Parquet spécialisé, outils répressifs… Les mesures phares de la loi narcotrafic

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11 avril 2025 | Société

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Parquet spécialisé, outils répressifs… Les mesures phares de la loi narcotrafic

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La dernière version de la proposition de loi contre le narcotrafic, fruit d'un accord parlementaire malgré certaines réticences de la gauche, introduit un ensemble complet de mesures, incluant un parquet spécialisé et un régime carcéral d'isolement spécifique.

Parquet spécialisé, nouveau régime carcéral d’isolement, mesures répressives et outils pour les enquêteurs… La dernière version de la proposition de loi contre le narcotrafic, fruit d’un accord parlementaire trouvé jeudi 10 avril 2025, semble promise à une adoption confortable malgré plusieurs irritants pour la gauche.

Parquet spécialisé

Au coeur de la proposition de loi, la création d’un parquet national anticriminalité organisée (Pnaco), relativement consensuelle, qui devrait voir le jour en janvier 2026. Sur le modèle des parquets financier (PNF) et antiterroriste (Pnat), le Pnaco serait saisi des crimes les plus graves et complexes.

Nouveau régime carcéral d’isolement

Le texte prévoit de créer des quartiers de haute sécurité dans les prisons, où seraient affectés les trafiquants les plus dangereux, sur décision du garde des Sceaux, après avis du juge de l’application des peines pour une personne condamnée. L’affectation à ces quartiers fera l’objet d’un réexamen périodique après un an, selon le texte définitif. L’Assemblée avait opté pour un délai plus long, de deux ans. Ce régime, inspiré des lois italiennes anti-mafia, prévoit des fouilles intégrales encadrées en cas de contacts sans surveillance d’un agent, ou encore un accès restreint au téléphone.

Dossier-coffre pour les enquêtes sur le narcotrafic

Décriée par la gauche et les avocats, mais défendue par le gouvernement: la création lors des enquêtes d’un procès-verbal distinct, ou dossier-coffre, pour ne pas divulguer certaines informations aux trafiquants et à leurs avocats. La date, l’heure, le lieu d’utilisation de techniques spéciales d’enquête (sonorisation, captation des données informatiques…) figureraient dans un PV distinct. Après avis du Conseil d’Etat, le dispositif a été restreint aux cas de nature à mettre en danger la vie ou l’intégrité physique d’une personne. Les éléments recueillis ne pourraient pas être utilisés pour une condamnation sans que le PV distinct soit révélé. Sauf si ces éléments sont absolument nécessaires « à la manifestation de la vérité« .

Renseignement algorithmique

Le texte prévoit une expérimentation pour recourir au renseignement algorithmique, technique déjà autorisée pour la prévention du terrorisme et des ingérences étrangères. Elle vise à permettre l’analyse d’un volume très important de données à l’aide d’un algorithme, dans le but de produire des alertes révélant possiblement une menace. Une mesure contestée par une partie de la gauche. En revanche, les parlementaires n’ont pas réintroduit dans le texte le dispositif décrié qui visait à contraindre les services de messagerie chiffrée (Signal, WhatsApp…) à communiquer les correspondances des trafiquants aux services de renseignement.

Surveillance à distance

Autre mesure technologique: la possibilité, dans le cadre d’une enquête, d’activer à distance un appareil électronique, à l’insu de son propriétaire, afin de procéder par exemple à des écoutes. Une telle technique ne pourrait concerner les appareils mobiles d’un député, sénateur, magistrat, avocat, journaliste ou médecin.

Repentis du narcotrafic

Les parlementaires ont voté pour un régime plus attractif pour les repentis, ces personnes impliquées dans des réseaux mais qui collaborant avec la justice. Avec le nouveau dispositif, elles pourraient voir leur peine réduite jusqu’aux deux tiers de la peine initiale.

Infiltrés civils

Les parlementaires ont acté la création d’un statut d' »infiltrés civils« . Le futur Pnaco pourraient, sous conditions strictes, autoriser ces informateurs rémunérés à infiltrer les réseaux. Mais ils devront s’inscrire dans un « parcours de sortie de la délinquance » établi par une convention avec le Pnaco. Celle-ci comprendra une interdiction de commettre toute violence volontaire. Après leur infiltration, la justice contrôlera ces informateurs pendant dix années. Le moindre crime ou délit commis réactivera les peines précédemment encourues.

Interdiction de paraître

Les préfets pourraient prononcer une interdiction de paraître d’un mois maximum dans les lieux liés à des activités de narcotrafic pour les personnes y participant. Le préfet pourrait aussi saisir un juge pour faire expulser de son logement toute personne dont les agissements en lien avec des activités de trafic de stupéfiants troublent l’ordre public.

Fermetures de commerces liés au narcotrafic

Le texte permet aux préfets de décider la fermeture administrative de commerces soupçonnés de blanchiment. Cette mesure peut durer jusqu’à six mois. Le ministre de l’Intérieur peut, éventuellement la prolonger de six mois supplémentaires. Le Rassemblement national souhaitait d’ailleurs que les maires puissent aussi procéder à de telles fermetures administratives. Mais cette mesure ne figure finalement pas dans le texte.

Par Lucie AUBOURG, Antoine MAIGNAN (AFP)

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