Sainte-Soline: les violences de gendarmes sur quatre manifestants classées sans suite

Photo : Des gendarmes mobiles et leurs véhicules, cibles d'engins incendiaires et de nombreux projectiles lancés par des blacks-blocs et des militants radicaux, en marge de la manifestation "anti-bassines" interdite à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), samedi 25 mars 2023. (Photo d'archive)

5 décembre 2025 | Société

Temps de lecture : 3 minutes

Sainte-Soline: les violences de gendarmes sur quatre manifestants classées sans suite

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Le parquet de Rennes a classé sans suite les plaintes de quatre manifestants grièvement blessés lors des affrontements de mars 2023 à Sainte-Soline, invoquant le "contexte ultraviolent" ou l'impossibilité d'identifier les auteurs.

Le parquet de Rennes a classé l’enquête sur les violences commises par des gendarmes sur quatre personnes grièvement blessées lors d’une manifestation interdite à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) en mars 2023 mais a ouvert une information judiciaire sur des « tirs tendus » de grenades, une pratique interdite.

Le procureur de Rennes Frédéric Teillet, explique jeudi dans un communiqué avoir pris cette décision soit parce que les blessures ont été causées par un tir « conforme » (un cas), soit parce que les tirs non conformes ont pu être justifiés par le « contexte ultraviolent », soit parce que leurs auteurs n’ont pas pu être identifiés.

Trois des quatre blessés ayant porté plainte ont bien été touchés par des tirs tendus ou « semi-tendus » des gendarmes le 25 mars 2023, selon les résultats de l’enquête cités par M. Teillet. Deux d’entre eux se trouvaient à plusieurs dizaines de mètres des forces de l’ordre.

Ouverture d’une information judiciaire pour des tirs tendus de grenade

Le procureur dit vouloir poursuivre les investigations sur ces tirs tendus et a décidé « d’ouvrir une information judiciaire devant un juge d’instruction ».

Ces tirs sont, selon M. Teillet, difficiles à qualifier juridiquement. Ils pourraient éventuellement « constituer l’infraction de violences volontaires », par exemple si la légitime défense ne les justifiait pas.

« Compte tenu de la nouvelle orientation des investigations à mener, le choix de l’ouverture d’une information apparaît à ce stade plus adapté que la poursuite d’une enquête préliminaire » par le parquet, estime-t-il.

Pour Me Chloé Chalot, avocate des quatre blessés graves qui avaient porté plainte à la suite des violences subies lors de la manifestation, cette décision « est à la fois très décevante et très peu surprenante au vu de l’attitude du parquet au cours de cette procédure ».

Le procureur de Rennes aurait dû, selon elle, « ouvrir une information judiciaire pour l’ensemble des faits », a-t-elle dit à l’AFP. « C’est très peu compréhensible alors même que mes clients ont été victimes de tirs tendus » pour trois d’entre eux, relève-t-elle.

Ils vont déposer plainte avec constitution de partie civile sur les faits qui les concernent, une procédure qui déclenche automatiquement la désignation d’un juge d’instruction.

Des milliers de manifestants autour de la réserve d’eau de Saihte-Soline

Le rassemblement de Sainte-Soline, interdit, avait rassemblé le 25 mars 2023 des milliers de personnes autour d’une réserve d’eau agricole contestée, surnommée mégabassine. La manifestation avait dégénéré en affrontements entre militants radicaux et gendarmes, avec 5.000 tirs de grenades et une pluie de pierres et de cocktails molotov. Les manifestants avaient annoncé 200 blessés dans leurs rangs, dont 40 graves, et les gendarmes 45.

Au printemps 2023, le parquet de Rennes, qui a compétence militaire, avait ouvert une enquête préliminaire sur « des violences par dépositaires de l’autorité publique » sur les quatre plaignants ainsi que sur d’éventuels dysfonctionnements dans la prise en charge des blessés. Le parquet a également annoncé jeudi qu’il classait sans suite ces faits de « non assistance à personne en danger ».

« L’impunité n’a plus de limite », a réagi dans un communiqué le collectif Bassines non merci, fer de lance de l’opposition aux projets de retenues d’eau dans les Deux-Sèvres. Ce classement sans suite a pour but « d’éviter une fois de plus une vérité accablante » et de « camoufler la violence de l’Etat policier », accuse le collectif.

Le ministre de l’Intérieur refuse de parler de « violences policières »

L’enquête menée par l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) s’est notamment appuyée sur des enregistrements des caméras-piétons équipant les forces de l’ordre.

Libération et Mediapart ont diffusé des extraits de ces vidéos début novembre. On y entend notamment des gendarmes encourager des « tirs tendus » de grenades en direction de manifestants. D’autres se réjouissent des blessures que celles-ci occasionnent sur des manifestants .

Le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez avait « condamné » les « propos » et « gestes » de ces gendarmes, se refusant toutefois à les qualifier de « violences policières ». Il a demandé l’ouverture d’une enquête administrative.

Par Laurent BANGUET (AFP)

Lire aussi: Méga-bassines à Sainte-Soline : le commandant de l’IGGN critique le rapport de la Ligue des droits de l’homme (LDH)

La question du mois

Bruno Retailleau, pour lutter contre la violence et les narcotrafics en Guadeloupe, a confirmé l’installation de « deux escadrons de gendarmerie mobile, sans enlever le peloton de la garde républicaine », mais aussi de « deux brigades nautiques », une de gendarmerie et une de police respectivement en Basse-Terre à Gourbeyre et à Pointe-à-Pitre. Pensez-vous que cela sera une réponse satisfaisante ?

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