Un décret du 23 juin 2025, paru ce mercredi au Journal officiel (JO), annonce que « sur l’avis conforme du Conseil d’Etat« , Yasin Or est déchu de sa nationalité française. Ce franco-turc de 29 ans, né à Longjumeau (Essonne) a été condamné en effet il y a neuf ans dans un dossier de terrorisme.
Un avis rarissime
Le ministère de l’Intérieur avait publié il y a six mois au JO un « avis informatif relatif à une proposition de déchéance de la nationalité française« le concernant. Cet avis rarissime avait pour but de prévenir Yasin Or de la procédure en cours qui le visait. Il n’avait en effet pas de domicile connu en 2024. L’avis comportait le détail de sa condamnation. Le 13 avril 2016, le tribunal correctionnel de Paris lui avait infligé – en son absence – dix ans d’emprisonnement , dont une période de sûreté des deux tiers. La justice avait prononcé cette peine « pour les faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme« . Des faits commis du 22 mai 2014 au 27 juin 2015 à Grigny, Paris et à Saint-Denis, en Turquie et en Syrie.
Recruté par Omar Diaby
Jean-Charles Brisard, président du Centre d’analyse du terrorisme (CAT), a précisé mercredi à L’Essor que Yasin Or avait quitté la France pour la Syrie en 2013. Il y avait en effet rejoint les rangs de l’Etat islamique puis ceux d’un autre mouvement djihadiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS). Avant son départ, ce jeune homme étudiait à l’Institut européen des sciences humaines (IESH) de Paris à Saint-Denis. Cet établissement d’enseignement privé se situe dans la mouvance frériste.
Là, il avait donc participé – avec d’autres candidats au départ – à une réunion conspirative de recrutement djihadiste organisée par Omar Diaby, explique Jean-Charles Brisard. Omar Diaby est un jihadiste français d’origine sénégalaise proche d’Al-Qaïda. Il est connu comme l’un des principaux recruteurs en France pour le djihad. Il a rejoint la Syrie en 2013 où il créé un groupe de combattants français.
2024, année record des déchéances de nationalité
Cette déchéance de nationalité porte donc à onze le nombre de ces mesures administratives pour 2025. L’année 2024 reste une année record avec 41 déchéances (32 au cours des neuf années précédentes, de 2015 à 2023). A ce jour, 84 déchéances de nationalité concernent des bi-nationaux depuis 2015. Cinq visaient des femmes (quatre en 2024 et une en 2023).
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Les bi-nationaux se voient ainsi déchus après des condamnations par la justice française. Les motifs de ces condamnations sont multiples. Participation à des attentats ou des tentatives d’attentat en France. Combats dans les rangs de l’Etat islamique ou d’Al-Qaïda, en Syrie ou en Irak. Tentatives pour rejoindre ces groupes terroristes, ou pour leur avoir apporté un soutien logistique et/ou financier.
Une procédure minutieuse…
La procédure menant à la déchéance de nationalité débute par une période d’instruction d’une durée variable selon les dossiers. Voici le déroulé de cette procédure, détaillée par la Place Beauvau pour L’Essor. Le ministre de l’Intérieur se trouve saisi en premier lieu par les préfets ou les services spécialisés de l’examen de l’éligibilité d’une personne à une procédure de déchéance. Un examen réalisé – en quelques jours à quelques semaines – selon la difficulté des cas et le type de documents nécessaires. Lorsqu’une personne est éligible, l’instruction proprement dite débute. Ce délai d’instruction est extrêmement variable en fonction de la complexité du dossier. Chaque dossier fait en effet l’objet d’un examen individuel approfondi.
… et contradictoire
Une fois le dossier bouclé, une procédure contradictoire est ensuite engagée à l’égard de l’intéressé. Elle doit lui permettre de prendre connaissance de l’intention du Gouvernement de le déchoir de sa nationalité. Il est invité à donner ses observations en défense sous un mois. Une fois ce délai échu, le Conseil d’Etat se trouve saisi d’une proposition de décret de déchéance de nationalité. L’avis du Conseil d’Etat étant conforme, il lie donc l’administration. Dès lors qu’un dossier est complet, la procédure de déchéance peut être enclenchée et aboutir, au plus vite entre 4 à 6 mois.
Le Premier ministre signe les décrets de déchéance de nationalité. Il est saisi, aux termes des décrets « sur rapport du ministre de l’intérieur » qui contresigne les décrets. Enfin, précise le ministère, la déchéance peut intervenir durant la détention ou après, en fonction des caractéristiques de chaque dossier : complexité, date de saisine du ministre, durée de la détention.
Pierre-Marie GIRAUD









