L’ex-magistrat Jean Bianconi demande que « justice soit rendue » aux gendarmes victimes de violences à Ouvéa

Photo : Des gendarmes du GIGN lors des évènements d'Ouvéa (Nouvelle-Calédonie) en 1988. (Photo: DR)

9 septembre 2022 | Société

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L’ex-magistrat Jean Bianconi demande que « justice soit rendue » aux gendarmes victimes de violences à Ouvéa

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Jean Bianconi avait joué un rôle déterminant à Ouvéa (Nouvelle-Calédonie) en 1988 lors de la libération des gendarmes retenus en otage dans la grotte de Gossanah en négociant avec les indépendantistes et en apportant deux armes aux gendarmes retenus en otage qui leur ont permis de se défendre. L'ancien magistrat a rendu récemment hommage dans […]

Jean Bianconi avait joué un rôle déterminant à Ouvéa (Nouvelle-Calédonie) en 1988 lors de la libération des gendarmes retenus en otage dans la grotte de Gossanah en négociant avec les indépendantistes et en apportant deux armes aux gendarmes retenus en otage qui leur ont permis de se défendre. L'ancien magistrat a rendu récemment hommage dans L'Essor à l'un des gendarmes du GIGN pris en otage, Jean-Pierre Picon, capitaine lors des évènements d'Ouvéa et décédé le 23 août 2022. Le tribunal administratif de Lille doit examiner prochainement les demandes d’indemnisation de huit gendarmes otages et des familles de deux autres tués lors de l'attaque de la brigade de Fayaoué.

Voici le texte adressé à L'Essor par Jean Bianconi, magistrat honoraire, officier de la Légion d’honneur et de l’ordre national du Mérite, Croix de la valeur militaire avec palme.

"Je ne me prononcerai pas sur les raisons qui ont conduit Jean Pierre Picon à mettre fin à ses jours. Pour l'avoir connu à un moment où sa vie était en danger je puis affirmer qu’il était de taille à affronter et à supporter – mentalement et physiquement – les plus difficiles épreuves ainsi qu’il l’a démontré au cours de sa brillante carrière au sein du GIGN. On peut toutefois se poser la question de savoir si le mépris de la hiérarchie n’a pas influencé cette décision. Je ne prétends pas avoir la réponse à cette question mais il est certain que l’indifférence, voire le mépris, des pouvoirs publics envers ceux qui ont vécu l’attaque de la gendarmerie de Fayaoué à Ouvea, le 22 avril 1988, et la prise en otage des gendarmes et des GIGN qui s’en est suivie, les a tous profondément marqués et traumatisés.

"Tous se posent encore ces questions : Quelle est notre faute ? Pourquoi ce silence méprisant ? Si faute il y a eu, il était du devoir du haut commandement de la Gendarmerie de l’établir et de la sanctionner, comme l’a très justement souligné le colonel Calhiol dans son travail de recherche documentaire sur cette attaque. Or aucune enquête n’a jamais été diligentée en ce sens ni aucune faute retenue à l’encontre des otages. Faut-il en conclure que la hiérarchie de l’époque craignait d’être mise en cause par la révélation des dysfonctionnements majeurs relevés par le colonel Calhiol, notamment la non transmission à la brigade de Fayaoue de "directives impératives pour la défense du poste" en opposition à la pratique auparavant recommandée "de ne pas opérer une bunkerisation des lieux qui aurait pu passer pour une provocation exploitable par les indépendantistes" ?

"Dès lors que les mesures de sécurité préconisées et appliquées jusqu’au jour de l’attaque de la brigade de Fayaoué : armes verrouillées dans l’armurerie, cantonnement (qui, au demeurant serait considéré aujourd’hui comme indigne d’accueillir des immigrés clandestins) gardé par un homme armé étaient conformes aux instructions données il paraît donc logique et justifié qu’aucune faute grave n’ait été retenue à l’encontre des gendarmes par la hiérarchie. En réalité c’est la hiérarchie qui est fautive et a manqué à son obligation d’assurer la sécurité des gendarmes placés sous son commandement en logeant ces sous-officiers dans un cantonnement ouvert à tous les vents et en ne vérifiant pas que les nouvelles instructions de sécurité avaient bien été transmises, réceptionnées et appliquées ainsi que l’a relevé, là encore, le colonel Calhiol.

"Pourquoi alors ce silence méprisant ? En l’absence de faute avérée, faut-il attribuer ce silence méprisant des plus hautes autorités de l’État et de la Gendarmerie au fait que "des actes contraires à l’honneur militaire" (NDLR, déclaration de Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de la Défense) auraient suivi la reddition des rebelles après l’assaut de la grotte où étaient retenus les otages par les forces armées du GIGN, du 11 ème Choc et du Commando Hubert ? Là encore, rien ne permet d’affirmer que de tels faits ont eu lieu. A l’exception de violences exercées sur la personne d’Alphonse Dianou lors de son transfert à Nouméa, l’enquête des généraux Berthier et Rouchaud n’a pas établi la véracité de ces allégations même si les conclusions de cette enquête sont fortement contestées par la partie Kanak.

"Pourquoi alors en faire supporter le poids aux gendarmes pris en otage, au capitaine Picon et aux gendarmes Dubois, Pichegru, Leroy, Meunier et Guilloteau du GIGN, qui au péril de leur vie, répondant à l’appel de leur chef, se sont volontairement constitués prisonniers pour sauver celle de l’adjudant Delahaye qu’Alphonse Dianou menaçait de faire exécuter si les militaires entourant la grotte ne déposaient pas les armes ? Pour des faits similaires, les plus hautes autorités de l’Etat ont rendu un hommage national, amplement mérité, au colonel Arnaud Beltrame qui, malheureusement, contrairement à Picon et ses hommes, n’a pas eu la chance de survivre à son geste héroïque.

"34 ans après cette tragédie d’Ouvéa, le décès de Jean Pierre Picon, dans des circonstances particulièrement éprouvantes pour sa famille, vient nous rappeler qu’il est temps de rétablir ce lien de confiance avec la hiérarchie et de rendre justice (sous la forme qui sera jugée la plus appropriée) à tous ceux, qui au péril de leur vie, dans l’exercice de leur mission, ont été victimes de ces violences".

PMG 

L’ancien magistrat a rendu hommage à Jean-Pierre Picon après son décès le 23 août 2022.

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