Arrivé en Nouvelle-Calédonie le 23 mai 2024 après 24 heures de vol depuis Paris, le président de la République Emmanuel Macron avait tout d'abord reçu les non-indépendantistes, dont Sonia Backès, cheffe de file de la branche radicale des loyalistes, et Philippe Dunoyer, figure de Calédonie Ensemble. Puis il s'était entretenu avec toutes les composantes des partis indépendantistes: dirigeants de l'Union calédonienne (UC), cadres du parti Palika, et Christian Tein, membre de l'UC et chef de file de la CCAT, collectif indépendantiste, organisateur de la contestation. Il devait également rencontrer une nouvelle fois des élus et acteurs économiques.
Pas de passage en force de la réforme
Avant de reprendre l'avion pour Paris à l'issue de cette visite de quelques heures sur le Caillou, le chef de l'Etat a semblé temporiser sur la question politique, mais s'est montré intraitable sur un nécessaire retour de l'ordre dans l'archipel.
"Je me suis engagé à ce que cette réforme (du dégel du corps électoral, ndlr) ne passe pas en force aujourd'hui", a-t-il déclaré lors d'un point presse. Il faut que "nous nous donnions quelques semaines afin de permettre l'apaisement, la reprise du dialogue en vue d'un accord global" sur l'avenir institutionnel de l'archipel, qui soit plus large que la question du corps électoral, a-t-il ajouté.
Le président de la République s'est engagé à faire un point d'étape "d'ici un mois", semblant ainsi temporiser sur un vote définitif de la réforme électorale, à condition toutefois que l'ordre soit rétabli. Emmanuel Macron semble ainsi adoucir quelque peu sa position sur cette question qui a cristallisé une partie du débat ces derniers jours.
Il avait initialement averti que le Congrès serait convoqué "d'ici la fin juin" pour adopter définitivement le texte sur le corps électoral si un accord global sur le statut institutionnel de l'archipel n'était pas trouvé. "Mon souhait est que cet accord puisse être soumis au vote des Calédoniens" par voie référendaire, a-t-il ajouté.
La question d'un report voire d'une suspension de cette réforme constitutionnelle est centrale: ce texte, qui vise à "dégeler", c'est-à-dire à élargir le corps électoral, est rejeté par les Kanaks et a mis le feu aux poudres.
Le nécessaire retour à l'ordre
Le chef de l'Etat s'est de nouveau montré intransigeant sur le retour à l'ordre dans l'archipel, exigeant une levée des barrages "dans les heures qui viennent" pour mettre fin à l'état d'urgence. Il a ainsi plaidé pour un retour "le plus vite possible à la paix, au calme, à la sécurité".
Les émeutes ont causé, depuis le 13 mai, la mort de six personnes, dont deux gendarmes mobiles, ainsi que la destruction et le pillage de nombreux bâtiments et commerces. Il a promis une "aide d'urgence" pour réparer les dommages "colossaux" provoqués par les émeutiers.
A Paris, l'Hôtel Matignon a annoncé que la cérémonie d'honneurs funèbres militaires aux deux gendarmes morts la semaine dernière en Nouvelle-Calédonie, se tiendra vendredi 24 mai à midi à Maisons-Alfort, sous la présidence du Premier ministre Gabriel Attal.
À son arrivée sur le Caillou, le chef de l'Etat il avait qualifié le "mouvement d'insurrection" d'"absolument inédit". "Personne ne l'avait vu venir avec ce niveau d'organisation et de violence", a jugé un peu plus tard le président de la République lors de la visite d'un commissariat du centre de Nouméa.
Emmanuel Macron avait auparavant assuré que les quelque 3.000 membres des forces de sécurité déployés "resteront aussi longtemps que nécessaire, même durant les Jeux olympiques et paralympiques" de Paris (fin juillet – début septembre).
Quant à l'état d'urgence, en vigueur depuis une semaine, il estime qu'il ne devrait pas être prolongé au-delà des 12 jours légaux, à condition que tous les dirigeants de l'archipel "appellent à lever les barrages".
Sur le terrain la nuit a été calme, selon le Haut-commissaire Louis Le Franc. Mais le retour au calme est loin d'être gagné. Un retour à la vie normale s'est amorcé dans le centre de Nouméa, quadrillé par une forte présence policière, où de nombreux magasins ont rouvert leurs portes.
Pour ajouter à l'instabilité, l'archipel a aussi été visé par une cyberattaque "d'une force inédite" visant à "saturer le réseau calédonien", mais qui a été stoppée, a annoncé Christopher Gygès, membre du gouvernement collégial calédonien.
(actualisé avec annonce de la cérémonie vendredi en fin de matinée à Maisons-Alfort)
Rédaction de L'Essor (avec l'AFP)