Le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a présenté, jeudi 5 janvier, son plan d’action qui vise à remédier aux maux de la justice et répondre aux attentes formulées lors des consultations des Etats généraux de la Justice.
Au menu du Garde des Sceaux, une hausse des moyens financiers avec, notamment, un budget de la justice qui passera de 9,6 à "près de 11 milliards d'euros" d'ici à 2027, une réduction des délais de la justice civile, qui représente "60% des décisions rendues par nos tribunaux", ainsi que des justices sociale et économique, une amélioration des conditions de travail des juges, une modernisation de la gouvernance et des réformes importantes dans le champ pénitentiaire.
Au delà de tous ces changements, pour les gendarmes, c’est la partie pénale de ce plan d’action qui aura le plus d’impact.
Simplification et modernisation de la procédure pénale
Pour le ministre, "l’impératif est clair : il faut simplifier et moderniser la procédure" pénale. Le code de procédure pénale est en effet "devenu un code de plus de 2.000 pages, avec des articles opérant des renvois de textes trop nombreux, mais également des incohérences multiples", a déploré l’ancien avocat pénaliste. Devenu "illisible même pour les praticiens les plus expérimentés", le CPP sera donc réécrit, "par voie d’ordonnance", grâce à une disposition de la loi d’orientation et de programmation pour la justice qui devrait être présentée au printemps 2023.
Cette codification s’effectuera à droit constant, ce qui signifie qu’elle est une recension et réorganisation des textes, sans innovation juridique, comme cela fut le cas lors de la création du code de la sécurité intérieure en 2012.
"Il ne s’agit pas de remettre à plat les grands principes, les acquis des droits de la défense ou encore les évolutions procédurales récentes", a précisé Eric Dupond-Moretti, "mais, au contraire (…), de réécrire les différents articles, de les regrouper, les réorganiser : en somme, de les moderniser". Pour cela, "un comité scientifique de suivi des travaux, composé de professionnels du droit de tous horizons est d’ores et déjà constitué" pour s’acquitter de cette lourde tâche un "défi sans précédent" pour le Garde des Sceaux, et qui "prendra de longs mois d’un travail concerté".
Les cadres d'enquête simplifiés, sans précision
Cette évolution est attendue par les enquêteurs qui sont également concernés par une conséquence de cette codification. En effet, elle "prévoit spécifiquement la simplification des cadres d’enquête tant voulue par les enquêteurs, que nous avons également consultés en concertation étroite avec le Ministre de l’Intérieur", a expliqué le Garde des Sceaux sans rentrer dans le détail de cette réforme.
Les cadres d’enquête existants aujourd’hui sont l’enquête de flagrance, quand une infraction vient de se commettre et qu’elle est punie d’une peine d’emprisonnement, l’enquête préliminaire, pour les crimes ou délits qui ne sont pas flagrants et pour les contraventions et l’ouverture d’une information judiciaire. Dans les deux premiers cadres, les enquêtes sont dirigées par le ministère public, dans le dernier, par un juge d’instruction.
Dans sa contribution aux Etats généraux de la justice, le syndicat minoritaire Unité Magistrats-Force ouvrière proposait de "retirer au ministère public ses pouvoirs d’enquête afin de le recentrer sur sa mission de responsable de la parole publique et de défenseur de la société" et de laisser "l’initiative et la direction de l’enquête (…) à des magistrats du siège, au travers d’un pôle des enquêtes" tout en faisant disparaître "la distinction procédurale entre les enquêtes en flagrance et en préliminaire d’un côté, les informations judiciaires de l’autre, au profit d’un cadre d’enquête uniforme placé sous le contrôle et la direction d’une autorité judiciaire unique".
Témoin assisté, comparution à délai différé et perquisitions nocturnes
Le ministre a par ailleurs annoncé son souhait de prévoit certaines "préconisations issues des Etats généraux". Ainsi, il a annoncé "une réforme du statut du témoin assisté qui bénéficiera désormais de nouveaux droits dont celui d’un droit d’appel étendu" et auquel le juge d’instruction pourra "notifier davantage d’actes". L’objectif est de revaloriser ce statut afin qu’il soit "plus utilisé en pratique".
Par ailleurs, "les procureurs pourront utiliser plus largement la procédure dite de comparution à délai différé". Celle-ci permet de "soumettre le mis en cause à des mesures de surveillance et de contrôle, par le juge des libertés et de la détention, tout en poursuivant l’enquête pendant une durée maximum de 4 mois". Autre mesure attendue par les enquêteurs, la modification du régime des perquisitions pour leur permettre, "sur autorisation du juge des libertés et de la détention, de procéder à des perquisitions de nuit dans des domiciles pour les crimes de droit commun notamment pour permettre la préservation des preuves, éviter un nouveau passage à l’acte et ainsi simplifier le travail des enquêteurs".
Pour renforcer la protection des victimes, "désormais, en cas de remise en liberté suite à une erreur procédurale, le mis en examen pourra être soumis à une assignation à résidence sous surveillance électronique, alors qu’aujourd’hui il ne peut être soumis qu’à une mesure de contrôle judiciaire". Enfin, Enfin, pour simplifier le travail des enquêteurs et d’éviter des saisines du tribunal de police, Eric Dupond-Moretti envisage "de prévoir la possibilité de recourir à des amendes forfaitaires par procès-verbal électronique pour toutes les contraventions, à l’exception de celles qui auront occasionné des préjudices à des victimes".