« La prévention du terrorisme redevient le premier motif, tant en nombre de personnes concernées (30% des personnes surveillées), que de techniques mises en oeuvre (39,3% des demandes) », explique la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) dans son rapport d’activité pour 2024, publié jeudi 26 juin 2025.
Ce retour au premier plan de la lutte antiterroriste en 2024 est cohérent avec l’évolution de la menace, « qui s’est soudainement élevé depuis le mois d’octobre 2023 avec la reprise du conflit israélo-palestinien, puis la chute récente du régime syrien, qui a renforcé l’instabilité géopolitique (…). En 2024, les services ont déjoué 9 projets d’attentats, portés la plupart par des sympathisants de l’Etat islamique, qui demeure la principale menace exogène », rappelait en mars le gouvernement.
Le terrorisme comme principale menace
La CNCTR a notamment la responsabilité de valider chaque demande d’utilisation d’un certain nombre de techniques de renseignement. Des demandes émises par les différents services français autorisés à les utiliser (DGSE, DGSI, Douanes, renseignement pénitentiaire, renseignement territorial…). Dans l’ensemble, 2024 « a été une année maîtrisée, dans un contexte exceptionnel » marqué notamment par les Jeux Olympiques, plusieurs élections, les troubles en Nouvelle-Calédonie, a résumé son président Vincent Mazauric.
Le nombre total de personnes surveillées par ces moyens est resté pratiquement stable, à 24.308 personnes (+0,4%). Alors qu’en 2023, la hausse avait été très forte (+15%). De même, le nombre total d’utilisations de ces techniques sur l’année a augmenté de 3% (98.883).
En 2023, pour la première fois depuis plusieurs années, le nombre de personnes surveillées au motif de la lutte contre la criminalité organisée (qui englobe notamment le narcotrafic) était devenu supérieur au nombre de personnes surveillées au titre de l’antiterrorisme. Cette dernière thématique reste sur le long terme la principale menace contre laquelle sont employés ces outils.
Les techniques intrusives plus souvent utilisées par les services de renseignement
Concernant les moyens utilisés, les services ont « un recours de plus en plus fréquent aux techniques les plus intrusives » comme le recueil de données informatiques, détaille la CNTCR, soulignant une utilisation en forte hausse ces dernières années (+27% en 2024, plus que doublé sur 5 ans).
Cette technique « mérite une très grande attention », a estimé M. Mazauric, y voyant le « reflet de la baisse de l’efficacité des interceptions de sécurité », les écoutes téléphoniques classiques, qui restent toutefois majoritaires, et l’utilisation des services de messagerie chiffrée.
Les services ont aussi de plus en plus recours aux micros et caméras dissimulés dans des lieux privés, avec une augmentation de 150% entre 2020 et 2024, même si la hausse n’a été que de 2,9% l’an dernier.
L’importance d’un cadre légal
Au chapitre des inquiétudes, la CNCTR rappelle que la France ne dispose pas d’un cadre légal pour les échanges entre services français et étrangers. Ces échanges sont « indispensables, incontestables », souligne M. Mazauric. Pour autant, « il faut un cadre légal ».
« Cette carence n’a honnêtement pas de raison de perdurer. Je suis convaincu qu’il est possible de définir un cadre légal à l’échange entre services français et étrangers, dans des conditions qui n’empêchent pas la circulation utile et légitime de renseignements », a-t-il ajouté. « Il serait dommage qu’une décision de la CEDH ou de la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne, ndlr) mette à mal le dispositif français ».
(Avec l’AFP)
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