Présents dans toutes les têtes des dirigeants et responsables des forces de sécurité publiques et privées, les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 se préparent depuis un moment déjà. Ils représentent un défi de très haut niveau pour les autorités, face aux multiples menaces (attentats, délinquance, actions revendicatives, troubles à l'ordre public, cyberattaques, risques NRBC…). La mobilisation a déjà commencé, notamment du côté des services de renseignement face à des menaces considérées comme « très très élevées ».
Auditionné par les sénateurs de la commission des Lois et de celle de la Culture de l’Éducation et de la Communication, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a présenté une nouvelle esquisse du très vaste dispositif de sécurité envisagé pour cet événement hors normes.
L'ouverture des JO comme point d'orgue du dispositif
Le dispositif de sécurité des Jeux connaîtra son apogée avant même le début des épreuves sportives, avec l'organisation de la cérémonie d'ouverture le long de la Seine, le 26 juillet 2024 à Paris. Car même si l'image d'un défilé des délégations internationales sur la Seine devant un public venu en nombre semble magnifique, le défi immense de la sécurité d'une telle manifestation est inédit. D'autant plus qu'au-delà des menaces actuelles de sécurité publique, d'autres pèsent en permanence sur certaines délégations étrangères. Au total, 10.500 athlètes représentant 206 nations seront présents pendant les JO, et 4.400 athlètes pour les Jeux Paralympiques.
Lors de son audition devant les sénateurs, le ministre de l'Intérieur a évoqué le chiffre de 600.000 spectateurs rien que pour cette cérémonie. Parmi eux, 100.000 avec un billet payant, pour assister à l'événement depuis les zones basses des quais de Seine, et 500.000 spectateurs qui resteraient en haut des quais. À cet effet, et pour s'assurer d'un filtrage minimum, des billets gratuits seront obligatoires pour accéder aux zones d'observation hautes. Permettant aux forces de sécurité de boucler le secteur afin d'en assurer l'accès;
De 12.000 à 45.000 gendarmes et policiers mobilisés chaque jour en Île-de-France
Pour le reste de l'événement, le ministre précise qu'en moyenne, "30.000 policiers et gendarmes par jour" seront mobilisés tout au long des Jeux. Un chiffre qui varie de 12.000 membres des forces de sécurité intérieure à 45.000 pour les journées les plus importantes pour la seule Île-de-France. Les effectifs globaux de la Police (actifs et réservistes) s'élèvent à 150. 000 hommes et femmes et ceux de la gendarmerie à 130.000. Et c'est sans compter sur la participation des agents de sécurité privée – dont le ministre a réaffirmé qu'il en faudrait 25.000 pour compléter le dispositif – ou les policiers municipaux qui seront également sur le pied de guerre.
Pour atteindre ce déploiement de force jamais atteint, l'Intérieur prévoit également la mobilisation quotidienne de 7.000 élèves-gendarmes et élèves-gardiens de la paix, qui pourront, à l'issue de leur bloc initial de formation, assurer des missions de présence, mais pas nécessairement d'intervention, aux abords des sites retenus pour les JO. L'exécutif prévoit également l'emploi de 8.500 réservistes opérationnels par jour, dont une très large majorité (7.000) de la Gendarmerie, le reste (1.500) appartenant à la réserve de la Police fraîchement créée.
Devenant opérationnelle, la réserve de la Police nationale se gendarmise
Les zones de compétence suspendues
"Je mets fin à la zone de compétence entre Police et Gendarmerie, le temps des Jeux Olympiques et de la Coupe du monde de rubgy", a annoncé le ministre devant les sénateurs. "J'ai dit aux directeurs généraux de la Gendarmerie et de la Police que je ne voulais pas entendre parler de zones de compétence", de manière à pouvoir "mobiliser l'intégralité des ressources policières et gendarmesques".
Il a d'ailleurs rappelé au passage que ces zones ne représentaient pas des limites à l'intervention des policiers ou des gendarmes, soulignant la mobilisation régulière de gendarmes mobiles en zones Police, ou en citant l'exemple des pelotons de surveillance et d'intervention (Psig) déployés en renfort à Nice et Marseille lors des matchs de football.
"On peut tout à fait imaginer, et c'est le scénario sur lequel nous travaillons, que l'on donne des missions aux gendarmes en zones Police." "Tenir une gare" (…) ou "un réseau de transports". Illustrant son propos, le ministre a cité l'exemple de la gare de Saint-Denis que pourraient "tenir les gendarmes" ainsi que le réseau de transports qui la dessert, tandis que "les policiers seraient responsables des rues du centre-ville et de l'accès direct aux stades".
Autre exemple, celui de "l'utilisation de policiers qui sont dans des territoires de province, qui pourraient être envoyés dans des zones Police pour les renforcer", et que des gendarmes pourraient "remplacer le temps de la compétition". Il a, à ce sujet, repris l'exemple des commissariats de Police du Calvados. "On pourrait imaginer qu'une grande partie (des effectifs) des commissariats de Caen et de Lisieux puisse être affectée en Île-de-France pendant ce mois de compétition, et qu'on demande aux gendarmes de prendre la zone des communes (…) autour de Caen".
"Aucune disposition législative n'est nécessaire, a ajouté le ministre. Il s'agit uniquement de soulever des barrières mentales, dont vous savez qu'elles sont parfois très importantes."
Pas de congés pour les forces de l'ordre
Autre point important : "sauf de très rares exceptions", il n'y aura "pas de congés" accordés aux policiers et aux gendarmes pendant les Jeux. Et cela vaut "à tous les étages", y compris au sein des états-majors, a souligné le ministre qui s'inclut a fortiori dans les personnes concernées. Le temps de travail des policiers et gendarmes fera par ailleurs l'objet d'un "aménagement".
Pour compenser cette mobilisation maximale de gendarmes et de policiers, d'autres événements seront par ailleurs annulés ou reportés. Ce sera par exemple le cas du Tour de France, qui mobilise chaque année un grand nombre de membres des services de sécurité et de secours, et qui serait tombé en plein milieu du début des épreuves des JO. Ce sera aussi le cas de la Braderie de Lille, prévue pendant les Jeux Paralympiques.
Outre la présence visible des forces de sécurité intérieure sur le terrain, le versant numérique de l'événement sera aussi sous étroite surveillance avec la mobilisation de l'ensemble des ressources cyber dont dispose la France. Le ministre a rappelé les 4 milliards d'attaques cyber qu'ont eu à subir les Jeux de Tokyo, en 2021, et ce alors même qu'il n'y avait pas de public en raison de la situation sanitaire liée au Covid-19.
L'armée en renfort
S'il est presque évident que des patrouilles similaires à l'actuel dispositif Sentinelle, dans le cadre du Plan Vigipirate, seront maintenues, au minimum pour ces événements où la menace sera palpable, les armées interviendront également à d'autres niveaux. Ce sera le cas par exemple pour la sécurité aérienne, déjà à la charge du gouverneur militaire de Paris pour la capitale, qui sera renforcée par des moyens militaires, à commencer par la lutte anti-drone, partagée en coresponsabilité avec le ministère des Armées. La Gendarmerie dispose en effet d'unités qui se sont spécialisées dans cette mission sensible ces dernières années. La crainte première, citée par le ministre, est celle de l'utilisation de drones chargés d'explosifs, similaires à ceux utilisés récemment sur certains théâtres d'opérations, qui viendraient s'écraser en plein milieu d'une foule.
La Cour des comptes dézingue Sentinelle
La Coupe du monde de rugby comme "répétition générale"
Un an avant l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques, la Coupe du monde de rugby servira de match test, ou de "répétition générale" aux autorités. Le ministère de l'Intérieur prévoit ainsi la mobilisation de "7.000 forces de l'ordre par jour", en moyenne.
Le ministre a d'ailleurs annoncé avoir demandé aux préfets de préparer des "plans zéro délinquance" pour l'ensemble des sites qui accueilleront les Jeux ou des événements liés aux Jeux, comme les Fan zone qui permettent à des supporters de suivre les compétitions. Une quarantaine de sites de compétitions sont prévus au total, dont près de la moitié en Île-de-France, répartis dans 22 départements, y compris outre-mer, "ce qui implique également des problématiques de projection des forces". Dès l'automne 2023 et la Coupe du monde de rugby, "5.500 opérations anti-délinquance" seront menées, "dont 3.500 en Île-de-France".
Côté prévention, un "effort sans précédent" sera fait en faveur du fonds interministériel de prévention de la délinquance avec, pour 2024, 44 millions d'euros, représentant notamment un plan d'équipement de 15.000 caméras de vidéoprotection supplémentaires.