Plusieurs centaines de personnes ont rendu un dernier hommage émouvant jeudi au Mans à l’ex-juge Lambert, qui s’est suicidé il y a dix jours après un énième rebondissement dans l’affaire Grégory, qu’il a été le premier à instruire en 1984.
Au cours d’une cérémonie sobre, ponctuée de chants religieux, famille, amis, ainsi que de nombreux anciens collègues ont, une rose à la main, salué dans la cathédrale du Mans la mémoire de l’homme et l’exemplarité du juge – pourtant régulièrement critiqué depuis 33 ans pour sa gestion du dossier Grégory.
Aucun protagoniste de l’affaire Grégory n’était présent.
Une boîte à dons destinée à une association d’aide à l’enfance maltraitée avait été disposée devant la cathédrale. “C’était un homme affable, très humain, je suis très ému par sa disparition“, a confié l’avocat Alain Dejonghe, un de ses proches. Baptisé dans une église protestante, Jean-Michel Lambert fréquentait souvent la cathédrale du Mans, a rappelé le père Christophe Le Sourt, qui présidait la cérémonie.
“Tu as fait ce choix au combien douloureux et impossible à combattre, poussé par les forces du mal“, a déclaré lors de la cérémonie son épouse Nicole, larmes dans la voix, entrée dans la cathédrale sous un parapluie noir.
“C’était un garçon intelligent et cultivé, d’une grande sensibilité, mais le magistrat (…) a été détruit par l’affaire Grégory, il a passé 33 années de souffrance“, a souligné le président du TGI du Mans, Daniel Coquel, saluant un magistrat “d’une grande intégrité, d’une grande loyauté, un excellent juge“.
A sa sortie de la cathédrale, le cercueil de l’ancien magistrat a été chaudement applaudi. “C’était quelqu’un d’une très grande culture, quelqu’un de très compétent professionnellement, il a rendu des milliers de jugements qui ont été complètement acceptés par les justiciables“, a déclaré Jean-Marc Le Nestour, son ancien avocat et ami très proche depuis les années 1990.
“Il s’est passé quelque chose d’extrêmement brutal et violent dans son esprit pour qu’il passe à l’acte. Il est difficile de ne pas faire le rapprochement entre la publication des carnets du juge Simon et ce geste“, a-t-il expliqué aux journalistes. “Je l’ai eu au téléphone le jeudi (avant sa mort le mardi 11, NDLR), il était assez affecté par les nouveaux rebondissements de l’affaire, mais nous avons aussi parlé du fait qu’il devait partir mercredi en Egypte, qu’il s’était documenté sur l’histoire des pharaons. Ses bagages étaient complètement prêts pour partir le mercredi, son carnet de voyage, un sac de médicaments, et le lundi il avait pris un verre avec des amis, il n’avait pas de velléité suicidaire“, a souligné Me Le Nestour.
L’Est républicain a publié mercredi, avec l’accord de la famille et malgré une réquisition de la police l’enjoignant de ne pas le faire, une lettre de l’ancien juge à l’un de ses journalistes, dans laquelle il explique sa volonté de se donner la mort, n’ayant “plus la force de (se) battre“.
Me Le Nestour a expliqué que le jour de sa mort, Jean-Michel Lambert avait déposé “dans la boîte à lettres de sa voisine et dans une enveloppe kraft adressée à sa femme, deux lettres à cette dernière, une intime et une plus pratique sur ses obsèques, une lettre à sa fille Pauline, une à sa mère, une à son éditeur et une à un journaliste de L’Est républicain avec qui il avait noué une relation de confiance“.
“La voisine, qui a découvert le corps, n’a trouvé l’enveloppe que le jeudi car elle n’a pas osé se rendre avant à sa boîte à lettres compte tenu de la présence de nombreux journalistes devant l’immeuble“, a-t-il ajouté.
Une cérémonie de crémation a été organisée dans l’intimité en début d’après-midi à l’issue de l’office religieux.
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