La cour criminelle de Saint-Omer (Pas-de-Calais) a acquitté ce jeudi 22 février 2024 le gendarme auteur d'un tir mortel sur Henri Lenfant, un homme de 22 ans membre de la communauté des gens du voyage. Les faits ont eu lieu au cours d'une tentative d'interpellation de nuit en septembre 2018, en périphérie de Lens, pour des faits de vols en bande organisée.
Alexandre B., alors chef de groupe au sein de l'antenne GIGN (AGIGN) de Reims, était poursuivi pour "violence d'une personne dépositaire de l'autorité publique ayant entrainé la mort sans intention de la donner". Des faits passibles de 20 ans de prison.
L'avocat général avait requis deux ans d'emprisonnement à l'encontre du militaire. "Ce procès, c'est avant tout celui d'un homme qui a manqué à la devise du GIGN 's'engager pour la vie'", avait-il lancé. "Pour moi, il n'y a pas de légitime défense", avait-il poursuivi, estimant que le geste du gendarme ne relevait pas de l'"absolue nécessité". Il avait aussi requis cinq ans d'interdiction de détenir une arme, ainsi que l'inéligibilité, ce qui pouvait empêcher le militaire d'exercer son métier.
"Mon client est soulagé. Maintenant on va attendre l'expiration du délai d'appel", a réagi Sébastien Busy, l'avocat de l'accusé, Alexandre B., à l'issue de l'audience.
Un gendarme très affecté
Décrit comme un élément "bien noté", loué pour son "activité rigoureuse", le sous-officier aujourd’hui âgé de 43 ans est "très affecté" par cette affaire, précise Me Busy. "C’est très compliqué pour lui, professionnellement mais aussi personnellement. Il est très marqué par la mort de ce jeune homme."
Soumis à un contrôle judiciaire rigoureux depuis sa mise en examen et à l'interdiction de porter une arme dans l'attente du procès qui s'est ouvert lundi 19 février 2024, le gendarme avait dû quitter l'antenne GIGN de Reims et abandonner les missions de terrain au profit d'un reclassement dans un bureau.
"Mon souhait était de sauver ma vie"
Le soir du 28 septembre 2018 à Fouquières-lès-Lens, son groupe, appelé en renfort par la gendarmerie d'Arras dans le cadre d'une enquête sur des cambriolages, tente d'interpeller trois personnes dans une voiture, membres de la communauté des gens du voyage. L'équipe de malfaiteurs est signalée dangereuse.
Alors que les deux passagers réussissent à prendre la fuite, le conducteur, Henri Lenfant, reste au volant, moteur éteint. Les gendarmes essayent alors d'extirper le conducteur du véhicule, mais il refuse de sortir. Côté passager, portière ouverte, Alexandre B. s'engouffre dans l'habitacle et tire le frein à main. À genoux sur le siège passager, il s'applique, en vain, à retirer les clés du contact pour empêcher toute fuite ou action dangereuse.
Henri Lenfant redémarre alors la voiture et accélère. Alexandre B., toujours à genoux sur le siège passager, l'extrémité des jambes dans le vide, s'acharne à rester dans le véhicule. Se sentant en danger, il sort son arme et tire, atteignant le jeune homme à la nuque.
"Mon souhait n'était pas de tuer la personne mais de sauver ma vie", a-t-il déclaré lundi. La présidente de la cour criminelle avait d'ailleurs souligné lors des débats que l'interpellation visait des suspects considérés comme violents, avec des comportements dangereux, prêts à tout pour échapper à leur arrestation.
La colère des proches d'Henri Lenfant
Sans surprise, l'annonce du verdict a suscité la colère des proches du jeune homme décédé, membres de la communauté des gens du voyage. "Elle est belle la justice!" se sont écriés certains d'entre-eux avant, à bout de nerf, de projeter du matériel au sol dans la salle des pas perdus du tribunal. Selon nos confrères de France 3, les forces de l'ordre ont évacué les fauteurs de troubles, qui se sont ensuite rassemblés à l'extérieur du tribunal. Là, la colère s'est muée en manifestation spontanée avec des larmes, des cris, des insultes et des menaces. Adultes et enfants ont participé à des dégradations mineures, renversant des poubelles et brisant des objets appartenant à des commerçants. Rapidement, ils ont été encerclés et maîtrisés par les CRS.
Le parquet général de Douai a annoncé le lendemain faire appel de ce verdict qui sera examiné par le cour d'assises du Nord sans préciser, pour le moment de date.
(Version actualisé avec l'appel du parquet)
Un ex-gendarme de l’antenne GIGN de Reims jugé pour avoir tué Henri Lenfant