Le CNICG fête 80 ans d’expertise cynotechnique

Photo : Des dresseurs-instructeurs sur Centre national d'instruction cynophile de la Gendarmerie (CNICG) de Gramat, s'apprêtent à réaliser une démonstration de dressage avec leurs chiens. (Photo: L.Picard / L'Essor)

7 juin 2025 | Opérationnel

Temps de lecture : 8 minutes

Le CNICG fête 80 ans d’expertise cynotechnique

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Fort de ses quatre-vingt ans d'existence, le Centre national d'instruction cynophile de la Gendarmerie (CNICG) s'impose comme un fleuron de la formation des maîtres et des chiens de travail des forces de sécurité. Quelques jours avant cet anniversaire fêté en grande pompe, il a ouvert ses portes à L'Essor. Reportage.

Fin mai, à Gramat (Lot.) Les journées estivales approchent à grand pas et vu les prévisions, aussi bien sur le plan des températures que celui de l’ensoleillement, la journée qui s’annonce pourrait bien en être la répétition générale. Malgré le calme apparent de la région très vallonnée, la commune de Gramat montre déjà une belle agitation matinale. Dans le flot de circulation, quelques véhicules blancs portent une discrète sérigraphie : « Gendarmerie – Équipe cynophile ». Bonne nouvelle, nous suivons la bonne piste ! De fait, c’est dans cette commune que se situe le Centre national d’instruction cynophile de la Gendarmerie (CNICG). Il célèbre cette année ses 80 ans.

La plaque figurant à l'entrée de la caserne Godefroid Gamain, qui abrite le Centre national d'instruction cynophile de la Gendarmerie (CNICG), à Gramat. (Photo: L.Picard / L'Essor)

La plaque figurant à l’entrée de la caserne Godefroid Gamain, qui abrite le Centre national d’instruction cynophile de la Gendarmerie (CNICG), à Gramat. (Photo: L.Picard / L’Essor)

Avant cela, le site militaire de 16 hectares servait de dépôt de remonte pour les chevaux de la Cavalerie. En 1945, il est ainsi transformé en « Chenil central de la Gendarmerie », la première appellation de ce qui deviendra par la suite le « Centre de formation des maîtres de chiens de la Gendarmerie », puis en 1996, le Centre national d’instruction cynophile de l’Arme, que l’on connait aujourd’hui.

« Toi et moi pour eux »

Le colonel Pascal Ségui, commandant du Centre national d'instruction cynophile de la Gendarmerie (CNICG), à Gramat. (Photo: L.Picard / L'Essor)

Le colonel Pascal Ségui, commandant du Centre national d’instruction cynophile de la Gendarmerie (CNICG), à Gramat. (Photo: L.Picard / L’Essor)

Rattaché au commandement des écoles de la Gendarmerie (CEGN), le CNICG est implanté dans la caserne Godefroid Gamin, baptisée en hommage au gendarme maître-chien Godefroid, tué en Algérie en 1958, et à son chien « Gamin », grièvement blessé mais finalement sauvé, après avoir montré une détermination absolue et touchante pour protéger son maître. Inscrite devant le bâtiment état-major, la devise du Centre, « Toi et moi pour eux », souligne « la symbiose du binôme homme-chien, et son engagement pour le service public », explique son commandant, le colonel Pascal Ségui.

Une sculpture portant la devise du CNICG ("Toi et moi pour eux" est installée sur la place d'arme de la caserne Godefroid-Gamin de Gramat. (Photo: L.Picard / L'Essor)

Une sculpture portant la devise du CNICG (« Toi et moi pour eux » est installée sur la place d’arme de la caserne Godefroid-Gamin de Gramat. (Photo: L.Picard / L’Essor)

Le Centre fonctionne sur le principe d’une école militaire. Il est aujourd’hui constitué de « deux colonnes vertébrales » comme les appelle le colonel Ségui : la division de l’instruction, le bureau du soutien et des finances. Près de 90 personnels (dont 40% de civils) y travaillent.

Un groupe vétérinaire dédié

La présence sur site du 26e groupe vétérinaire du Service de santé des armées est aussi un atout non négligeable. Une véritable clinique vétérinaire est ainsi dédiée au Centre. Et entre le soutien sanitaire des animaux présents sur site et les différentes visites médicales, elle ne manque pas d’activité. Ce sont notamment les vétérinaires qui, à partir d’un examen très complet, émettent un avis favorable ou non à l’achat des chiens. La sélection est drastique, par exemple en ce qui concerne le syndrome de dysplasie des hanches qui touche de nombreux chiens de grande taille.

Un chien du CNICG est anesthésié le temps de passer une radio et de se voir administrer quelques vaccins. (Photo: L.Picard/L'Essor)

Le 26e groupe vétérinaire du SSA est implanté au sein du Centre national d’instruction cynophile de la Gendarmerie (CNICG), à Gramat. (Photo: L.Picard / L’Essor)

C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il n’y a pas de chiots au CNICG. Lorsqu’ils arrivent, les chiens ont entre 10 et 24 mois. Un âge qui induit un état de développement physique suffisant pour détecter d’éventuels signes de la maladie. Après un premier contrôle de leur état de santé, les chiens suivent une phase de tests techniques avec l’un des dresseurs du Centre. Ils passent ensuite le fameux examen complet, aussi appelé « visite d’achat ». Radiologie, ophtalmologie, comportement, vaccins… tout y passe. Si l’examen est concluant, et après une commission d’achat, le chien poursuit alors sa période dite « de débourrage » avec les dresseurs. Une phase de dressage initiale, avant d’être « marié » à un maître-chien. Ce mariage se fait sur la base de critères de concordance de personnalité entre l’homme et l’animal. Ce n’est qu’à ce moment là que début la formation du binôme.

90% de Malinois

Ce matin, l’adjudant Cédric, l’un des vingt-quatre dresseurs-instructeurs du Centre, termine son briefing matinal. Accompagné de la gendarme adjointe volontaire Ava, qualifiée aide-dresseur, il récupère son véhicule dans lequel il a embarqué six chiens quelques instants plus tôt. En ce moment, il travaille exclusivement avec des bergers belges malinois. Pas étonnant car cette race représente 90% du cheptel de la Gendarmerie. Des bergers allemands, bergers belges Tervueren, saint-Huberts, springers, blacks & tan, braques et staffs complètent le panel actuellement en service au sein de l’Arme. En tout, ce sont dix-huit races différentes de chiens qui ont été utilisées depuis la création du Centre en 1945.

Dans son véhicule spécialement équipé, le dresseur-instructeur peut embarquer jusqu'à huit chiens. (Photo: L.Picard / L'Essor)

Dans son véhicule spécialement équipé, le dresseur-instructeur peut embarquer jusqu’à huit chiens. (Photo: L.Picard / L’Essor)

L’apprentissage par le jeu

Direction l’un des complexes d’entrainement du CNICG. Ce matin, chacun leur tour, Boss, Chicane, Urus, Vegas, Hooper et Huska vont s’exercer à la recherche de matières. Et notamment de produits stupéfiants. Âgé de 16 mois, c’est Boss qui ouvre le bal. Il est encore un peu tôt pour le faire travailler avec de vraies matières stupéfiantes. Aujourd’hui, son objectif sera de retrouver des jouets. « Tout le travail du chien repose sur le jeu », explique l’adjudant Cédric. L’exercice consiste ici à travailler sur des « cônes d’odeur ». « On essaye d’apprendre au chien à se servir de son nez en fermant la gueule, de manière à ce que davantage d’odeurs passent à travers les capteurs de son museau. » Exercice concluant pour Boss. À peine guidé par son dresseur, il parvient sans grande difficultés à trouver les balles vertes, dissimulées dans la maison qui reconstitue les pièces d’un appartement.

Dans cette reconstitution d'un logement de plusieurs pièces, les dresseurs exercent leurs chiens à la recherche de matières. (Photo: L.Picard / L'Essor)

Dans cette reconstitution d’un logement de plusieurs pièces, les dresseurs exercent leurs chiens à la recherche de matières. (Photo: L.Picard / L’Essor)

Le second chien à passer est Chicane, un malinois de 2 ans, arrivé il y a deux mois. Déjà à un stade avancé de sa formation, il va pouvoir travailler sur de la matière stupéfiante. L’objectif n’est plus ici de trouver un jouet, mais de réaliser des « marquages passifs ». C’est-à-dire s’assoir devant un endroit où de la matière est dissimulée. C’est alors au maître-chien de finir le travail et de saisir la matière, évitant ainsi toute intoxication de l’animal.

Lorsque le marquage est positif, c’est la récompense. Une promenade de santé pour Chicane. Il maîtrise déjà la recherche de deux matières : la cocaïne et l’héroïne. Soit les plus compliquées à apprivoiser. Il lui reste maintenant à ajouter à sa palette de flair d’autres matières, comme la résine de cannabis, les armes et munitions, ainsi que les billets de banque. Il formera à terme une équipe cynophile « Sambi » avec son futur maître.

18 spécialités techniques au CNICG, dont une nouvelle

« Sambi » est l’acronyme utilisé pour « Stupéfiants, armes, munitions et billets de banque ». C’est l’une des dix-huit technicités développées par le Centre de Gramat. Il en existait dix-sept jusqu’en début d’année. Outre la Sambi, on retrouve ainsi différentes technicités comme le pistage, la défense, l’assaut (réservé aux chiens du GIGN), la recherche de victimes en avalanche, de stupéfiants, d’explosifs ou de produits accélérateurs d’incendie. Certaines, en s’additionnant, forme d’ailleurs une nouvelle spécialité à l’image des chiens piste/défense ou encore des chiens « Sambi ».

Une dix-huitième technicité vient donc de s’ajouter, officiellement présentée le 5 juin 2025 par le CNICG, lors de la célébration de ses 80 ans. Il s’agit de la recherche de support de données numériques. C’est à dire la recherche de clés USB, de cartes à puce, de carte mémoire, de disques durs ou de caméras espions… Tous ces accessoires ayant en commun d’être constitué d’une matière spécifique, le tantale, notamment utilisé dans les composants électroniques.

Fraichement validée, cette spécialité dont la Gendarmerie a le monopole en France, a déjà « démontré son utilité lors de perquisitions sur deux affaires importantes, en lien avec les sections de recherches de Paris et de Versailles » relate à L’Essor le colonel Ségui. « C’était un besoin exprimé par les unités judiciaires. » Elle est donc en passe de se développer. D’ici la fin du 1er semestre 2025, une estimation du volume d’équipes à former doit d’ailleurs être réalisée. Un formateur est d’ores et déjà prêt à les recevoir à Gramat. « Cela montre une fois de plus la capacité de la Gendarmerie à s’adapter! »

+ Plus d’infos sur cette nouvelle spécialité dans un article à paraitre prochainement.

Les bergers belges malinois représentent 90% du cheptel de chiens de la Gendarmerie. (Photo: L.Picard / L'Essor)

Les bergers belges malinois représentent 90% du cheptel de chiens de la Gendarmerie. (Photo: L.Picard / L’Essor)

Une filière cynotechnique qui s’adapte

S’adapter, c’est justement l’un des leitmotiv du CNICG, qui compte aussi un bureau de prospective, chargé de missions de recherche et de développement. Ce bureau fait partie de la section évaluation contrôle et expertise. « Nous travaillons dans une logique d’utilité. » En amont des Jeux olympiques et paralympiques (JOP), le Centre a par exemple formé de nombreuses équipes cynophiles à la recherche de produits explosifs. Y compris la recherche d’explosifs en mouvement. Deux technicités particulièrement employées pour sécuriser les JOP de Paris 2024. « La prospective inclue également des expérimentations et des échanges à l’international ».

Par ailleurs, les cadres du Centre restent « très attentifs à l’activité des équipes cynophiles sur le terrain, ajoute le colonel Ségui. Les officiers cyno des régions nous font régulièrement remonter les retex (NDLR: retours d’expérience) d’interventions. Par exemple, lorsque de nouvelles cachettes sont utilisées pour masquer des matières. De cette manière, nous pouvons adapter la formation. » Une façon de « ne pas se laisser distancer par des adversaires » toujours plus rusés, inventifs et précautionneux.

Aujourd’hui, la filière cynotechnique de la Gendarmerie compte 475 maîtres-chiens et plus de 600 canidés. Un maître peut en effet disposer de plusieurs chiens. L’inverse n’est en revanche pas possible, puisqu’un chien n’a qu’un seul maître.

Sous le regard attentif d'un dresseur-instructeur, un maître-chien stagiaire et le chien avec lequel il a été "marié" effectuent un exercice de dressage. (Photo: L.Picard / L'Essor)

Sous le regard attentif d’un dresseur-instructeur, un maître-chien stagiaire et le chien avec lequel il a été « marié » effectuent un exercice de dressage. (Photo: L.Picard / L’Essor)

300 à 350 stagiaires formés chaque année au CNICG

Le Centre organise chaque année trois stages de formation initiale d’une durée de quatorze semaines, des stages de formation des suppléants de maîtres-chiens (5 semaines), et plusieurs autres stages courts, principalement de formation continue ou de mise à niveau. Il accueille ainsi entre 300 et 350 stagiaires par an. Parmi eux, les gendarmes constituent l’essentiel des personnels formés. Mais il y a également des stagiaires de pays partenaires et d’autres institutions, comme la Sûreté ferroviaire de la SNCF.

Côté infrastructures, le CNICG possède une dizaine de chenils à Gramat, pour une capacité d’accueil simultanée de près de 150 chiens. Dans un souci de respect du bien-être animal, les conditions d’hébergement des chiens y ont été particulièrement étudiées avec des box individuels de 12m² à température maîtrisée.

Un des chenils du CNICG de Gramat. (Photo: L.Picard / L'Essor)

Un des chenils du CNICG de Gramat. (Photo: L.Picard / L’Essor)

Enfin, en plus de la partie formation et soutien, le Centre dispose également d’une unité opérationnelle unique en France : le Groupe national d’investigation cynophile (GNIC). Projetable partout sur le territoire ainsi qu’à l’étranger, l’unité est spécialisée dans la recherche de personnes et notamment de restes humains. Une spécialité dont elle a le monopole et qu’elle met à profit des unités territoriales en cas de besoin.

Loïc Picard

La Lettre Conflits

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