Lancée en mars 2023, l’expérimentation n’a pour le moment pas de date de fin. Elle devrait néanmoins durer environ six mois. Le temps pour les gendarmes de tester les différents modèles de polos et de chemise tactique durant plusieurs saisons.
Une dizaine de compagnies de gendarmerie départementale ou leur équivalent dans les autres subdivisions d’arme, ont été sélectionnées, en métropole comme outre-mer, pour mener cette expérimentation. Soit un millier de gendarmes, représentatifs de l’ensemble des militaires de l’Arme.
1.000 gendarmes testeurs
Dans le détail, on retrouve cinq compagnies de gendarmerie départementale de métropole : Redon (Bretagne), Nancy (Grand Est), Douai (Hauts de France), Marmande (Nouvelle-Aquitaine), Aix-en-Provence (Paca), ainsi qu’une compagnie d’outre-mer à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe). Dans ces compagnies, l’intégralité des personnels est dotée: brigades territoriales, état-major et groupe commandement des compagnies, pelotons de surveillance et d’intervention et brigades de recherches, soit entre 110 et 200 gendarmes suivant l’importance de la compagnie.
Un escadron de gendarmerie mobile a aussi été sélectionné pour expérimenter ces nouveaux hauts, portés principalement par les mobiles lors des renforts auprès des unités territoriales. Il s’agit d’un peloton de l’EGM 28/2 de La Réole (Nouvelle-Aquitaine). Les gendarmeries spécialisées ne sont pas oubliées puisque la brigade de gendarmerie des transports aériens (BGTA) de Paris-Orly fait partie des testeurs. Enfin, une section de sécurité et d’honneur du 2e régiment d’infanterie de la Garde républicaine, à Paris, complète cette liste.
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Trois modèles différents
Trois modèles de hauts sont donc expérimentés depuis mars 2023 par ces gendarmes: deux polos et une chemise tactique. Tous sont fabriqués en France insistent les militaires.
Le premier, baptisé “modèle A”, est un polo qui ressemble, à quelques détails près, à celui qui équipe les unités de montagne, mais que chaque gendarme peut acquérir malgré tout. Il se décline en deux versions: une à manches courtes et une autre à manches longues. Conservant une large part de bleu ciel, similaire aux polos actuels, il bénéficie de renforts au niveau des épaules et des avant-bras, avec l’ajout de pièces textiles bleu-marines. Le traditionnel col plié à boutons est abandonné au profit d’un col zippé. Pour le reste, il est presque similaire au polo de dotation actuel, avec des supports auto-agrippants sur la poitrine, pour le grade, et sur les manches, pour les écussons et les rondaches.
Légende: Présentation du polo modèle A, actuellement en expérimentation. (Photo: L.Picard / L'Essor)
Le deuxième modèle, dit “B”, est aussi un polo décliné en versions manches courtes et manches longues. Celui-ci dénote davantage une évolution visuelle, puisqu’il est divisé en deux parties. La première, très similaire au polo actuel, reprend le bleu ciel sur les deux tiers bas du vêtement. Au niveau de la poitrine, une bande blanche rappelle celle présente sur les vestes et parkas. Puis, au-dessus de cette bande, le haut de buste et les épaules sont bleu-marine, dans un textile légèrement renforcé par rapport au reste de l’effet. Comme les deux autres modèles, le col du modèle B est lui aussi droit et zippé. Petite distinction néanmoins dans l’emplacement du patch de grade qui, contrairement aux deux autres hauts, ne se trouve plus au milieu de la poitrine, mais sur la partie haute, à droite quand on le regarde.
Ce polo rappelle celui des homologues espagnols des gendarmes, la Guardia civil, qui présente une partie haute distincte du reste du polo.
Légende: Présentation du polo modèle B, actuellement en expérimentation. (Photo: L.Picard / L'Essor)
Enfin, le troisième modèle est une adaptation de la chemise tactique “UBAS” (pour Under Body Armor Shirt, autrement dit, une chemise à porter sous le gilet pare-balles) déjà utilisée dans les armées. Plutôt appréciée, elle est d’ailleurs déjà en service, en version intégralement bleue marine, dans les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (Psig).
Légende: Présentation de la chemise Ubas, le troisième modèle actuellement en expérimentation. (Photo: L.Picard / L'Essor)
Avec une fine maille de corps bleu-ciel respirante, la chemise Ubas associe des manches et des épaules en tissu renforcé. Par ailleurs, elle dispose d’une protection complémentaire au niveau des épaules, permettant de diminuer l’impact du port du gilet pare-balle tactique et protéger des frottements. Une très bonne chose à en croire ses premiers utilisateurs.
Légende: Zoom sur le renfort d'épaule et les aérations sous les bras de la chemise Ubas, le troisième modèle actuellement en expérimentation. (Photo: L.Picard / L'Essor)
Preuve de l’intérêt qu’elle suscite, les gendarmes ont été plus loquaces à son sujet. “La chemise Ubas renforce le côté militaire des gendarmes”, confie ainsi un gendarme testeur. “Elle montre le rattachement aux armées avec un caractère opérationnel fort, complète un officier. Pensée pour le port avec la housse tactique, elle est tournée vers l’opérationnel et la sécurité des personnels.”
Questionnaires saisonniers
L’évaluation de ces prototypes se fait au fur et à mesure de l’expérimentation. Chaque testeur a donc reçu cinq hauts au total. Tout au long de la phase de test, des questionnaires seront régulièrement envoyés aux gendarmes, afin qu’ils fassent remonter leurs ressentis, remarques et préférences. Le formulaire portera sur trois thèmes principaux : la perception de l’image institutionnelle, les aspects opérationnels et l’usage pratique.
Pour s’assurer de l’authenticité des réponses, chaque gendarme devra renseigner son numéro d’identification individuel qui permettra d’accéder aux questionnaires. Pour autant, tous seront anonymisés. L’intérêt est ainsi pour chaque militaire de se sentir libre d’apporter tout commentaire constructif qu’il souhaite, en vue de choisir le ou les modèles, voire d’y apporter des modifications avant leur production industrielle.
Quelques points négatifs déjà ressentis
Après quelques semaines d’expérimentation, les premiers retours du terrain commencent à remonter. Si du côté du style, les commentaires sont plutôt positifs, quelques points techniques ont d’ores et déjà été soulevés. S’ils peuvent sembler n’être que des détails, certains pourraient toutefois vite devenir problématiques à long terme.
Côté confection, la forme des différents modèles apparaît visiblement plus profilée que le modèle actuellement en dotation. Leur style “juste au corps” convient très bien aux gendarmes les plus athlétiques, mais il est assez pénalisant pour les militaires ayant des formes. Par ailleurs, la bande blanche centrale –qui rappelle celle présente sur les vestes softshell polaires et les parkas de pluie ou de grand froid– présente sur le modèle “B” renforce selon les gendarmes la sensation d’étriquement, notamment lors de mouvements, et provoque aussi des frottements supplémentaires.
Par ailleurs, le marquage des polos pose question. En effet, l’ensemble des modèles présentent un flocage du terme “GENDARMERIE” par technique de transfert, et non une broderie comme c’était le cas de la plupart des effets jusqu’à présent. Une option déjà éprouvée sur les modèles été allégés respirants, actuellement en service, avec un flocage par transfert siliconé. Problème, à l’usage, il s’avère que certaines lettres se décollent ou disparaissent en raison des frottements avec le gilet pare-balle ou bien des lavages en machine. C’est donc une alerte à prendre en compte pour les confectionneurs.
Légende: Le drapeau tricolore a fait son apparition sur les trois modèles de polos et chemise actuellement expérimentés en vue de l'évolution des tenues de gendarmes, mais la traditionnelle grenade a quant à elle disparue. (Photo: L.Picard / L'Essor)
Drapeau tricolore, mais disparition de la grenade?
Plusieurs gendarmes ont également soulevé un point qui interroge. Si les trois couleurs du drapeau français ont fait leur apparition en dessous de l’inscription “GENDARMERIE”, à l’avant du polo –ce que semblent largement apprécier les gendarmes, parmi les derniers représentants de l’Etat à ne pas porter les couleurs nationales– ils notent parallèlement la disparition de la grenade, d’ordinaire présente à côté de l’inscription. Ce symbole fort représentatif de la Gendarmerie nationale jusque dans son logo est pourtant présent sur tous les effets militaires de l’Arme.
Côté matières, si la légèreté semble plutôt appréciée, notamment en cas de fortes chaleurs, la faible épaisseur des textiles pose apparemment un problème de taille, notamment pour les personnels féminin. Certains vêtements semblent en effet relativement transparents, s’apparentant parfois à une forme de seconde peau par leur finesse. De ce fait, certains personnels se voient contraints de porter un sous-vêtement supplémentaire en dessous du polo ou de la chemise.
Sur le terrain et dans l’action, le problème se pose moins puisque chaque militaire est alors porteur de son gilet pare-balle avec la housse tactique modulaire, dont le déploiement est toujours en cours dans les unités, mais que les gendarmes ont largement adopté après l’avoir plébiscité pendant plusieurs années.
Des aménagements à l’usage
Bien entendu, il ne s’agit là que des premiers retours de quelques gendarmes testeurs, sur le terrain. Ces derniers se sont d’ailleurs bien gardés de formuler, à ce stade, une quelconque préférence nette pour un modèle plus qu’un autre. L’intérêt de cette expérimentation, qui vient à peine de débuter, est justement de faire un état des lieux pratique et à l’usage, afin d’apporter d’éventuelles améliorations et aménagements, et d’affiner le choix du modèle qui sera ensuite généralisé à l’ensemble des gendarmes.
(Photo: L.Picard / L'Essor)
Déploiement en 2024 ?
Ce projet de nouvelle tenue est le fruit du travail d’une commission dédiée, qui s’est régulièrement réunie à la Direction générale de la Gendarmerie (DGGN), composée de différents personnels de l’Arme. Leurs travaux avaient abouti au printemps 2021 sur le choix de tenues pour cette expérimentation. Mais que l’on se rassure ou se contente, l’actuel polo a encore du temps devant lui. Après les quelques mois d’expérimentation (six minimum), viendra la phase d’analyse des retours d’expérience, puis l’éventuelle phase d’adaptation de la conception avant une validation définitive qui sera faite par la DGGN. C’est seulement après cette ultime étape que la production pourra débuter. Elle-même sera divisée en plusieurs phases: l’approvisionnement en matières premières, la confection à échelle quasi-industrielle, puis le lancement de la distribution aux unités.
Il se dit dans les couloirs de la Gendarmerie que le renouvellement du marché de l’habillement, prévu en juillet 2024, pourrait justement être l’occasion de prévoir la mise en place de ce nouvel équipement. Bien que l’objectif semble être un lancement à l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, il semble peu probable que les gendarmes voient arriver ces nouvelles tenues avant la fin 2024. On est toutefois jamais à l’abri d’une bonne surprise…
LP