Cet enchaînement de décisions judiciaires, parfois contradictoires, qui a précédé le suicide de Nadia Mostefa 

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4 avril 2022 | Société

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Cet enchaînement de décisions judiciaires, parfois contradictoires, qui a précédé le suicide de Nadia Mostefa 

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Info L’Essor – On commence à en savoir plus sur la tragique succession d’événements qui a peut-être poussé Nadia Mostefa à mettre fin à ses jours, le mercredi 16 mars dernier. Comme rapporté par Midi-Libre, la capitaine de Gendarmerie venait ce jour-là de perdre la garde de son fils, Naëm, qu’elle chérissait. Plus précisément, selon […]

Info L’Essor – On commence à en savoir plus sur la tragique succession d’événements qui a peut-être poussé Nadia Mostefa à mettre fin à ses jours, le mercredi 16 mars dernier. Comme rapporté par Midi-Libre, la capitaine de Gendarmerie venait ce jour-là de perdre la garde de son fils, Naëm, qu’elle chérissait. Plus précisément, selon nos informations, c'est un arrêt de la cour d'appel de Lyon, dont L'Essor a eu copie, qui fixe la résidence habituelle de la garde de l’enfant non plus chez la mère mais chez le père, près de Dijon.

Cela faisait six ans, depuis la séparation du couple au printemps 2016, quelques mois après la naissance de l'enfant, que les deux parents étaient dans un conflit parental qualifié de “massif” par la justice. Nadia Mostefa avait ainsi accusé le père de son enfant de viol et de violences contre son enfant. On ignore si ces plaintes ont eu des suites. De son côté, le père de l'enfant avait entamé des démarches actives en justice pour récupérer la garde de l'enfant.

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A l'été 2021, les confidences de l'enfant

A l'été 2021, cette crise familiale est devenue encore plus aigüe. En vacances avec son père, Naëm évoque devant les travailleurs sociaux des deux associations mandatées pour suivre le couple les "tartes" de sa maman. Des confidences très inquiétantes, synonymes de violences maternelles, qui poussent la justice à confier l'enfant en urgence à son père pour une durée temporaire de six mois à partir de septembre 2021. Mandatée, une psychologue souligne l’existence, “a minima” d’un trouble de la personnalité chez la mère, donnant au tableau des airs encore plus inquiétants.

Autant d'éléments qui vont peser très lourd plusieurs mois après lors de l’examen de l’appel du père, devant le juge des affaires familiales, pour obtenir la garde de l'enfant. Le précédent jugement d’août 2020 fixait la résidence chez Nadia Mostefa. Le 9 février 2022, l’affaire est plaidée. Et un mois plus tard, le 16 mars, la mère – dont l’agressivité est soulignée dans le jugement – perd logiquement la garde de son enfant. 

Des appréciations divergentes

Mais tous les magistrats n’ont pas eu la même appréciation des événements. A ce titre, un arrêt de la chambre des mineurs de la cour d’appel de Montpellier, daté lui aussi du 9 février, est particulièrement instructif. Cette décision, qui redonne alors la garde à la mère, vient en appel de l’ordonnance de placement chez le père, pour une durée temporaire de six mois, de septembre 2021.

Que dit cet arrêt consulté par L'Essor? Qu’il convient d’abord d’être très vigilant sur les affirmations de violences de la capitaine contre son fils. “La parole de l’enfant a été recueillie exclusivement dans les périodes de l’été où il se trouvait chez son père”, des tapes qui d’ailleurs “n’ont jamais été prouvées”, indique ainsi cette décision judiciaire. Quant à la question d’un trouble de personnalité chez la mère, c’est “un diagnostic posé en hypothèse et qui mériterait à minima d’être confirmé par un expert psychiatre”. 

La magistrate note enfin que l’un des rapports d’alerte de l’été 2021 émane d’un service mandaté auprès de la mère. Ce dernier “relate pour l'essentiel la parole du père qui manifestement s’est employé à occuper le terrain”. “Ce qui a changé durant l’été 2021 est la remise en cause des compétences éducatives de Nadia Mostefa” par le père, “son désir affiché de récupérer l’enfant commun en dépit de la décision du juge aux affaires familiales, dont l’enfant avait d’ailleurs été informé, ou sa difficulté à envisager une nouvelle séparation à la fin du mois d’août”, résume la magistrate. 

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Sentiment d'injustice

On comprend bien, à la lecture de ces différentes décisions judiciaires, quelles que soient les responsabilités réelles des deux parents, à quel point ce dossier à un double enjeu – la garde de l'enfant et d'éventuelles maltraitances – était complexe. Quel crédit fallait-il apporter aux accusations des deux parents? Comment réussir à bien écouter la parole de leur enfant? Ce dernier apparaît comme la "victime d'un vif conflit de loyauté dans lequel sa parole devient un enjeu incontournable", remarquait ainsi l'ordonnance en assistance éducative datée de septembre 2021.

Mais on peut remarquer qu'en l’espace d’un mois, deux juridictions différentes, saisies dans deux cadres différents – à Montpellier, le juge des enfants, ce magistrat chargé de la protection de l’enfance en danger; à Lyon, le juge aux affaires familiales, chargé de trancher les litiges liés aux divorces ou à l’autorité parentale – ont eu un regard diamétralement opposé sur le conflit parental et les conditions de vie de l'enfant.

Cette appréciation différente, Nadia Mostefa n’a pas pu la faire valoir à son avantage. Sa demande de réouverture des débats a en effet été rejetée. L'arrêt montpelliérain qui lui a été favorable a été rendu trop tardivement pour être pris en compte dans la procédure lyonnaise sur la résidence habituelle de l'enfant. Au contraire, l'arrêt lyonnais s'appuie en partie sur l'ordonnance infirmée, citée par le conseil du père.

Ce refus pourrait expliquer l'ampleur du sentiment d'injustice qui a pu tourmenter Nadia Mostefa. Au point, même si l'acte suicidaire trouve généralement son origine dans plusieurs causes, de la pousser à choisir de s'immoler par le feu pour mettre fin à des jours, une mort très violente comparée par une psychiatre à "un 'j'accuse', un acte de protestation publique"?

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