fixant, selon les derniers chiffres évoqués par le ministre, à 326.000. Dans le détail, 104.000 places payantes sont prévues sur les quais bas tout au long des six kilomètres de défilé et de spectacle, tandis que 222.000 places gratuites (principalement sur invitation des collectivités) seront proposées sur les quais hauts. En parallèle, de nombreuses "fan-zones" seront installées à Paris (une par arrondissement) et en France pour suivre la cérémonie sur des écrans géants.
Une sécurité continue jusqu'à la mi-septembre
Sur la terre ferme, Place de la Concorde, à Paris, la cérémonie d'ouverture des Jeux paralympiques bénéficiera également d'un important dispositif de sécurité.
Globalement, le ministère de l'Intérieur mobilisera l'ensemble de ses forces en continu, de mai à septembre. Des moyens considérables seront notamment déployés pour la cérémonie d'ouverture des JO avec près de 45.000 gendarmes et policiers rien qu'en Ile-de-France. Pour la première fois, les unités d'élite de la Gendarmerie et de la Police nationales travailleront ensemble et se répartiront les missions et les secteurs d'Ile-de-France. 350 membres du GIGN sont prévus, ainsi que 200 du Raid et 100 de la BRI. En plus de ces effectifs nationaux, la mairie de Paris mobilisera "2.000 policiers municipaux". "2.500 policiers étrangers" seront en outre présents sur le dispositif, comme c'est le cas généralement lors des grands événements sportifs internationaux. Enfin, les besoins en personnels de sécurité privée sont évalués entre "18.000 et 24.000 personnes" selon M. Darmanin.
Outre l'Intérieur, un autre ministère, celui des Armées, sera lui aussi impacté par la sécurité de cet événement. Il sera notamment chargé de sécuriser l'arrivée de la Flamme par la mer, au mois de mai, mais également de chapeauter la lutte anti-drones et la protection du ciel tout long de l'événement. Gérald Darmanin a d'ailleurs indiqué que l'espace aérien serait totalement fermé dans un rayon de 150 kilomètres autour de Paris, le jour de la cérémonie d'ouverture, de 19h à minuit. Une délimitation qui impactera aussi les aéroports internationaux de Roissy et d'Orly, entrainant la suspension des atterrissages et décollages pendant ce laps de temps de quelques heures.
GIGN, Raid et BRI, associés pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques
Pas de menaces à ce stade, mais de la vigilance
Accompagné lors de son audition au Sénat par la nouvelle directrice générale de la sécurité intérieure (DGSI) Céline Berthon, Gérald Darmanin a dressé un état des lieux des menaces qui pèsent sur l'événement, soulignant toutefois que "à ce jour, il n'y a pas de menace caractérisée portant sur les JO d'après les services de renseignement". La vigilance reste toutefois de mise au regard du contexte international, du risque terroriste et du climat social. Tous les scénarios sont envisagés afin de pouvoir y faire face au mieux, assure le ministre.
La menace terroriste, omniprésente ces dernières années en France, est dans tous les esprits avec la crainte d'actions susceptibles d'être menées sous différents formats, qu'il s'agisse d'actes préparés venant de l'intérieur comme de l'extérieur du territoire, ou encore de passages à l'acte isolés et/ou opportunistes, encouragés par des influences extérieures. L'autre principale menace prise en compte est celle d'actions contestataires ou revendicatives, avec en ligne de mire les mouvements d'ultra-gauche et d'ultra-droite, les organisations environnementalistes radicales, ainsi que les "particularismes locaux" portant des revendications territoriales comme en Corse ou dans certains territoires d'outre-mer. Enfin, les conflits majeurs en cours, en Ukraine et au Proche Orient, constituent également des sources d'inquiétudes pour les autorités.
Criblage des participants
Pour contrer une menace potentielle qui viendrait de l'intérieur des Jeux, le profil de la totalité des participants accrédités – qu'il s'agisse des athlètes et membres des délégations, des volontaires et personnels employés, des agents de sécurité ou encore des journalistes – va être passé à la loupe par des actions de "criblage", avec diverses vérifications administratives et une enquête de sécurité, indispensable à toute personne qui aura accès aux zones protégées.
"Il ne peut pas y avoir de délivrance d'accréditation du Cojo tant qu'il n'y a pas eu de résultat d'enquête de sécurité, explique à nos confrères de l'AFP Julien Dufour, le chef du Service national des enquêtes administratives de sécurité (Sneas), chargé de cette mission. Des enquêtes pourraient aussi être menées sur des personnes résidant dans les secteurs environnants les lieux de compétition.
Pour l'heure, sur le million de personnes concernées, environ 90.000 ont d'ores et déjà été passés au crible par les enquêteurs-analystes. Lors de cette première vague d'enquête, "280 avis d'incompatibilité" ont été émis par les services de sécurité, parmi lesquels figurent six personnes fichées-S, sans que le motif de ce fichage ait été explicité.
Une structure spécifique a été lancée au sein de la DGSI, désignée cheffe de file du renseignement et de la lutte anti-terroriste pour les Jeux, pour suivre en amont et pendant les JOP l'évolution des menaces et permettre le suivi des "objectifs pris en compte par les services de renseignement", et ceux qui font l'objet d'un signalement.
LP
Jusqu’à 1.900 euros de prime pour les gendarmes et les policiers engagés sur les Jeux olympiques