Payer des centaines d’euros pour un faux code de la route, plutôt que de le passer soi-même? La pratique augmente, alertent des acteurs du secteur, alors que chaque année, des centres d’examen sont fermés par les autorités.
Un exemple: la Moselle. Au premier semestre 2024, cinq centres de passage du code de la route ont été fermés définitivement dans le département de l’est de la France et plus de 200 procédures de retrait du code, voire du permis de conduire, ont été lancées. Des chiffres importants à l’échelle d’un département, qui ne représentent que la « partie émergée de l’iceberg, tout en sachant qu’elle est ultra minoritaire », estime Philippe Destarkeet, secrétaire général du syndicat FO Inspecteurs-Cadres. Les fraudes sont apparues dès la privatisation de l’examen, en 2016, « d’abord timidement puis de manière exponentielle », observe-t-il.
« Aujourd’hui, on a cinq organismes agréés », qui peuvent gérer le passage du code de la route dans toute la France, « contre huit en début d’année », dit à l’AFP la déléguée interministérielle de la sécurité routière, Florence Guillaume, par ailleurs générale de Gendarmerie.
Fraude « industrialisée » aux épreuves du code de la route
Deux millions d’épreuves du code de la route sont passées chaque année. Les contrôles ont permis en 2024 la fermeture de 83 centres en France et l’annulation « d’un peu plus de 7.000 épreuves », précise-t-elle. « Il y a parfois des chiffres complètement déraisonnables qui ne correspondent à rien » qui circulent, « faisant croire que tout le monde fraude. Ce n’est pas du tout le cas », assure Florence Guillaume.
Les fraudes peuvent être individuelles – quand une personne passe le code pour quelqu’un d’autre – ou bien collectives, souvent enregistrées à l’échelle d’un centre d’examen, via la validation de réponses ou de l’examen de manière frauduleuse. Pour la générale, cette fraude collective naît de la volonté de « quelqu’un qui va vouloir se faire de l’argent en revendant très cher un code de la route qui, si on le passe, coûte 30 euros ».
Une rapide recherche en ligne avec quelques mots-clés permet de tomber sur un site internet proposant « d’acheter le code de la route sans le passer », avec un résultat garanti « sous cinq jours ». D’autres proposent ces services illégaux sur les réseaux sociaux, comme Snapchat, pour des sommes variant d’une centaine à un millier d’euros.
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« Fraude de la fraude »
Au milieu de cette illégalité, il y a parfois aussi « des escrocs qui peuvent essayer de gagner de l’argent en disant qu’ils envoient un code de la route, et en réalité les gens ne l’obtiennent jamais. C’est la fraude de la fraude », observe la déléguée interministérielle.
Les préfectures sont chargées de l’organisation des contrôles. Mais pour Philippe Destarkeet, jusqu’à la privatisation du passage de l’épreuve en 2016, l’inspecteur, fonctionnaire, « assurait par sa seule présence le cahier des charges, le déroulement de l’examen. D’une certaine façon, l’État certifiait lui-même la validité des codes de la route ».
L’Etat toutefois, ne prévoit pas de re-nationaliser l’épreuve comme le voudrait le syndicat, l’externalisation ayant eu pour effet de drastiquement réduire les délais de passage, rappelle Florence Guillaume. « Tout le monde peut passer, presque dans la semaine, son examen, et le repasser le lendemain » en cas d’échec, ce qui n’était pas le cas auparavant.
Les sanctions pour les fraudeurs
Le candidat fraudeur risque trois ans de prison, 45.000 euros d’amende et cinq ans d’interdiction de se présenter aux différents examens du permis de conduire. Les organisateurs de la fraude risquent cinq ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende.
L’an dernier, quatre hommes de 21 à 23 ans ont écopé à Vesoul de peines allant jusqu’à deux ans de prison avec sursis pour leur implication dans un trafic de faux codes obtenus contre de l’argent dans toute la France.
Par Marine LEDOUX (AFP)