<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La Cour des comptes dézingue Sentinelle

Photo : Des soldats en opération Sentinelle à Antibes, en juillet 2016. (Photo: S.D. L'Essor)

15 septembre 2022 | Société

Temps de lecture : 3 minutes

La Cour des comptes dézingue Sentinelle

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La Cour des comptes vient d'appeler dans un rapport publié le 12 septembre, à transférer la mission Sentinelle aux forces de sécurité intérieure ou de la maintenir sous un format réduit. Pour les Sages de la rue Cambon, Sentinelle a en effet vécu. Mise en place en 2015 pour aider la Gendarmerie et la Police […]

La Cour des comptes vient d'appeler dans un rapport publié le 12 septembre, à transférer la mission Sentinelle aux forces de sécurité intérieure ou de la maintenir sous un format réduit. Pour les Sages de la rue Cambon, Sentinelle a en effet vécu. Mise en place en 2015 pour aider la Gendarmerie et la Police à lutter contre le terrorisme islamique, cette mission qui a mobilisé 225.000 militaires, essentiellement de l'armée de Terre, ne semble plus pertinente sous sa forme actuelle.

Changement de la nature de la menace 

Comme le rappelle la Cour des comptes, la menace terroriste se caractérisait il y a sept ans "par la projection d’attaques depuis le Levant". "Mais depuis les revers de l’État islamique, la menace est devenue endogène, même si elle est parfois incarnée par des ressortissants étrangers réfugiés ou résidents illégaux, poursuit la Cour des comptes. Depuis fin 2018, elle est portée par des individus inspirés par l’État islamique mais qui ne sont pas nécessairement affiliés à une organisation terroriste."

Ce changement de la nature de la menace rend moins pertinent le recours aux forces militaires françaises. Ces dernières ne disposent pas de pouvoir de police, de capacités de renseignement intérieur et n'ont pas l'armement adéquat.

Les soldats de Sentinelle attaqués à six reprises depuis 2015 !

Coûteuse mission 

La Cour des comptes est également critique sur les coûts de cette opération qui visait à mettre “plus de kaki que de bleu dans la rue”. "Si le résultat préventif est difficilement mesurable, l’effet recherché est quantifiable puisqu’il est celui d’un engagement militaire massif, remarquent les magistrats financiers. Le coût complet de ce continuum sécurité-défense est évalué à 2 milliards d’euros depuis sept ans et à plus de 3 milliards d'euros pour tenir compte du fait que “la solde des militaires est calculée pour 220 jours par an environ”.

Or, pour la Cour des comptes, la mission Sentinelle a généré une forme d'addiction. En 2017, le colonel et historien militaire Michel Goya estimait que l’opération était un piège, car elle constituait une “forme d’anxiolytique placebo dont on ne peut se passer”. Ainsi, les sollicitations se multiplient, comme par exemple pour la présidence française de l’Union européenne et ses 400 événements, ou pour la Coupe du monde de rugby de 2023 et les Jeux Olympiques de l'année suivante. "Il apparaît que les forces de Sentinelle seront employées pour des missions éloignées de leur cœur de métier" signale donc la Cour des comptes. 

Des “renoncements”

Résultat: comme pressenti lors de la mise en place de Sentinelle, "le contrat opérationnel de protection n’a pu être assuré qu’au prix de renoncements”, affectant en profondeur la préparation opérationnelle. Un constat inquiétant alors que l'invasion russe de l'Ukraine prouve le retour d'une menace d'un engagement majeur sur le sol européen. 

De même, la mission Sentinelle ne mobilise pas les compétences particulières des armées, comme "celles des forces spéciales, de véhicules blindés et de moyens aéromobiles, de capacités du génie, de moyens de protection et d’intervention contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques, de lutte anti-drones, de mobilité 3D, de neutralisation, enlèvement, destruction d’explosifs, d’intervention anti-terroriste et de libération des otages”. Les militaires n'utilisent donc pas leurs meilleures compétences dans cette mission, les privant d'un cercle vertueux leur permettant de progresser.

Forces de sécurité intérieures prioritaires

Ce qui entraîne pour les magistrats de la Cour des comptes la conclusion suivante. "Il appartient donc aux forces de sécurité intérieure de reprendre des secteurs d’activité qui leur reviennent en priorité et pour lesquels elles sont mieux équipées qu’en 2015, dans la mesure où les moyens humains et matériels ont été significativement renforcés”. Et de suggérer au passage de s'appuyer sur les réserves de la Gendarmerie et de la Police.

Ce qui pose un sérieux problème aux deux forces en termes de ressources humaines et de budget… D'où la réponse alambiquée de Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, qui s'est empressé de botter en touche en appelant "à ne pas tirer des conclusions hâtives sur la menace terroriste”.

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