Grâce à elle, l'insécurité à Mayotte devait reculer, les migrants illégaux être expulsés et les bidonvilles détruits. Lancée au mois d'avril par le gouvernement, l'opération Wuambushu n'a pas eu les résultats escomptés et la situation dans le 101e département de France est plus explosive que jamais. Volet par volet, retour sur le bilan de cette opération controversée qui, selon le gouvernement, continue.
Recrudescence des violences
Elisabeth Borne avait pu le constater, durant sa visite à Mayotte le 8 décembre, ses discussions avec élus et habitants ont toujours dérivé sur l'insécurité. Depuis le passage de la Première ministre, la situation ne s'est pas apaisée, au contraire. La mort d'un adolescent tué balle le 10 décembre, celle d'un jeune homme poignardé lors d'affrontements entre bandes dans la nuit du 15 au 16 et celle mardi d'un autre lors d'une bagarre en marge d'un match de football rappellent que Wuambushu n'a pas permis d'apaiser les tensions dans le département le plus pauvre de France. Tandis que les affrontements entre groupes de jeunes de villages rivaux se multiplient, l'exaspération des habitants augmente.
Après les soignants, qui ont manifesté le 14 décembre, une délégation d'élus mahorais a défilé lundi, appelant l'Etat "à prendre ses responsabilités" et réclamant la mise en place de l'état d'urgence. Ils ont été à chaque fois reçus par la préfecture mais les solutions proposées sont maigres, regrettent-ils. La préfecture de Mayotte n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP. Dans sa dernière communication officielle, le 13 décembre, le préfet Thierry Suquet a reconnu que "Mayotte vit à nouveau des périodes et des heures troubles et violentes", annonçant des renforts de policiers promis par le ministère de l'Intérieur.
Selon la Gendarmerie, un nouvel escadron de 70 militaires doit venir renforcer les 350 gendarmes sur place. "Ces éruptions de violences arrivent régulièrement", confie Hervé Derache, directeur territorial de la Police nationale à Mayotte, qui demande, lui aussi, de nouveaux renforts pour épauler ses 750 policiers.
Immigration illégale
Si on regarde uniquement les chiffres, Wuambushu n'a pas rempli ses objectifs en matière de lutte contre l'immigration illégale. C'était pourtant l'argument premier de l'opération, Mayotte attirant chaque année des milliers de migrants arrivés par la mer, essentiellement de l'île comorienne voisine d'Anjouan.
Selon Matignon, 22.000 personnes avaient été expulsées début décembre vers les Comores en 2023, des chiffres moins élevés que l'année 2022 durant laquelle, selon le sous-préfet en charge de l'immigration illégale Frédéric Sautron, "25.380 personnes avaient été éloignées" du territoire.
Un échec qui peut s'expliquer par les débuts chaotiques de l'opération Wuambushu. Fin avril, alors que près de 2.000 gendarmes et policiers étaient déjà mobilisés, Moroni avait refusé pendant trois semaines d'accueillir ses ressortissants expulsés par la France. "Le problème est diplomatique", assure à l'AFP un policier du centre de rétention administrative (CRA) qui souhaite garder l'anonymat. "On sait très bien que ces personnes reviennent, parfois sous une autre identité", a-t-il poursuivi. "On applique la politique du chiffre. Mais ça ne sert à rien, il faut trouver un accord avec les Comores".
Mayotte : l’opération Wuambushu se poursuit pour les forces de sécurité
L'habitat insalubre, toujours un problème
C'était l'autre objectif prioritaire de l'opération Wuambushu : détruire les bangas (cases) insalubres organisés en bidonville, qui se sont multipliés à Mayotte et sont parfois menacés par des glissements de terrain. "Il y aura eu grosso modo 1.250 (destructions) d'ici la fin de l'année", jurait en juin le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin, lors d'une visite à Mayotte.
Là aussi, les débuts avaient été difficiles, le tribunal judiciaire de Mamoudzou bloquant les évacuations prévues. Avec les dernières cases détruites, à Mtsamoudou (sud-est) en novembre, seulement 700 bangas ont été détruits.
En 2021, "1.600 cases en tôle avaient été détruites", rappelle Daniel Gros, représentant de la Ligue des droits de l'Homme (LDH) à Mayotte, qui ajoute que le département est freiné par un manque criant de solutions de relogement.
Au total, "30 % de l'habitat à Mayotte est informel", relève Matignon. Notamment parce que "les familles délogées, qui se retrouvent à la rue, reconstruisent fatalement ailleurs", souligne Daniel Gros.
(Avec l'AFP)