Ils voulaient "sacrifier" leur fils de cinq ans dans le Sahara, selon la Garde civile espagnole: un couple de professeurs de musique girondins, soupçonné de "dérives sectaires", est sous le coup d'une procédure d'extradition après son arrestation fin décembre 2023 à Algésiras (Espagne).
L'enquête a démarré en France, le 19 décembre, après un "appel (aux gendarmes) d'une requérante s'inquiétant pour le fils d'un couple d'amis, âgé de 5 ans", précise le parquet de Bordeaux. Le père, né en 1984, "tenait des propos délirants", ajoute le parquet, qui a ouvert le lendemain, 20 décembre, une information judiciaire "des chefs d'arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire d'otage mineur de 15 ans pour faciliter un crime ou un délit, à l'encontre du couple". Un mandat d'arrêt européen a par ailleurs été émis.
Délire et dérive sectaire
"Le but était dans un temps très court de les intercepter de manière à protéger et sauver l'enfant", a précisé à l'AFP le chef d'escadron Cédric Roger, commandant la compagnie de gendarmerie départementale de Lesparre-Médoc et sa brigade de recherches, chargée de l'enquête avec la Section de recherches de Bordeaux.
Ensuite, tout est allé vite. Dans les jours qui suivent, à partir des renseignements et l'enquête des gendarmes, le couple est intercepté par la Guardia civil, à Algésiras, dans le sud de l'Espagne. Il allait alors embarquer à bord d'un ferry pour le Maroc. Dans son communiqué annonçant samedi 30 décembre 2023 l'arrestation des deux parents, la Garde civile espagnole avait elle aussi évoqué une volonté de "sacrifier" l'enfant.
Selon une source proche de l'enquête, ils ont quitté Carcans (Gironde) le 16 décembre dans un 4×4 acheté très récemment après avoir mis leur appartement en sous-location. Ils ont passé une nuit à l'hôtel avant de dormir chez une amie dans l'Hérault.
"Est-ce que cette famille appartenait à une mouvance sectaire? A ce stade, il est trop tôt pour le dire, analyse le chef d'escadron Roger. Est-ce qu'on est sur des dérives sectaires? Vraisemblablement", a-t-il ajouté. Une source proche de l'enquête affirme que la mère, née en 1993, était "sous emprise".
Le maire de Carcans, Patrick Meiffren, a été stupéfait le 21 décembre en apprenant l'arrestation de ses deux administrés, "bien intégrés dans le village" où ils avaient fondé "une belle école de musique" qui a accueilli "jusqu'à plus de 250 élèves". "Le 21 décembre, le sous-préfet m'a appelé pour me dire que le couple avait été interpellé au sud de l'Espagne, à Algésiras, alors qu'il s'apprêtait à prendre un ferry (…) dans le but, m'a-t-il dit, de sacrifier leur fils, qu'ils pensaient possédé, dans le Sahara", raconte l'édile de ce petit village touristique au nord-ouest de Bordeaux.
Il se souvient que "pendant la tempête Ciaran", cet automne, le père avait été retrouvé "dénudé dans la forêt avec des propos très incohérents" puis "placé d'office en hôpital psychiatrique". Mais il souligne que le couple avait "un comportement de vrais parents, aimants, très attentionnés, très accompagnateurs et rien ne laissait supposer qu'ils puissent avoir ce type de comportement vis-à-vis de leur enfant", qui n'était pas scolarisé.
Un profil plus sombre
Vincent Ronslin, loueur de vélo, précise que "beaucoup d'enfants, même des adultes, venaient prendre des cours de guitare, de piano, de batterie" dans leur école, dont la façade est désormais ornée d'un panneau "A Louer". Le couple avait aussi mis en ligne des vidéos pour apprendre le ukulélé pendant le confinement de 2020.
Au bord du lac de Carcans/Hourtin, de rares riverains présents dans les rues aux devantures fermées dépeignent en revanche de manière anonyme un profil plus sombre du couple. Une commerçante évoque des parents qui "ont retiré leurs enfants de l'école de musique car lui tenait des propos, disons méchants, envers les élèves". "Des professeurs avec qui ils travaillaient ont par la suite démissionné", ajoute-t-elle.
Le couple avait eu des démêlés judiciaires avec son ancien propriétaire pour avoir laissé son ancien logement dans un état "insalubre", explique-t-elle encore. Selon un voisin de l'école, le père de famille, qui disait "rarement bonjour", avait misé l'été dernier "sur une activité de laser-game qui n'avait que très peu marché".
Procédure d'extradition en cours
Le couple reste en détention provisoire à Algésiras et leur fils dans un centre pour mineurs près de la ville andalouse, a indiqué la Garde civile à l'AFP. "La procédure d'extradition est en cours" et le retour en France de l'enfant est "également en cours de finalisation", précise le parquet.
"Nous avons encore beaucoup d'investigations à mener et nous sommes dans l'attente du petit garçon et des parents pour recueillir leurs témoignages, si tant est que cela soit possible", précise le chef d'escadron Cédric Roger.
(Avec l'AFP)
La Gendarmerie et la Guardia Civil unissent leurs forces dans la formation