Le tribunal administratif de Lyon a débouté un ancien gradé de la brigade de gendarmerie de Tullins (Isère) qui entendait contester les sanctions que lui avait infligées sa hiérarchie dans une affaire de "harcèlement" sur une subalterne, en dépit de l'abandon des poursuites pénales engagées contre lui.
Une "enquête interne" avait en effet été ordonnée à la suite d'agissements "susceptibles d'être qualifiés de harcèlement" concernant six militaires de la communauté de brigades, relate le tribunal administratif de Lyon, dans un premier jugement en date du 13 mai 2024, qui vient d'être rendu public. Ce maréchal des logis-chef avait alors été placé en garde à vue les 27 et 28 mai 2021, mais le procureur de la République de Valence (Drôme) avait finalement clos la procédure le concernant par un classement sans suite.
Le magistrat avait fait le choix de ne retenir que les situations "pénalement les mieux caractérisées" avait-il justifié dans un courriel en date du 18 novembre 2021 ; s'il n'avait pas retenu cette qualification de "harcèlement" pour le requérant, ce classement sans suite "ne fait pas obstacle à d'éventuelles poursuites disciplinaires" soulignait-il.
Le commandant de la région de gendarmerie Auvergne-Rhône-Alpes avait donc décidé de son côté "d'abaisser d'un point" la notation annuelle du requérant "en raison d'une attitude et d'un comportement inadmissible envers l'une de ses camarades" Or, pour rappel, la notation annuelle est "une évaluation (…) des qualités morales, intellectuelles et professionnelles" d'un militaire, selon le code de la défense ; elle sert notamment à dire s'il est "apte à tenir (…) des emplois de niveau plus élevé".
Sa demande de permutation n'a pas été acceptée
Ce gendarme "depuis 2008" avait aussi fait l'objet d'une "mutation d'office" à Annonay (Ardèche), ce qu'il avait assimilé à une "sanction déguisée" susceptible d'être censurée par la justice administrative ; il avait donc saisi le tribunal administratif de Lyon pour faire annuler ces deux décisions.
"Les faits invoqués dans le rapport (…) du commandant du groupement ne sont pas avérés, aucune charge pénale n'ayant été retenue à son encontre et l'affaire ayant été classée sans suite le 4 novembre 2021", rappelait son avocat.
"La mutation dans l’intérêt du service ne peut être justifiée par une perte de confiance de la part de l'autorité judiciaire : les deux gendarmes à l'origine de l'enquête (…) ont quitté la brigade (…) de Tullins plus d'un an avant la (…) mutation d'office, de sorte qu'elle n'était plus justifiée en décembre 2021."
Le maréchal des logis-chef avait en outre fait une "demande de permutation" qui lui aurait "permis de quitter la brigade (…) plus tôt", mais elle n'a "pas été acceptée". Cette "mutation d'office" décrétée par la hiérarchie était donc la source d'une "dégradation" de la "situation professionnelle" de son client.
Mais "si M. XXX soutient que la décision (…) a conduit à une dégradation de sa situation professionnelle, dès lors que sa nouvelle brigade (…) ne disposait pas de logement immédiatement disponible, cette situation n'a été que temporaire", objecte le tribunal administratif de Lyon dans ce jugement.
UNE "ATTEINTE A SA DIGNITE ET SON HONNEUR"
"Par ailleurs, si M. XXX soutient que la mesure porte atteinte à sa dignité et à son honneur, comme en témoigne la dégradation de sa notation professionnelle, les éléments dont il fait état ne sont pas des effets de la mutation d'office (…) mais les conséquences des faits", prennent soin de souligner les juges lyonnais.
Or, cette mutation "dans l'intérêt du service" a été décidée "en raison du comportement de l'intéressé à l'égard de collègues féminins" : il était "contraire aux valeurs de l'institution de la Gendarmerie et de nature à perturber le service". Le procureur de la République de Grenoble (Isère) avait en effet fait état de sa "perte de confiance" à l'égard de cet OPJ.
"La seule circonstance que le procureur (…) ait décidé d'un classement sans suite (…) n'établit pas que la matérialité des faits(…) reprochés n'est pas établie, mais seulement que l'autorité judiciaire n'a pas jugé opportun d'engager des poursuites", souligne le tribunal administratif de Lyon.
"En tout état de cause, dès lors qu'eu égard à ses fonctions d'officier de police judiciaire (…), M. XXX pouvait être amené à procéder à des enquêtes préliminaires sur les instructions du procureur (…), le motif tiré de la perte de confiance de l'autorité judiciaire (…) pouvait justifier à lui seul la mutation d'office (…) alors même que les gendarmes à l'origine de l'enquête (…) avaient quitté la brigade (…) de Tullins plus d'un an avant."
La baisse de la notation est aussi justifiée par le fait que l'intéressé n'avait "pas eu le comportement attendu d'un gradé de la gendarmerie", puisqu'il avait "manqué de bienveillance et de discernement dans son rôle de tuteur d'une jeune militaire", ajoute le tribunal dans un second jugement en date du même jour. La jeune femme avait fait l'objet de "dénigrement", de "critiques publiques" ou encore de "propos et gestes déplacés".
"Le rapport de commandement (…) décrit de manière circonstanciée des faits de harcèlement au sein de la communauté de brigades de Tullins et un comportement déplacé de M.XXX à l'égard d'une gendarme", concluent les juges lyonnais, pour rejeter les deux requêtes.
(GF / PressPepper)