Le candidat Emmanuel Macron avait annoncé la création de 200 nouvelles brigades de Gendarmerie. Le 9 juin dans le Tarn, lors d’un déplacement sur le thème de la sécurité, le Président Emmanuel Macron a levé le voile sur la réalité de son projet, finalement bien moins ambitieuse qu'annoncé.
En effet, ces 200 nouvelles brigades prendront la forme de deux modèles distincts. Le premier reposera sur la présence fixe de gendarmes dans des espaces France services, qui rassemblent en un lieu des services publics afin de les rendre plus accessibles, notamment en milieu rural, et de pouvoir y effectuer des démarches avec un conseiller (demande de pièce d’identité, mutation de carte grise, demande d’aide sociale, déclaration de revenus, recherche d’emploi, etc…).
Dans les faits, il s’agit davantage d’une forme de permanence montée par un ou deux gendarmes dans ces espaces. Malgré l’appellation de “brigade de proximité” employée par le chef de l’Etat, on est loin de vraies brigades “en dur” avec leurs locaux, souvent rattachées à une communauté de brigades.
Le second sera quant à lui itinérant. A l’aide d’un véhicule embarquant l’essentiel pour accueillir des usagers, effectuer des démarches liées à la Gendarmerie et recueillir des plaintes (notamment grâce aux outils numériques et aux postes informatiques Ubiquity qui équipent les gendarmes), une équipe de gendarmes pourra se déplacer dans les communes les plus éloignées des unités, ou bien lors d’événements, pour “amener la brigade au plus près des usagers”.
Cette forme de “brigade mobile” existe déjà et les exemples se multiplient, à l’image des camionnettes ou camping-car transformés en mini-brigade sur roues en Ardèche, dans la Sarthe ou encore dans la Vienne.
“Rien de nouveau”
Candidat divers droite aux Législatives dans la 1ère circonscription du Tarn, l’ancien directeur général de la Gendarmerie Roland Gilles a réagi à ces annonces présidentielles. Précisant qu’elles allaient “dans le bon sens dès lors qu’il s’agit de renforcer un dispositif opérationnel”, il a néanmoins critiqué l’effet d’annonces de ces déclarations. “Il ne faut pas imaginer la création de nouvelles brigades avec résidence immobilière et familles au cœur d’un territoire. (…) Il n’y a donc là rien de nouveau puisque c’est simplement la mission normale des brigades territoriales, de tout temps, qui ont la charge de parcourir, connaître, maîtriser leur circonscription et d’en rencontrer les élus et habitants.”
Commentant cette annonce sur les réseaux sociaux, le lieutenant-colonel en retraite Philippe Franceschi dénonce une "mystification éhontée de la réalité, car il ne s’agit que de prolongements territoriaux de brigades déjà existantes et non de créations nouvelles". D'autant plus que "les effectifs proviendront d’une brigade que l’on va forcément déshabiller de ses propres effectifs".
Sauf à comptabiliser le militaire chargé de cette permanence comme étant sur le terrain, cela va même à contre-courant de l’objectif, puisque cela se traduit par le fait de mobiliser un personnel d’une unité pour l’envoyer assurer cette permanence. “En fait, on va juste multiplier les plantons, analyse un gendarme sur Facebook suite à cette annonce. Si vous prenez un (gendarme) dans une unité pour le mettre chargé d’accueil à l’autre bout de la circo tout en laissant le planton ouvert à la brigade, une fois enlevés les Pam, il reste qui pour aller sur le terrain?”
C’est toutefois un effort de proximité qui est fait. Certaines unités se trouvant parfois à une demi-heure de route d’usagers. La distance peut alors constituer un frein à l’accès aux brigades et donc aux démarches comme les plaintes.
En arrière-plan, il faut aussi voir en ces nouvelles brigades, une solution permettant de contenter les élus locaux qui ont vu leur brigade de Gendarmerie fermer au cours des dix dernières années, parfois totalement supprimée, ou bien transférée dans une autre commune pour des locaux neufs ou en mieux adaptés. De cette manière, les gendarmes assureront toujours une présence dans ces communes qui se sentent abandonnées. Des conventions ont d’ailleurs été signées en ce sens entre la Gendarmerie et des collectivités territoriales.
Les 200 nouvelles brigades, un mélange d’implantations nouvelles et de structures mobiles
Des réservistes pour doubler le nombre de gendarmes sur le terrain
Le chef de l’Etat a également renouvelé sa promesse de doubler le nombre de gendarmes et policiers sur le terrain. Pour atteindre cet objectif ambitieux, Emmanuel Macron mise sur “une révolution numérique” et la “simplification profonde des procédures” tant administratives que pénales, pour diminuer les tâches indues. En revanche, aucune augmentation nationale des effectifs d’active n’a été clairement évoquée bien qu'“une trentaine de gendarmes supplémentaires” ait été annoncée pour la mise en place de ces nouvelles brigades dans le groupement du Tarn.
Nous doublerons la présence de forces de l'ordre sur la voie publique d'ici la fin de la décennie. pic.twitter.com/gMzWL4hVwQ
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) June 9, 2022
Emmanuel Macron souhaite toutefois doubler la réserve opérationnelle de la Gendarmerie pour qu’elle atteigne 50.000 réservistes, et développer celle de la Police nationale. Objectif: “permettre aux policiers et aux gendarmes de s’appuyer sur ces réservistes” en ayant recours à eux plus souvent. Il cite d’ailleurs en exemple le modèle des sapeurs-pompiers volontaires, aujourd’hui indispensables dans l’organisation de la sécurité civile et des services de secours au quotidien. L'implication des réservistes pourrait d'ailleurs être au coeur de la mise en place de ces 200 nouvelles "brigades de gendarmerie". Ils y joueraient par exemple un rôle majeur dans le cas des brigades mobiles, en effectuant des patrouilles de proximité pendant qu'un gendarme d'active assurerait un accueil des usagers avec son véhicule équipé.
Enfin, un troisième axe de progression a été évoqué par le président. Celui de la “rénovation des cycles horaires pour qu’il y ait plus de terrain”. Des négociations seraient actuellement menées en ce sens par le ministre de l’Intérieur. Une rénovation, affirme le président, qui s'accompagne aussi d'"une vraie réforme de l'encadrement".
La Lopmi bientôt présentée
Avant de clôturer son intervention, le chef de l’Etat a confirmé également la présentation au Parlement, “dans les mois qui viennent”, d’une loi d’orientation et de programmation pour le ministère de l’Intérieur (Lopmi). Un texte qui servira de support à cette volonté de “redéploiement” des forces avec en ligne de mire, de la prévention, la lutte contre la délinquance, les trafics et les violences intrafamiliales et faites aux femmes.
La réorganisation territoriale de la sécurité mise en pause par l’Intérieur