En termes de disponibilité des effectifs, le directeur général, sur le départ, laisse à son successeur une situation difficile.
Sur les 116 escadrons de gendarmerie mobile (EGM) existant sur l’ensemble du territoire national, 27 (plus de 2.500 gendarmes) sont actuellement déplacés en Nouvelle Calédonie. En temps normal 1/4 des effectifs de la G.M est employé outre-mer, actuellement cela monte à plus d’1/3… On devrait atteindre ou dépasser, sur ce seul territoire, le pic de l’effort humain déployé dans les années 1984 – 1985…
Parmi eux, on compte déjà quelque 500 blessés…
Le calme n’est toujours pas rétabli partout.
Hier, samedi 7 septembre, un automobiliste a percuté un gendarme qui effectuait un contrôle routier à la sortie nord de La Foa. Grièvement blessé, il a été évacué vers le Médipôle. Ses jours ne sont pas en danger. Le procureur de la République, Yves Dupas, confirme qu’une « enquête a été ouverte du chef de tentative de meurtre sur personne dépositaire de l’autorité publique. »
Le 23 août le Haut-commissaire général Louis Le Franc déclarait :
– « Si la situation s’est améliorée à la fin du mois de juin 2024, notamment à la faveur d’échanges avec les autorités coutumières, et si l’axe de la route provinciale n° 1 (RP 1), a pu être déblayé de plus de 400 carcasses de véhicules, les vols de voitures avec violences (braquage avec armes) se sont intensifiés à la mi-juillet, alors qu’augmentaient les tirs touchants sur les véhicules de la Gendarmerie nationale, tirs provenant d’armes de gros calibres. En outre, les patrouilles de Gendarmerie, régulièrement engagées sur la route provinciale, sont touchées par des tirs mortels d’armes à feu, de jets de pierres et de cocktails Molotov.
Dans ce contexte, deux verrous bloquants ont été mis en œuvre aux entrées nord et sud de la tribu de Saint-Louis, afin d’en interdire le franchissement par la route provinciale, pour des raisons de sécurité (opérations de car-jacking – 65 depuis le 13 mai dernier – tirs de carabines de grande chasse, 35 tirs en moyenne par jour). Seuls les ambulanciers, médecins et pompiers sont autorisés à y pénétrer ». Du coup, les forces de l’ordre ont mis en place deux verrous sur la route provinciale n° 1 (RP 1), en amont et en aval de la tribu de Saint-Louis.
Les églises sont contestées
Depuis mi-juillet, cinq édifices catholiques ont été incendiés en Nouvelle-Calédonie. Les auteurs de la plupart de ces actes restent non identifiés, mais ces exactions interrogent dans un archipel où le poids de la religion reste important. Dans chaque cas, des enquêtes ont été ouvertes et confiées à la gendarmerie, sans que les auteurs de ces actes ne soient traduits en justice.
Les Eglises chrétiennes, protestantes et catholiques, ont une présence prépondérante en Nouvelle-Calédonie depuis l’arrivée des premiers missionnaires à partir de 1843, dix ans avant la prise de possession de l’archipel par la France. Les Eglises revendiquent près de 150.000 fidèles sur une population globale de 270.000 personnes. Selon le Vice-rectorat de la Nouvelle-Calédonie, les enseignements confessionnels scolarisent un élève sur quatre.
Ces incendies « atteignent la Nouvelle-Calédonie dans ses symboles fondamentaux« , explique Yves Dupas, le procureur de la République de Nouméa, qui ajoute à cette série l’acte de vandalisme ayant visé le mausolée du grand chef kanak Ataï le 22 juillet. Pour autant, ajoute-t-il, « il est trop tôt pour affirmer qu’il existe un mobile unique ».
À Saint-Louis, bastion indépendantiste au sud de Nouméa, où la première église a brûlé, un suspect interpellé portait une soutane volée et manifestait son opposition à l’organisation de sa tribu, précise le procureur. Mais pour les autres cas, le flou demeure. Pour Marie-Elizabeth Nussbaumer, anthropologue calédonienne, ces actes violents réactivent un vieux débat. « Les missionnaires sont arrivés avec l’armée (…). Les religions ont contribué à la déstructuration du monde kanak« , analyse-t-elle. Tout en précisant qu’avec le temps et l’évangélisation de l’archipel, « même les discours indépendantistes » s’inspirent d’images religieuses.
L’archevêque catholique de Nouméa, Mgr Michel-Marie Calvet, voit les choses autrement. « On a vu une volonté de détruire tout ce qui représente quelque chose d’organisé. Il y a des amalgames sur la question de la colonisation« , dénonce-t-il.
Les moblos attendent la relève
S’agissant de nos gendarmes mobiles, le contexte d’emploi des unités déplacées en Nouvelle Calédonie, face à la situation générale de l’ordre public, influerait déjà sur la disponibilité quotidienne des effectifs au niveau national. Ceci rendrait difficile l’application des règles d’octroi du repos hebdomadaire, auquel se substituerait une journée de non-emploi, sous le principe de l’astreinte. On imagine donc aisément l’impact induit, par l’apurement postérieur de ces jours de repos, sur la disponibilité des escadrons…
En outre, les mobiles déplacés sous le signe de l’urgence en N.C s’étonnent de ne pas être informés du planning de leur relève, sauf à ce que leur temps de présence soit prolongé comme cela a pu quelques fois intervenir antérieurement.
Enfin, la contestation des conditions d’un tir mortel de riposte à Thio, le 15 août, a conduit le Comgend du territoire, dirigé par le général de brigade Nicolas Matthéos (nommé le 1er juillet 2024), à officialiser la défectuosité de fonctionnement de grenades tirées pour le maintien de l’ordre local.
Elles n’exploseraient pas à l’issue de leur tir. Un phénomène qui aurait été appréhendé par les Mélanésiens, vraisemblablement lors de leur nettoyage par le feu des détritus restés sur le terrain des affrontements. À la suite de quoi ils auraient trouvé les capacités de réemploi des grenades sous la forme d’engin explosif de circonstance à l’image des I.E.D (engins explosifs improvisés), mis en œuvre en Afghanistan ou au Mali, entre autres ! Une déficience de munitions dont la cause est potentiellement imputable aux conditions d’acheminement par voie maritime, ou par les conditions du stockage local. Sauf à envisager un défaut de fabrication accidentel ou intentionnel ?…
Ajoutons que les conditions d’emploi des gendarmes départementaux, dans le cadre des J.OP ont elles aussi conduit à une adaptation des principes, pour assurer le volume de présence utile et nécessaire à la sécurité de la population. C’est le cas pour le repos physiologique compensatoire habituellement accordé après un service ou une intervention nocturne (11 h).
Dans ces conditions, on peut donc dire que les disponibilités d’emploi de tous nos gendarmes n’ont jamais été aussi réduites !…
AD (avec AFP, et nos correspondants)