200 nouvelles brigades. Quand la Gendarmerie fait l’expérience de la méthode Macron

Photo : Sous la Veme République, version Emmanuel Macron, le président - de dos sur cette photo - décide seul, fait des annonces parfois surprenantes, et le gouvernement est chargé de mettre en oeuvre. Depuis six mois, Gérald Darmanin - à droite - doit donner corps à la promesse du candidat Macron de créer, sous son quinquennat, 200 nouvelles brigades territoriales de Gendarmerie. Le Directeur général, Christian Rodriguez - à gauche sur la photo - mettra en oeuvre... La tache est difficile ! (saisie d'écran, illustration Gend-Info)

13 novembre 2022 | Editos

Temps de lecture : 4 minutes

200 nouvelles brigades. Quand la Gendarmerie fait l’expérience de la méthode Macron

par | Editos

C’était il y a dix mois seulement. Emmanuel Macron, le 10 janvier dernier, en campagne pour le premier tour de l’élection présidentielle, annonce qu’en cas de réélection, il s’engageait à créer 200 nouvelles brigades territoriales de gendarmerie au cours de son deuxième quinquennatÉtonnement : autour de lui personne n’avait l’air d’avoir été prévenu. Surprise chez les gendarmes. Sur les dix années précédentes, la tendance était en effet à la fermeture des petites brigades, devenues inopérantes, et le plus souvent fermées pour l’accueil du public. Sur cette période, le nombre de brigades était passé de 3 600 en 2007 à 3 100. 700 sont dites “autonomes”, les autres, dites “de proximité”. Depuis 2003, elles sont regroupées au sein d’un millier de “communautés de brigades”. Un échelon intermédiaire entre ces brigades-là et la compagnie, sous-division du groupement, qui lui est installé au niveau de chaque département.

Pourquoi cette attrition de près de 20% du nombre de ces brigades territoriales ? Pour des raisons d’efficacité, très bien expliquées par le Directeur général de l’époque, Denis Favier, à l’occasion d’une audition devant la Commission de la défense, le 8 octobre 2015 :

  • “La Gendarmerie a pour mission d’être présente dans tous les territoires. Mais dois-je le faire avec le dispositif qui existait au XIXe siècle et au début du XXe ? Je ne suis pas efficace avec des brigades dispersées de quatre ou cinq gendarmes car elles n’ont plus la capacité de faire face aux enjeux actuels. En concertation avec les élus, en lien avec le préfet et les autorités locales, j’essaie donc de procéder, chaque fois que cela a un sens opérationnel, à la fermeture de petitesla fermeture de petites unités et d’en regrouper les effectifs et les moyens au sein de brigades plus importantes. Certes, cela augmente les distances à parcourir et nécessite des véhicules, mais je dégage davantage de puissance avec des gendarmes qui sont plus mobiles.”

(Pour la seule année 2015, environ 80 brigades ont été “regroupées”.)

Le successeur du général Favier, le général Richard Lizurey, a poursuivi cette politique, au ralenti, puis y a mis fin en 2017, après avoir créé des “brigades de contact”, gérées par les compagnies, et vouées au contact itinérants avec les élus et les populations. Nouvelles brigades “hors-sol”, police de proximité non-résidentielle.

1️⃣ Hybride. L’étonnement passé, en interne, au sein de tous les états-majors de la Gendarmerie nationale, on a essayé de comprendre le sens du propos présidentiel, de quelles type de brigades il pourrait s’agir ?

La réponse, sous forme d’hypothèses, est venu de plusieurs déclarations d’officiers généraux de la Gendarmerie, puis du Directeur général lui-même, le 5 octobre, devant les députés de la Commission Défense de l’Assemblée nationale :

  • On peut tout imaginer, comme des brigades mobiles avec des gendarmes qui partent trois ou quatre jours dans des zones isolées et qui dorment dans des gîtes ou des relais, des brigades fluviales, des postes à cheval, des Gendarmes en VTT”.
  • Un officier général a parlé de brigade “en camping-car”.

La promesse présidentielle ressemble fort, alors, à une mystification ! Pour tout un chacun, une brigade territoriale de Gendarmerie c’est d’abord un bâtiment, avec une caserne, un drapeau sur la façade, un accueil du public, et des gendarmes familiers d’une population.

Le 24 mars, L’Essor écrit : “Ces brigades mobiles reprennent peu ou prou l’argumentaire développé pour les brigades de contact, lancées en 2017 pour inciter les gendarmes à aller davantage à la rencontre de la population. On en dénombrait 39 en 2020. Les premières brigades mobiles avaient d’ailleurs été lancées en parallèle du déploiement de cette “fonction contact”, en aménageant par exemple un camping-car destiné à servir de bureau”.

Après la victoire du président de la République, le gouvernement, et son ministre de l’Intérieur, doivent donner corps à cette promesse. La concertation est confiée aux préfets. Les maires sont priés d’exprimer leurs desiderata. Résultats annoncés fin du premier trimestre 2023.

On s’oriente aujourd’hui vers un mix : beaucoup de brigades mobiles, un peu moins de brigades résidentielles.

2️⃣ Financement. Essayons ici de décrypter les récentes déclarations de Gérald Darmanin, prononcées lors de plusieurs déplacements dans les départements pouvant prétendre à l’implantation de nouvelles brigades.

Il dit, a peu près, à ses interlocuteurs : “si vous voulez une nouvelle brigade dès 2023, vous pouvez faire le choix d’une brigade “volante”. Si vous voulez une brigade “classique”, avec caserne, fournissez-moi le bâtiment, ou au moins le terrain, et, avec les services de la Préfecture, nous essaierons de monter un partenariat public/privé pour financer la construction, puis la donner à bail à la Gendarmerie. Grâce à l’augmentation des effectifs prévue dans la Lopmi, je fournirai les personnels”. Au passage, fini les casernes domaniales, souvent vétustes et mal entretenues, parfois insalubres. Place aux casernes locatives.

(Dans ces conditions, bientôt, les brigades de Gendarmerie obéiraient au modèle de l’Education nationale : les murs et le foncier appartenant aux collectivités locales, ou à des partenariats public/privé, et les personnels étant toujours gérés par une administration centrale.)

A noter : une brigade pour 10 gendarmes, avec caserne, coûte environ 10 millions d’euros. Entre la décision de la construire et sa livraison, dix années s’écoulent en moyenne.

3️⃣ Confusion. “Quand c’est pas clair, c’est qu’il y a un loup”. Additionner ensemble des brigades résidentielles, avec casernes, et des brigades volantes, éphémères, ou occasionnelles, constitue à nos yeux un abus de langage. Non pas que ces brigades ne soient pas utiles, loin de là ! Elles peuvent même rendre de grands services. Mais ce ne sont pas des brigades territoriales de Gendarmerie au sens traditionnel du terme.

Le terme d’escouade conviendrait mieux ! Le terme “brigade territoriale de Gendarmerie” resterait attaché aux brigades résidentielles, avec casernes, tandis que celui “d’ escouade” désignerait des sections des autres unités, brigades autonomes ou compagnies. C’est une proposition.

Alain Dumait, directeur de L’Essor (in "Rue Bleue" n° 28)

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