Avec des maisons d’arrêt accueillant en moyenne trois détenus pour deux places, et un nombre de détenus qui a augmenté de près de 3 % en un an, "les conditions de détention se dégradent dans toutes leurs dimensions, en même temps que les conditions de travail du personnel pénitentiaire". C’est l’amer constat fait par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) Dominique Simonnot dans un avis publié au Journal officiel de ce jeudi 14 septembre, et dans lequel elle plaide pour "l’inscription dans la loi d’un dispositif permettant de maitriser la surpopulation carcérale".
Pour illustrer son propos, cette autorité administrative indépendante cite quelques chiffres éloquents : ainsi, au 1er juin 2023, le nombre des détenus est de 74.237 pour 60.629 places opérationnelles. "La moyenne du taux d’occupation des maisons d’arrêt approche 145 %, ce qui représente environ trois détenus pour deux places", précise l’avis et "le nombre des matelas au sol est de 2.336, contre 1.885 au 1er juin 2022".
Vétusté et insalubrité
Lors des ses visites d’établissements pénitentiaires, la CGLPL a constaté que les personnes détenues "doivent souvent demeurer plus de 20 heures sur 24 dans des cellules surpeuplées, où l’espace dont chacun dispose pour se mouvoir est inférieur à un mètre carré".
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Cette surpopulation intervient alors que, faute d’entretien, les bâtiments sont "vétustes et insalubres" et "l’accès aux sanitaires – eux-mêmes insuffisants et insalubres – est limité même en cas de forte chaleur", tandis "que, saturés, les réseaux électriques, d’eau et de chauffage tombent en panne, que l’humidité dégrade les cellules, que les fenêtres ne sont pas étanches, que les rats, puces et punaises sont partout, que les détritus s’amoncellent dans les cours et sous les fenêtres, voire dans les couloirs de la détention".
Les surveillants et soignants eux-aussi malmenés
Au delà des détenus eux-mêmes, "le personnel pénitentiaire et les soignants ne sont pas mieux lotis", note l’avis qui insiste sur leur sous-effectif lié à des phénomènes auto entretenus: "la très faible attractivité des fonctions explique les sous- effectifs, qui entraînent une surcharge de travail, laquelle est à l’origine d’un fort taux d’absentéisme (jusqu’à 36 % dans l’un des établissements visités), qui, lui-même, alimente le manque chronique d’effectifs". La CGLPL ajoute que "les agents de l’administration pénitentiaire sont, au même titre que les détenus, exposés aux risques sanitaires liés à l’insalubrité des locaux et à ceux de violence induits par la surpopulation".
La construction n’est pas une solution pour le CGLPL
Dominique Simonnot rappelle également que, depuis 2012, il "préconise avec constance un système de régulation pour lutter contre la surpopulation carcérale" et que, "depuis janvier 2020, une obligation pèse en outre sur l’Etat français, au titre de l’exécution d’une condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)".
La situation est les résultat d’une "fuite en avant capacitaire": "en une trentaine d’années, le nombre de places dont dispose l’Administration pénitentiaire a doublé, passant d’environ 30 000 aux 60 500 actuelles ; pour autant, la surpopulation carcérale n’a cessé de progresser, et de plus en plus vite".
"Désagrégation du service public"
Pour échanger et partager des expériences sur le sujet de la surpopulation, la CGLPL a réuni, au cours de l’année écoulée, "un nombre important d’acteurs intervenant en détention" (magistrats, personnels pénitentiaires, médecins, avocats ou associations oeuvrant pour les détenus). Tous constatent "la dégradation des conditions de détention, l’épuisement du personnel, la détérioration générale et accélérée de l’immobilier et la saturation de l’ensemble des services". Une situation qui rend le système pénitentiaire incapable de "remplir sa mission de réinsertion", de "garantir le respect de la dignité et des droits des détenus ainsi que leur sécurité et celles des agents chargés de les garder" est également identifiée par tous.
"Si certains divergent sur les solutions à mettre en place, tous les participants s’accordent sur l’impossibilité de laisser se poursuivre une telle désagrégation d’un service public. Dans leur grande majorité, ces acteurs du monde carcéral prônent, comme le CGLPL, l’inscription dans la loi d’un dispositif permettant de maitriser la surpopulation carcérale", relève l'avis.