<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La « Grande démission » touche aussi la Gendarmerie

Photo : Les départs sont en hausse au sein de la Gendarmerie, notamment parmi les élèves gendarmes en formation initiale.

21 avril 2023 | Vie des personnels

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La « Grande démission » touche aussi la Gendarmerie

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La Gendarmerie nationale connaît actuellement des difficultés importantes de recrutement et de fidélisation de ses personnels, alerte la Cour des comptes dans son rapport sur le budget 2022, mis en ligne le 13 avril. Cette situation touche également la Police, alors que 2022 marque la dernière année du plan "10.000" visant à recruter 10.000 policiers et gendarmes durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron.

Une hausse de départ record en 2021 et 2022

Pourtant, note la Cour des comptes, les crédits de personnels sont disponibles, mais cette flambée de départ a conduit la Gendarmerie à augmenter ses recrutements de 25% en 2022 (29% pour la Police). Cette situation est analogue à ce que connaît globalement le pays. "Fin 2021 et début 2022, le nombre de démissions a atteint un niveau historiquement haut, avec près de 520.000 démissions par trimestre, dont 470.000 démissions de CDI", expliquait, en octobre 2022, une étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail qui analysait le risque d’une "Grande démission" en France, analogue à la situation du marché du travail américain courant 2021.

Effectivement, depuis la pandémie de Covid-19, le nombre de départs de gendarmes et de policiers a augmenté, atteignant un niveau record en 2021, aussitôt battu en 2022. La Gendarmerie doit désormais renouveler 15% de ses personnels chaque année pour compenser les départs, et cette situation ne s’explique pas par les départs en retraite. Ceux-ci sont en effet restés stables sur la même période. "À titre d’exemple, les départs en retraite de la Gendarmerie nationale s’élèvent à 3.056 en 2018 et à 3.545 en 2022", note la Cour des Comptes.

Pour expliquer cette situation, la Cour invoque plusieurs motifs et d'abord, la concurrence avec les polices municipales, devenue plus intense, car celles-ci attirent de plus en plus de policiers et gendarmes. Ils sont en effet des candidats de choix puisque leur formation est déjà effectuée. Selon la Gendarmerie, citée par la Cour, les besoins en recrutement des polices municipales s'élèveront à 7.500 personnels d'ici 2026. Le rapport pointe également l'augmentation des détachements dans d'autres administrations et la hausse des démissions en école.

Un potentiel opérationnel réduit

Cette situation crée en outre "des périodes de vacance avant que de nouveaux personnels soient recrutés",  ce qui réduit "le potentiel opérationnel des forces de sécurité intérieure", déplore la Cour des comptes qui précise qu’un concours supplémentaire pour les sous-officiers de Gendarmerie devrait être ouvert en 2023. Une information confirmée depuis, avec un premier concours d'ores-et-déjà organisé en mars qui sera suivi d'un second, prévu en septembre.

Ouverture d’un second concours pour le recrutement de sous-officiers de gendarmerie en 2023

Mais compenser ces départs ne sera pas une tâche aisée. D’une part, "cette situation accroît la pression sur l’appareil de formation initiale de la Police et de la Gendarmerie nationales, en termes d’infrastructures ou d’encadrants", avertit le rapport qui évoque un "risque de saturation" pour la Gendarmerie, même si celle ci "a anticipé les difficultés en augmentant de 20% les effectifs du commandement des écoles de la Gendarmerie nationale (CEGN) entre 2018 et 2022".

La qualité des recrutements et des formations en baisse

D’autre part, "cette hausse des départs contraint donc les responsables de programme à dégrader la qualité des recrutements et des formations", avec "un taux d’admission au concours de gardien de la paix passé de 2% en 2014 à 18% en 2020, tandis que les formations de gardien de la paix et d’officier avaient été raccourcies. Pour la Gendarmerie nationale, le taux d’admission du concours SOG de mars 2023 s’élève à 20%", avec "14.000 candidats pour 2.800 places".

D'après les statistiques et résultats dont dispose L'Essor, le taux exact d'admission est de 19,11%, avec un nombre de candidats inscrits de 14.654 pour 2.800 places ouvertes. Le nombre définitif de candidats admis n'est pour le moment pas connu, puisque les épreuves d'admission sont en cours.

Plus de 6.500 candidats déclarés admissibles au concours de sous-officier de mars 2023

13 ans de retard sur le recrutement des réservistes

Les responsables du recrutement au sein de la Gendarmerie ont noté en 2022 "un assèchement des viviers de recrutement, en particulier pour les policiers adjoints et gendarmes adjoints volontaires". Ce constat est également valable pour les réservistes. Malgré l’objectif affiché de passer de 30.959 réservistes en 2022 à 50.000 en 2027, "la Gendarmerie comptait 30.864 réservistes opérationnels fin 2021 et 29.847 en 2020". "Pour les deux forces, au rythme actuel, il faudrait 17 ans pour atteindre l’objectif fixé", analyse cruellement le rapport. Ainsi, "un quasi-quadruplement des recrutements (3.800 par an pour la Gendarmerie et 6.000 pour la Police) serait nécessaire. Mais, toujours selon la Cour de comptes, cet objectif "se heurte au manque d’infrastructures (disponibles pour former ces réservistes) et à un vivier insuffisant à ce stade".

L’argent ne fait pas tout

Pour la Cour des comptes, cette situation catastrophique montre les limites "des hausses indemnitaires et indiciaires dont ont bénéficié les forces de sécurité intérieure, censées justement revaloriser le métier de policier et gendarme" et qui ont coûté, en 2022, 182,84 millions d’euros pour la Police et 99 millions d’euros pour la Gendarmerie (hors comptes d’affectation spéciale – HCAS).

"Sur la période 2016 à 2022, les deux protocoles RH ont engendré un coût supplémentaire de 730,3 millions d’euros HCAS, soit 4% de la masse salariale des deux programmes", relève la Cour qui estime que "ces mesures indemnitaires, nombreuses, peu lisibles et coûteuses depuis 2016, semblent n’avoir pas l’incidence espérée sur la fidélisation et l’attractivité des métiers de la sécurité intérieure, dont les départs sont de plus en plus nombreux".

Elle plaide donc pour "politique globale différente (…) insistant notamment sur l’amélioration des conditions de travail des personnels et sur la gestion dynamique des ressources humaines".

Comment la formation des policiers et des gendarmes pourraient être améliorée

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