Nancy: relaxe des militants antinucléaire poursuivis pour une manif à Bure

Photo : Une centrale nucléaire (Illustration)

5 juin 2025 | Société

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Nancy: relaxe des militants antinucléaire poursuivis pour une manif à Bure

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Les juges ont notamment estimé que les éléments du dossier ne permettaient pas de prouver que les sommations de dispersion avaient été correctement effectuées lors d'une manifestation antinucléaire à Bure en août 2017.

La cour d’appel de Nancy a infirmé, ce jeudi 5 juin 2025, le jugement qui avait condamné trois militants antinucléaire pour « attroupement » lors d’une manifestation en 2017 contre le mégaprojet de stockage souterrain de déchets radioactifs à Bure (Meuse).

 « Les pièces et les débats ne permettent pas » d’apporter à la cour la preuve que les sommations de dispersion des gendarmes ont été cumulativement annoncées, entendues ou vues par les prévenus et que ces derniers ont pris part à l’« attroupement » le 15 août 2017, a déclaré le président de la cour.

Ces trois éléments doivent être démontrés pour que des prévenus soient déclarés coupables d’« attroupement ». Or, « aucune pièce ne précise les modalités de sommation » des gendarmes, leur contenu ou « leur portée », a-t-il poursuivi. La cour a aussi estimé qu’il apparaît que des vidéos, mentionnées dans l’ordonnance de renvoi des prévenus devant le tribunal correctionnel, « n’ont pas été exploitées ».

Manifestation antinucléaire du 15 août 2017

La justice reprochait à trois militants leur maintien, malgré les sommations de dispersion de la gendarmerie, dans une manifestation. Celle-ci se tenait le 15 août 2017 à proximité du site du projet Cigéo, où l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) souhaite enfouir 83.000 mètres cubes des déchets les plus dangereux du parc nucléaire français pour des millénaires.

A l’audience, la salle était pleine, avec une quarantaine de personnes debout pour suivre les débats. Les avocats de la défense avaient plaidé la relaxe des trois prévenus. Ils avaient également déploré la « disproportion » des moyens d’enquête de cette longue procédure. Pour eux, il manquait dans ce dossier des éléments prouvant que les gendarmes avaient prononcé les sommations dans les règles. Ou encore que les prévenus étaient bien présents dans le cortège au moment des sommations ou qu’ils voulaient s’y maintenir par la suite.

« Des années qu’on se tue à leur dire qu’il n’y a rien dans ce dossier, rien que de l’obsession policière, de la surveillance acharnée, de la répression politique bornée, du gâchis d’argent public. (…) Eh bien ça y est, nous y voilà: il ne reste rien ! », a réagi dans un communiqué le collectif des opposants. « Maintenant – et si tant est que le parquet ne se couvre pas de ridicule en se pourvoyant en cassation dans les 10 jours qui viennent – nous allons pouvoir continuer pleinement notre combat », ajoutent-ils. Ils ont d’ailleurs annoncé une nouvelle manifestation le 20 septembre.

Des moyens d’enquête très conséquents

Les prévenus avaient tour à tour dénoncé une procédure très lourde, ouverte depuis près de huit ans. Celle-ci avait mobilisé des moyens d’enquête très conséquents, réservés d’ordinaire aux affaires de criminalité organisée, dont des Imsi-catchers. Ces appareils permettent d’intercepter en masse les données de connexion des téléphones portables.

L’un des prévenus, Joël Domenjoud, avait évoqué des « mesures de surveillance extrêmement intrusives » imposées à l’encontre de « centaines de personnes ». Une autre, Angélique Huguin, avait déclaré au nom du collectif : « Nous nous accrochons à la justice, quand bien même nous ne sommes pas dupes de son possible dévoiement par une machine policière et judiciaire qui s’emballe lorsque la puissance de l’Etat nucléocrate s’en empare pour écraser une lutte ». Ils ont ensuite fait usage de leur droit au silence, refusant de répondre aux questions de la cour.

Une longue procédure qui a déjà été en cassation

A l’origine de ce dossier se trouve une information judiciaire menée pendant trois ans et quatre mois. Le juge de Bar-le-Duc (Meuse) qui l’avait mené, avait mis en examen dix personnes. Parmi elles figurait l’avocat Etienne Ambroselli.

Sept militants avaient finalement été renvoyés en procès à l’issue de l’enquête, poursuivis notamment pour « association de malfaiteurs ». Les autres avaient bénéficié d’un non-lieu. Six avaient écopé d’une condamnation en première instance (mais aucun pour association de malfaiteurs). Ensuite, la justice n’en avait condamné que trois en appel, sur des faits mineurs. Elle avait en revanche relaxé les quatre autres.

En septembre 2024, la Cour de cassation avait ordonné la tenue d’un nouveau procès. Selon la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, la cour d’appel n’avait « pas justifié sa décision ». Elle ne s’était en effet  pas prononcée sur la possible « atteinte disproportionnée à la liberté d’expression des prévenus ».

 Par Marine LEDOUX (AFP)

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