Michel et Christelle, médecins des armées, et Wilfried et Sophie, pharmaciens des armées, s’estimaient « victimes de harcèlement moral » de leur hiérarchie, en particulier du général Patrick Touron. Alors colonel, il avait dirigé l’IRCGN de 2015 à 2018. Un signalement sur la plateforme « Stop-discri » avait d’ailleurs été le point de départ de cette procédure en 2017.
« Climat anxiogène et délétère »
« L’administration a commis une faute de service en laissant ses agents être exposés à un climat anxiogène et délétère« , soutenait leur avocate, Me Elodie Maumont. Sophie estimait ainsi avoir subi une « perte de chance de mener ses plans de carrière dans la filière toxicologie médico-légale« . En défense, le ministère de l’Intérieur admettait que l’intéressée avait « exercé ses fonctions dans des conditions dégradées résultant d’une surcharge de travail et d’un manque d’effectif ». Pour autant, il considérait que la requérante n’apportait aucun élément pour « laisser présumer » le moindre « harcèlement moral« .
L’existence de faits de harcèlement moral écartée
« L’administration a diligenté une enquête interne dont les conclusions ont conduit à écarter l’existence des agissements de harcèlement moral », confirme le tribunal administratif de Cergy-Pontoise dans un des cinq jugements rendus le 6 mars 2025 et qui viennent d’être rendus publics. « En outre, l’administration a signalé au procureur de la République de Paris le 20 octobre 2022 les agissements du général Touron susceptibles de revêtir une qualification pénale et la requérante a été auditionnée dans le cadre de l’enquête pénale. »
« L’existence de faits de harcèlement moral n’ont pas été retenus au motif que les agissements sont explicables pour une partie par l’exercice du pouvoir hiérarchique ou l’intérêt du service et ne sont pas le fait d’un unique auteur », expliquent les juges. « Si la requérante fait valoir qu’elle a été isolée, cet isolement résulte en partie du comportement de la requérante, décrit par certains comme ambivalent et caractériel. Certains soulignaient d’ailleurs que le +service se porte mieux depuis son départ+ »
« Sale caractère »
Le général François Daoust, chef du pôle judiciaire de la Gendarmerie nationale, avait d’ailleurs relevé le « sale caractère » de Sophie, ajoutant qu’elle n’avait « rien fait pour améliorer la cohésion de son département ». « Elle travaillait beaucoup tout en s’isolant« , avait abondé le général Yves Schuliar, médecin du Service de santé des armées (SSA). « Les responsabilités quant aux problèmes internes du département doivent être partagées. »
« La requérante reproche à son supérieur direct des observations vétilleuses et des remises en cause de ses initiatives », résume le TA; « Toutefois les rapports étaient marqués par des tensions et des rivalités. » De même, « si Sophie a été effectivement victime, devant témoins, de propos choquants par le général Touron (…) il n’est pas établi que la requérante aurait été convoquée (…) dans des conditions humiliantes afin de lui faire part de griefs infondés », considèrent les juges.
« Conditions dégradées et manque d’effectifs »
Pour le reste « le ministre de l’Intérieur reconnaît que Sophie a exercé ses fonctions au sein de l’IRCGN dans des conditions dégradées en raison d’un manque d’effectifs et d’un accroissement d’activité », relève le tribunal administratif de Cergy-Pontoise. « En outre, plusieurs agents ont été placés en arrêt de travail au cours de l’année 2019 pour cette même raison », notent les juges. « Or, malgré la connaissance qu’avait l’administration de la dégradation des conditions de travail au service et de la souffrance morale partagée par plusieurs agents, elle n’a pris aucune mesure immédiate, hormis un audit sur les risques psychosociaux. »
« Syndrome anxio-dépressif sévère »
Ces conditions de travail sont à l’origine d’un syndrome anxio-dépressif sévère chez Sophie, qui doit observer depuis 2017 un « suivi médical multi-disciplinaire qui perdure à ce jour », soulignent les juges. L’Etat devra donc lui verser 11.250 euros de dédommagements, tout comme à Christelle, médecin des armées, qui se trouve trouve dans une situation similaire. Michel touchera 17.250 euros et Wilfried 9.750 euros. Chacun percevra 1.500 euros supplémentaires pour ses frais de justice .
ED (PressPepper)