Le verdict est tombé en fin de journée, mardi 24 juin 2025. Et la cour a finalement suivi les réquisitions de l’avocat général. Yassine El Azizi, le chauffard ayant mortellement percuté la gendarme Mélanie Lemée en juillet 2020, vient de se voir condamné à 30 ans de réclusion criminelle par la cour d’assises du Lot-et-Garonne.
Aujourd’hui âgé de 31 ans, Yassine El Azizi était jugé depuis le 16 juin pour « violences volontaires sur personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Durant tout son procès, il a nié avoir foncé délibérément sur la victime.
Lors du drame, il refusait d’obtempérer et tentait de fuir les gendarmes. Sans permis, il circulait à plus de 150 km/h au volant d’une voiture, alors qu’il avait consommé des stupéfiants. Il transportait également 160 grammes de cocaïne.
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Une peine conforme aux réquisitions
Cette peine de 30 ans de réclusion est cdonc onforme aux réquisitions de l’avocat général Pierre Sennes. Le magistrat n’a « reconnu aucune excuse » à l’accusé qui « a pris délibérément l’option de foncer sur la gendarme dans une extrême violence ». « Leurs regards se sont croisés », a-t-il dit. Citant les experts qui se sont succédé à la barre, l’avocat général a affirmé que « Yassine El Azizi avait une visibilité parfaite » et n’a eu « aucune action sur la pédale de frein », restant « pied au plancher », ce qui fait de lui « un tueur ».
Devant la cour, l’accusé a admis avoir pris « des risques inconsidérés » et « mériter la prison », tout en réfutant être « un meurtrier ». « Je vois le camion de gendarmerie, j’ai vu les herses au dernier moment et le collègue de la victime reculer. Mais elle, je ne l’ai pas vue », a-t-il déclaré au sujet de la victime. Il a ainsi maintenu tout au long du procès que sa « seule volonté était de fuir ».
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La défense d’El Azizi annonce faire appel
« C’est un véritable scandale. C’est un verdict extrêmement lourd, hors-sol. On va en appel », s’est aussitôt indigné l’un des avocats de l’accusé, Me Edouard Martial. « Il ne fallait surtout pas décevoir à la fois l’opinion publique et bien évidemment la Gendarmerie. Ne pas faire l’effort humain, d’humanité vis-à-vis du verdict, ça me semble être proprement insupportable », a ajouté son conseil, qualifiant d’« honteuse » la durée de « deux heures » du délibéré.
La défense considérait que son client aurait dû être jugé pour homicide involontaire aggravé par un tribunal correctionnel, et non aux assises. Son appel de l’ordonnance de renvoi avait été rejeté par la chambre de l’instruction puis par la Cour de cassation. « La course-poursuite, c’est un délit. C’est grave, on est tous d’accord. Mais ce n’est pas un crime », a assuré mardi Me Victor Casellas, un autre avocat de l’accusé, plaidant l’acquittement pour les faits criminels retenus contre lui.
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Un procès terrible pour les parents de Mélanie Lemée
Lors de l’audience, Me Philippe Bellandi, l’avocat des parents de la gendarme, a décrit une « course à la mort en pleine conscience ». « Toute la semaine a été très éprouvante, raconte Danielle Letissier, la mère de la gendarme, au micro de Ici Normandie (ex-France bleu). Chaque jour, on se disait que le lendemain serait un peu moins long, un peu moins dur. Mais finalement, tous les jours ont été terribles. Le dernier jour, nous n’avons pas assisté aux plaidoiries de la défense parce que c’était inentendable, insupportable. »
« On aurait bien souhaité (que Yassine El Azizi) ait une autre attitude, qu’il reconnaisse les choses. Et il a regardé ses pieds. Ses excuses, elles n’étaient pas du tout sincères », a estimé Danielle Letissier.
Un soulagement de courte durée
À l’annonce du verdict, les parents de Mélanie Lemée ont tout d’abord fait part de leur soulagement. « Pour l’ensemble des forces de l’ordre, Police, Gendarmerie, c’est une véritable reconnaissance des risques qui sont pris chaque jour (…) pour assurer la sécurité de tous sur le terrain », a ainsi réagi en premier lieu le père de la victime, Christian Lemée. Mais ce soulagement n’aura finalement été que de courte durée, puisque les avocats de Yassine El Azizi ont annoncé aller en appel.
À la suite de cette cour d’assises, reprend Danielle Letissier, on pouvait espérer pouvoir mettre ça de côté, et se reprojeter dans une vie normale ou à peu près normale. Mais là, on va être de nouveau projeté pendant dix mois ou un an dans la perspective d’un nouveau procès. » « Au lieu d’avoir cinq ans de procédure, il y en aura six. Et nous, pendant toute cette période, on survit plus qu’on ne vit », déclare Christian Lemée, le père de la gendarme.
Émotion et bouleversement
Le décès de Mélanie Lemée avait suscité une grande émotion dès 2020. Cette ex-championne de France militaire de judo venait de réussir à 25 ans l’examen d’officier de police judiciaire. Le ministre de l’Intérieur de l’époque Gérald Darmanin, alors fraichement nommé, lui avait réservé son premier déplacement en région. Il s’était incliné deux jours plus tard devant son cercueil, près de Bordeaux, avant de lui remettre la Légion d’honneur à titre posthume. Au même titre, la gendarme Lemée avait également était promue au grade de majore.
Originaire de l’Orne (Normandie), elle avait rejoint la brigade de proximité d’Aiguillon à sa sortie d’école de sous-officier. Son unité dépendait de la communauté de brigades de Port-Sainte-Marie, là où elle a trouvé la mort le samedi 4 juillet 2020 au soir en participant à l’interception d’un véhicule roulant à vive allure. Le conducteur, qui venait de refuser un contrôle routier, avait tenté pendant plus de vingt kilomètres de semer les gendarmes. Il avait d’ailleurs forcé un premier barrage de gendarmerie. Contournant des herses déployées sur la chaussée, il avait fait un écart brutal, percutant violemment la gendarme qui n’avait pas survécu à ses blessures.
(L’Essor, avec P. Anselmetti / AFP)