Nous vous en parlons depuis quelques semaines, après l’annonce, fin octobre par le ministère de l’Intérieur, du choix de cet engin comme nouveau véhicule blindé de maintien de l’ordre (VBMO) de la Gendarmerie. Mais, même si une photo du prototype a été diffusée, beaucoup d’interrogations règnent autour de ses caractéristiques techniques et de ses équipements. Patrick Bourreau, directeur général de la société Soframe, qui va produire les 90 blindés, a accepté de dresser pour L'Essor une fiche technique détaillée du Centaure.
Le nouveau blindé de maintien de l’ordre des gendarmes s’appellera Centaure
Une lame sur tous les Centaure
L’équipement de ce nouveau VBMO a suscité de nombreux débats dans la sphère gendarmerie. Au centre des interrogations, la lame. Un accessoire indispensable pour dégager des axes barrés ou bloqués par des véhicules et des barricades. Bonne nouvelle. Alors que seuls quelques VBRG étaient équipés, tous les blindés Centaure en seront dotés!
“Il ne s’agit pas d’un pare buffle comme on a pu le lire dans des réactions, après la publication d’une photo du prototype, assure, amusé, Patrick Bourreau. C’est bien une lame flottante.” Objectif du cahier des charges: réaliser la percussion, puis la poussée de voitures et d’objets pesant jusqu’à 3,5 tonnes, le tout à une vitesse de 30km/h. Une mission que ce Centaure a semble-t-il réussi haut la main. Et ce n’est pas qu’une affirmation du constructeur. “Une équipe de la Gendarmerie est venue réaliser des tests avec le prototype.” Cet équipement a donc été passé à la loupe lors de l’appel d'offres.
D’autres essais ont également été menés, notamment de vitesse et de stabilité sur routes. Avec son moteur de 280 à 330 chevaux, le véhicule peut ainsi dépasser les 100 km/h. Côté mobilité, les examinateurs ont pu constater que le véhicule pouvait franchir des fossés de 90 cm et monter sur des marches de 40 cm. Il peut également grimper des pentes avec un dénivelé important, allant jusqu'à 60%, et circuler malgré un dévers de 30% sur le côté. En clair, ce gros 4×4 blindé de 14,5 tonnes, mesurant 7,4 mètres de long pour 3,3 mètres de haut (hors tourelle), peut donc se mouvoir sans problème, aussi bien en milieu urbain avec des routes et des trottoirs, qu’en pleine campagne, entre chemin et milieux naturels.
Tourelleau téléopéré et matériaux innovants
Côté ouvertures, le véhicule possède plusieurs accès. Deux portes sur le côté droit, une à gauche pour le conducteur, ainsi qu’une rampe à l’arrière permettant le débarquement des personnels à bord. Des trappes de tir sont également prévues sur les flancs. Des grilles de protection sont également prévues pour renforcer la sécurité des personnels. Seule la grille du pare-brise est amovible, afin de réaliser les trajets avec une meilleure visibilité.
Mais avec ce véhicule, la Gendarmerie va également réaliser un réel bon en avant. Outre un gain non-négligeable en terme de confort intérieur, l’innovation se trouve aussi à l’extérieur du Centaure. Tout d'abord sur son toit. Il sera en effet équipé d’un tourelleau téléopéré, pouvant embarquer un système d’arme et de surveillance. Cet équipement sera un des rares à ne pas être français. Mais Soframe n'aura pas à aller le chercher bien loin, puisqu'il s'agit d'un modèle produit par la société belge FN Herstal, qui fournit d'ailleurs des tourelles pour d'autres véhicules militaires tricolores. Des moyens permanents de visionique à 360° complètent le dispositif. De plus, grâce à des capteurs positionnés aux différents angles du véhicule et sur sa tourelle, le conducteur pourra le manœuvrer en sécurité.
L'autre innovation majeure se trouve au niveau du revêtement du Centaure. En plus de son acier made in France, produit au Creusot (Saône-et-Loire), l'engin sera équipé d'un nouveau type de blindage alternatif au kevlar. Le “Tenexium”, un matériau composite de protection balistique créé en 2019 par la société du même nom, qui se trouve être également une filiale du groupe Lohr.
La surprise de la couleur
Pour l’heure, on ne connaît pas la couleur de la robe que revêtira ce blindé. Depuis plusieurs années, la Gendarmerie réalise des économies en optant pour les “couleurs constructeurs” des véhicules qu’elle commande. Celles-ci suivent généralement une nuance de couleurs bleues. Mais cette fois, "rien n’est écrit", comme l’assure le patron de Soframe. “Le prototype était noir, mais nous pouvons tout faire.”
La direction de la Gendarmerie, qui a confirmé travailler avec son équipe de graphistes sur la question, a toutefois donné une petite idée de ce à quoi ressemblera le modèle une fois équipé. Elle a en effet diffusé un visuel montrant le Centaure sérigraphié avec le traditionnel marquage latéral “gendarmerie”, ainsi que des bandes haute visibilité à l’avant comme à l’arrière. Il apparaît toutefois en couleur grise. Alors s’agit-il d’une image publiée en noir et blanc pour préserver le suspense, ou bien de la couleur réellement prévue? Le choix du noir ou du gris –normalement réservé aux véhicules des unités spécialisées comme ceux du GIGN, du Raid et de la BRI-PP– pourrait créer la confusion lors de leur déploiement sur le terrain. Le bleu traditionnel pourrait donc l’emporter, à la grande satisfaction de beaucoup de gendarmes (qu’ils soient en activité ou non) et d’observateurs extérieurs à l’Institution. Pour le moment, le mystère plane. Nous devrions en savoir plus dans quelques mois, avec l’arrivée de modèles dits “de tête de série”.
Un premier exemplaire avant d'ici l'été 2022
Le calendrier de livraison se précise également. Le premier exemplaire devrait être livré à la Gendarmerie durant le second trimestre 2022. Trente autres Centaures seront ensuite livrés avant la fin de l'année 2022. Les 59 restants arriveront quant à eux en 2023. La chaîne de production du modèle “Armoured Infantry Vehicle” (ARIVE), duquel est dérivé le Centaure, va donc reprendre du service en Alsace, après avoir été stoppée fin 2020. Dans cette logique industrielle, l'entreprise pourra faire sortir de son site de production jusqu'à deux véhicules par jour. "La problématique principale reste l'approvisionnement en pièces, précise Patrick Bourreau. Bien qu'essentiellement françaises, certaines –comme les plaques de tôle blindée– mettent près de cinq mois à arriver une fois la commande passée."
Une commande de 90 nouveaux blindés pour remplacer les VBRG de la Gendarmerie
Soframe, une entreprise familière
L’entreprise Soframe n’est pas étrangère à l’Institution. Il y a une trentaine d’années, elle avait en effet déjà fourni des véhicules aux gendarmes. Le groupe Lohr avait alors livré des bus bleus, “pas blindés, mais un peu protégés”, utilisés pour le transport des gendarmes. Principalement des escadrons de gendarmes mobiles et des compagnies d’instruction en écoles. Aujourd’hui, si la majorité de ces bus ne sont plus en service, certains roulent toujours, comme celui transformé en laboratoire mobile par l’IRCGN, l’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale.
Le bus laboratoire mobile de la @Gendarmerie
Posted by IRCGN – SCRC – PJGN : Pôle Judiciaire de la Gendarmerie Nationale on Saturday, July 11, 2020
Les gendarmes en blouse blanche dépistent le Covid-19
Les gendarmes mobiles reconnaîtront probablement un autre véhicule de l'entreprise, régulièrement employé lors des manifestations, notamment dans la capitale. Le “canon à eau” VID-12000 de la Police nationale est effectivement aussi un véhicule produit par Soframe.
Moins connu sur le territoire que ses concurrents Arquus et Nexter, le groupe Lohr est un fournisseur régulier des forces armées. Parmi les véhicules réalisés par sa filiale Soframe, le modèle ARIVE a d’ailleurs connu un vif succès à l’international, au point de faire de l’entreprise le premier constructeur et exportateur français entre 2017 et 2019. Initialement destiné au transport de troupe sous blindage, ce véhicule modulable a aussi été aménagé selon plusieurs déclinaisons, telles qu’une ambulance ou encore un poste de commandement. Avec “près de 1.800 exemplaires” produits, l’ARIVE est maintenant un véhicule “qualifié et éprouvé”, souligne Patrick Bourreau. De bon augure pour la Gendarmerie qui a fait le choix de cet engin pour remplacer ses blindés presque cinquantenaires.
LP