C'est une technique de plus en plus exploitée par les trafiquants. Ces derniers jours, deux importantes saisies de cocaïne ont eu lieu sur les côtes françaises. Cette fois, la drogue n'était pas dissimulée dans les navires, mais sous les navires. Plus précisément, dans des caissons ou des conduits sous la coque. Pour les trouver, les services des Douanes et de la Gendarmerie maritime ont du faire appel à leurs plongeurs.
Dans la nuit du 9 au 10 février 2023 tout d'abord, les Douanes ont mis la main sur 180 kg de cocaïne, dissimulés sous un bateau battant pavillon du Liberia, et arrivant du Brésil, alors en zone d'attente pour décharger sa cargaison de soja au port de Lorient. L'équipage de la brigade garde-côtes des Douanes de Lorient monte à bord du bateau long de 229 mètres et entament les investigations sur le pont principal. "À 2h30", selon le communiqué des Douanes, une équipe de plongeurs débute une inspection de la coque du navire. Une demi-heure plus tard, l'évaluation des plongeurs met en évidence "une anomalie sur l'une des grilles d'eau de mer". En éclairant le conduit, les plongeurs voient apparaître "plusieurs ballots dissimulés, immergés et conditionnés de façon étanche". Inspectés après avoir été remontés à la surface, ces ballots contiennent une poudre blanche qui, une fois testée par les douaniers, s'avère être de la cocaïne.
À la revente, la valeur de la marchandise saisie est estimée à plus de 15 millions d'euros. La drogue a été confiée à l'antenne de Rennes de l'Office anti-stupéfiant (Ofast) de Rennes, sous bonne garde d'une équipe de policiers du Raid, avant d'être détruite. Tout d'abord placé en retenue douanière, le capitaine du navire a été placé en garde à vue, aux fins de vérifications, avant finalement d’être laissé libre.
Selon l'édition locale d'actu.fr, il s'agirait pour les Douanes de la seconde saisie de ce type en l'espace de quelques mois sur la façade atlantique. En mai 2022, déjà, une importance cargaison de cocaïne avait été retrouvée immergée sous la coque d'un cargo en provenance du Brésil, à La Rochelle. Le navire et ses membres d'équipage chinois avaient fait l'objet d'un contrôle de routine au cours duquel, les douaniers avaient découverts 124 kg de cocaïne, dissimulés dans une cavité par 12 mètres de fond, conditionnés de manière étanche et lestés.
PHOTO: Des cargos en zone d'attente avant d'accoster à Marseille. (Photo d'illustration: Douanes françaises)
L'importance du renseignement
Bien entendu, ce type d'opération n'est pas possible sur l'ensemble des navires approchant les côtes françaises. Il est évidemment inconcevable d'envoyer une équipe de plongeurs inspecter les coques de chaque porte-conteneurs, cargo vraquier ou navire transportant des hydrocarbures, qui s'apprête à s'amarrer dans l'un des ports nationaux. Aussi, c'est souvent sur la base de renseignements qu'interviennent les Douanes. C'était le cas début février puisque c'est la cellule de renseignement et d'orientation des contrôles maritimes du service garde-côtes des douanes de Nantes qui a prévenu ses camarades de Lorient, afin qu'ils mènent l'opération. Et le résultat est là !
Les gendarmes maritimes confirment l'essai
Seulement quelques jours après cette saisie majeur des douaniers, les gendarmes maritimes du groupement de l'Atlantique ont, eux aussi, fait une découverte similaire à Brest. Il s'agissait presque d'une réplique exacte de la drogue retrouvée quelques jours plus tôt à Lorient. Là encore, c'est un navire-vraquier en provenance du Brésil, transportant 15.000 tonnes de soja, qui transportait une cargaison de drogue. Celui-ci battait toutefois pavillon panaméen.
Après avoir accosté dans le port de commerce de Brest, le navire a été contrôlé jeudi 16 février par les gendarmes du peloton de sûreté maritime de l'Atlantique, avec des enquêteurs, des plongeurs et une équipe cynophile. Les militaires étaient appuyés par une équipe du patrouilleur Kermorvan des services garde-côtes des Douanes.
Lors de l'inspection sous-marine effectuée par les plongeurs de la Gendarmerie, des ballots ont été découverts. sous le bateau. À nouveau, la drogue était conditionnée de manière étanche, et dissimulée dans un évidement de la coque du navire. Au total, ce sont 178k g de cocaïne ont été saisis. Dans un communiqué, la Préfecture maritime (Premar) précise qu'une enquête est en cours, sous la direction du Parquet de Brest, confiée à la section de recherches de la gendarmerie maritime et au groupement de gendarmerie maritime de l'Atlantique.
Dans des conditions presque similaires, 9 tonnes de cocaïne avaient été saisies en janvier 2023 par les autorités espagnoles à bord de deux navires togolais qui arrivaient d'Amérique latine. Par ses liens étroits avec cette région du monde, l'Espagne est une des principales portes d'entrée de cette drogue en Europe.
PHOTO: Des militaires de la gendarmerie maritime de Brest récupèrent des ballots de drogue, extraits de la coque d'un cargo en provenance du Brésil. (Photo: Préfecture maritime de l'Atlantique – février 2023)
La cocaïne, une drogue qui se démocratise
Longtemps réservée à des consommateurs des classes aisées – notamment issues du show-business – en raison de son prix élevé, la cocaïne s'est largement démocratisée ces dernières années, avec un tarif devenu plus abordable. Le gramme se négocie aujourd'hui entre 50 et 70 euros. Elle est donc plus accessible, et ses consommateurs, enclins à en prendre plus régulièrement. D'autant que parallèlement, les taux de pureté moyens de cette drogue produite quasi-exclusivement en Amérique du Sud sont passés de 46 % en 2011 à 66 % en 2021. Un facteur augmentant la dépendance et les risques, déjà très importants, tant pour la santé des usagers que celle des autres, à l'image du dramatique accident de la circulation impliquant la responsabilité de Pierre Palmade, qui avait pris le volant après sa consommation de cocaïne. Plus largement, la consommation de cette drogue est une question de santé publique. La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), note d'ailleurs qu'entre 2010 et 2016, le nombre de complications médicales liées à la consommation de cocaïne ont été multipliées par six.
Selon la Mildeca, les autorités françaises ont saisi 26,5 tonnes de cocaïne en 2021, dont 18,6 tonnes rien que pour les services douaniers. Des quantités importantes pour la France au regard de la production mondiale estimée dans le rapport 2022 de l'Office des Nations unies contre les drogues et le crime (UNODC) à 1.982 tonnes en 2020 (doublement entre 2014 et 2020).
Nul doute que les autorités, sous l'impulsion des politiques publiques toujours plus offensives en la matière, continueront à saisir d'importantes quantités de drogues ces prochaines années.
Saisie de 350 grammes de cocaïne par les gendarmes de Corrèze dans un car en route vers l’Espagne