C’est une réforme qui inquiète: la professionnalisation des pelotons de surveillance et d’intervention (Psig) suscite d’importantes craintes dans les rangs de la communauté des gendarmes. Pour rappel, cette réforme en cours, l’un des chantiers majeurs de l’Arme en 2022, va se traduire par la disparition des gendarmes adjoints volontaires au sein des Psig, remplacés par des sous-officiers de carrière, et l’ouverture du diplôme d’arme, jusqu’ici réservé aux gendarmes mobiles, aux gendarmes de ces unités.
Deux types d’inquiétudes ont été entendues depuis. D’une part, des figures de la gendarmerie mobile craignent une baisse de la qualité de la formation du diplôme d’arme. Si cette baisse était avérée, cela aurait des conséquences pour les gendarmes mobiles, aux compétences aujourd’hui reconnues. D’autre part, d’autres gendarmes craignent qu’un fossé ne se creuse entre gendarmes spécialisés en intervention et gendarmes départementaux “classiques”.
La réforme des Psig, le risque d’un lien moins fort avec la gendarmerie départementale?
Une dérive
C’est ce dernier point qui a retenu principalement votre attention. “Je pense qu'il s'agit d'une nouvelle dérive vers le tout intervention, écrit ainsi Daniel. Si je suis persuadé que dans certaines zones d'action de la Gendarmerie, il est nécessaire d'avoir des unités d'intervention spécialisées, cela ne représente qu'une infime partie des Psig.” Et de s’interroger sur la Gendarmerie de demain visée. “Doit-on partir vers un système d’unité de type Bac et se couper de la population ou reprendre ce qui a été notre force pendant huit siècles, à savoir faire partie de nos territoires et de notre population?”, demande-t-il.
Après cinq ans en mobile et depuis quinze ans en départementale, Marc (prénom d'emprunt) est assez amer à propos de la réforme en cours. “Cette professionnalisation se réalise de manière outrancière, décalée avec les réalités du terrain, sans modération ni sens”, regrette-t-il, signalant par exemple une hausse importante des effectifs de l’unité d’intervention, “surdimensionnés”, selon lui. Et ce alors même que les gendarmes sont confrontés à des “difficultés systémiques en termes de personnel et de hiérarchisation des missions en brigade”.
“Il est évident que privilégier le diplôme d’arme à l’obtention de la qualité d’officier de police judiciaire marque un mépris de plus en plus affiché envers l'activité judiciaire”, ajoute-t-il. Pourtant, rappelle-t-il, la co-direction d’éventuelles procédures entre gendarmes d’intervention et officiers de police judiciaires permet de valoriser le travail des Psig et leur fait montrer “ce qu'une intervention peut amener ultérieurement”. “Cette professionnalisation aurait pu se faire de manière moins radicale avec un équilibre plus doux entre sous-officiers et gendarmes adjoints-volontaires, conclut-il. Il faudra redéfinir les missions des Psig et les étendre afin que ces unités prennent leur part réelle en termes missionnel au-delà de l'équation interventions-sport-instruction.”
Deux figures de la mobile s’inquiètent de la réforme du diplôme d’arme
Plutôt des recyclages à Saint-Astier
”Les Psig n’ont pas vocation à ne faire que de l’intervention ponctuelle et doivent être armés de gendarmes astreints à maîtriser le droit pénal et la procédure pénale”, souligne également Guy, officier supérieur en retraite. Leur avancement doit donc être “conditionné par l’obtention de la qualification d’officier de police judiciaire”, poursuit-il, appelant au contrôle de leurs compétences techniques à l’occasion de stages de recyclage. “La quête du renseignement au sens large est la mission de base de la Gendarmerie”, conclut-il. “Rien de plus simple que de les envoyer en formation d'intervention à Saint-Astier, mais toujours en gardant à l'esprit la procédure pénale et le droit pénal”, abonde Jean-Marie.
Après avoir été cinq ans commandant d’un Psig, Dominique remarque qu’il “serait regrettable de s'éloigner des brigades territoriales”. “Lors des interpellations d'individus, il est valorisant de poursuivre l'enquête judiciaire avec les enquêteurs et de participer à la procédure”, note-t-il. Une pratique qui facilite d’ailleurs le retour de ces gendarmes en brigade territoriale. Toutefois, à ce sujet, Stéphane, parti à la retraite il y a quatorze ans, estime de manière sarcastique qu’il était “déjà un exploit” de n’obtenir “ne serait-ce qu’un procès-verbal d’interpellation”.
Et de relativiser donc les conséquences de la réforme, notamment sur un affaiblissement du contact, les Psig étant beaucoup utilisés, rappelle-t-il, en deuxième partie de nuit, à l’heure où le boulanger sort sa première fournée. “La seule présence du Psig en fin de soirée sur la manifestation calme le jeu ou évite les débordements car il est beaucoup plus respecté”, note pourtant un élu d’une petite commune rurale à propos des débordements qui peuvent intervenir lors de fêtes locales, comme le 14-Juillet. “Sur place, le Psig intimide et rassure, échange avec les élus et fait un travail formidable de prévention”, salue-t-il enfin.