Un vigneron du Loir-et-Cher, empêché par des gendarmes de se rendre au chevet de son père mourant durant le premier confinement, en avril 2020, a réussi à faire condamner l'Etat pour faute lourde, a confirmé son avocat.
"Je dors beaucoup mieux désormais", a déclaré Patrice Dupas au journal Le Parisien, qui a révélé l'information. Pendant longtemps, il s'était interrogé sur sa part de culpabilité de n'avoir pas réussi à voir son père avant son décès. Dans son jugement, daté du 19 décembre 2023, le tribunal judiciaire de la Rochelle a estimé qu'une "série de faits" avaient conduit à un "processus de dépassement disproportionné des pouvoirs de contrôle" et à un "déni de justice pour Monsieur Patrice Dupas, à savoir le droit de se trouver avec son père pour un motif familial impérieux". "La faute lourde de l'Etat est donc établie", a tranché le tribunal, condamnant l'Etat à lui verser 12.000 euros en réparation des préjudices subis et pour les frais de justice.
"À ma connaissance, l'Etat ne fera pas appel mais le jugement sera définitif le 6 mars", a précisé Me Kévin Gomez à l'AFP. "Mon client est maintenant serein. Il se dit qu'il a tout fait pour se rendre auprès de son père et que s'il n'a pas réussi, ce n'était pas de sa faute", ajoute-t-il.
Verbalisé et empêché de passer par des gendarmes à 3 km de sa destination
Les faits remontent au 4 avril 2020, en plein confinement dû à l'épidémie de Covid-19. Patrice Dupas avait tenté de rendre une dernière visite à son père mourant sur l'île de Ré (Charente-Maritime), muni d'une attestation où il avait coché le "motif familial impérieux".
Malgré des échanges de SMS avec les gendarmes de son département, qui lui donnaient le feu vert pour y aller, et une attestation du médecin de famille sur l'état de santé du père, il avait été empêché de traverser le pont de l'île de Ré par les gendarmes. Il avait également écopé d'une amende. Son père était mort trois jours plus tard.
Les excuses de la Gendarmerie
Le lendemain, la porte parole de la Gendarmerie de l'époque, la lieutenante-colonelle Maddy Scheurer, reconnaissait auprès de l’AFP que les gendarmes n'avaient "pas perçu le degré d'urgence" du déplacement de Patrice Dupas à l’Ile de Ré. "Il y a eu une véritable incompréhension. C'est malheureux. Nous le regrettons et nous comprenons sa peine", avait-elle alors ajouté.
Au-delà de l'inflexibilité et du manque de compréhension des gendarmes, le contexte dans lequel est intervenue cette mésaventure bouleversante – qui avait eu un retentissement médiatique bien au-delà de la Charente-Maritime – est à prendre en compte. En effet, quelques jours auparavant, la municipalité de l'Île de Ré, comme d'autres communes littorales de France, s'était plainte de l'arrivée importante de touristes et résidents secondaires sur l'île en vue d'y passer le confinement avec l'arrivée des beaux jours. Elle avait donc sollicité la préfecture et les services de l'Etat pour renforcer les contrôles mis en place sur l'Île et ses voies d'accès. En conséquence, des consignes de fermeté et d'application stricte des directives du gouvernement et de la préfecture avaient été données aux gendarmes par le commandement.
(Rédaction de L'Essor, avec l'AFP)