<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Un djihadiste en fuite déchu de sa nationalité française

Photo : Le Palais de Justice dans l'Ile de la Cité à Paris avant son déménagement partiel dans le quartier des Batignolles (photo d'illustration)

1 avril 2022 | Société

Temps de lecture : 3 minutes

Un djihadiste en fuite déchu de sa nationalité française

par | Société

Le décret du 31 mars 2022 "portant déchéance de la nationalité française" de Mesut Sekerci, né le 22 juillet 1995 à Evreux (Eure), a été publié ce vendredi au Journal officiel. Il est soupçonné d'avoir rejoint en 2013, à l'âge de 18 ans, la Syrie pour intégrer un groupe terroriste affilié à Al-Qaïda. Le tribunal correctionnel de Paris l'avait condamné par défaut en avril 2016 à dix ans de prison pour sa participation à un réseau de financement du djihadisme. Un mandat d'arrêt à son encontre avait également été émis. Mesut Sekerci se trouverait actuellement dans le nord-ouest de la Syrie, la dernière zone encore sous contrôle djihadiste. Le Conseil de l’UE avait décidé en avril 2021 de le sanctionner dans le cadre du régime de sanctions de l'UE contre l'organisation État islamique et Al-Qaïda "et les personnes, groupes, entreprises et entités qui leur sont associés". Cette mesure interdit à Mesut Sekerci de voyager dans les pays de l'Union européenne et lui impose le gel de ses avoirs.

Une mesure administrative

La déchéance de la nationalité française – prévue par les articles 25 et 25-1 du Code civil – est une mesure administrative initiée par la Direction générale des étrangers en France du ministère de l'Intérieur. La sanction visant Mesut Sekerci est la première de l'année 2022. Selon le ministère de l'Intérieur, elle a été prononcée à quatre reprises en 2021, quatre en 2020, deux en 2019 et cinq fois en 2015. Les décrets de déchéance de la nationalité française depuis 2015 ont été pris dans leur quasi totalité à la suite de condamnations pour terrorisme. Ils sont signés par le Premier ministre et contresignés par le ministre de l'intérieur après avis conforme du Conseil d'Etat. Lorsque la sanction frappe une personne résidant sur le territoire français, elle ne remet pas en cause son droit à y séjourner. L'expulsion d'un étranger, précise-t-on au ministère de l'Intérieur, relève d'une législation spécifique, prévue par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda).

Le ministère de l'Intérieur tient à préciser à L'Essor qu'à sa demande et à celle de la Coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT), l’unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat) "effectue un suivi des dossiers d’individus condamnés pour des faits de terrorisme islamiste susceptibles de faire l’objet d’une proposition de déchéance de nationalité afin de s’assurer de la bonne mise en œuvre de cette sanction administrative". Ce processus "s’inscrit plus particulièrement dans le cadre de la coordination relative au suivi des sortants de prison", ajoute la Place Beauvau.

Protection de la vie privée et familiale

Selon Jules Lepoutre, professeur de droit public à l'université de Corse, "depuis au moins 25 ans, les déchéances ne sont prononcées que pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou acte de terrorisme". Il ajoute que "les personnes déchues de la nationalité françaises deviennent étrangères sur le sol français. Dans les faits, elles sont invitées à se présenter à la préfecture qui leur délivre, dans les quelques cas que je connais, une autorisation provisoire de séjour. Rien ne s’oppose à ce qu’elles puissent être mises en possession d’une carte de séjour". Dans beaucoup de cas, ajoute Jules Lepoutre, des arrêtés d’expulsion sont émis, à destination du pays de la nationalité restante. "La question primordiale reste celle de la protection de la vie privée et familiale. Si la personne déchue possède en France toutes ses attaches familiales (femmes et enfants) et qu’elle y réside depuis longtemps (voire est né en France), alors un arrêté d’expulsion pourrait porter atteinte au droit au respect de la vie familiale et être annulé par le juge administratif", conclut ce spécialiste.

Deux candidats à la présidentielle, Marine Le Pen et Eric Zemmour, ont demandé à plusieurs reprises que la déchéance de nationalité soit systématiquement suivie de l'expulsion du territoire français.

Déchéance de la nationalité et décret de naturalisation rapporté

Le décret portant déchéance de la nationalité est différent du décret rapportant un décret de naturalisation. Celui-ci peut intervenir lorsque l'intéressé ne remplissait pas les conditions posées par la loi par une naturalisation (absence de résidence en France, défaut d’assimilation…) n'étaient pas remplies ou lorsque l'intéressé a obtenu la nationalité par mensonge ou par fraude (dissimulation d'union polygamique, production de documents falsifiés…). Depuis le début de l'année, 15 décrets rapportant un décret de naturalisation ont été pris (21 en 2021).

Pierre-Marie GIRAUD

L’incroyable histoire d’un fils de harki privé de nationalité française bien malgré lui

Registre :

La Lettre Conflits

La newsletter de l’Essor de la Sécurité

Voir aussi