<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> [REPORTAGE] Avec les gendarmes de la Manche, mobilisés face à la « marée blanche » de cocaïne sur le littoral du Cotentin

Photo : Contrôle, surveillance, enquête... les gendarmes de la Manche sont mobilisés en nombre sur le littoral du Nord-Cotentin après l'échouage de plus de deux tonnes de cocaïne. (Photos: L.Picard / L'Essor)

8 mars 2023 | Opérationnel

Temps de lecture : 5 minutes

[REPORTAGE] Avec les gendarmes de la Manche, mobilisés face à la « marée blanche » de cocaïne sur le littoral du Cotentin

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Quelques cambriolages, de l'alcoolémie, des violences, des accidents… Le secteur de la compagnie de gendarmerie départementale de Cherbourg est généralement assez calme, avec une activité classique pour une unité veillant sur un secteur rural. Mais, depuis la fin du mois de février 2023, le quotidien de ces militaires bas-normands est bouleversé. En cause, la découverte […]

Quelques cambriolages, de l'alcoolémie, des violences, des accidents… Le secteur de la compagnie de gendarmerie départementale de Cherbourg est généralement assez calme, avec une activité classique pour une unité veillant sur un secteur rural. Mais, depuis la fin du mois de février 2023, le quotidien de ces militaires bas-normands est bouleversé. En cause, la découverte de près de 2,5 tonnes de cocaïne sur différentes plages du Nord-Cotentin, en l'espace d'une semaine. Un record, même si de précédents échouages ont déjà eu lieu sur le littoral Français, notamment sur la façade atlantique. Depuis, les gendarmes de la Manche sont en état d'alerte et restent mobilisés jour et nuit.

Les gendarmes de la Manche, mobilisés en nombre pour surveiller le littoral du Nord-Cotentin après l'échouage de plus de deux tonnes de cocaïne. (Photo: L.Picard / L'Essor)

Nombreux renforts

Face à ce que certains n'hésitent plus à appeler une "marée blanche", les gendarmes départementaux ne sont pas seuls. En plus des patrouilles des unités locales, des équipes cynophiles, de la brigade nautique ou encore des unités motorisées tout terrain qui sillonnent le littoral, le peloton de surveillance et d'intervention (Psig "sabre") de Cherbourg est sur le pied de guerre. Des réservistes opérationnels viennent renforcer le dispositif de jour comme de nuit. La préfecture de la Manche et la préfecture maritime de la Manche et de la Mer du Nord ont également déployé d'importants moyens pour prêter main forte aux gendarmes locaux. La gendarmerie maritime, dont l'un des trois groupements est justement basé à Cherbourg, a mobilisé ses effectifs sur le secteur, à terre comme en mer.

Un hélicoptère Caïman de la Marine nationale a aussi été engagé à plusieurs reprises pour mener des opérations de surveillance du littoral, mais aussi repérer et identifier d'éventuels objets flottants. Un second hélicoptère, cette fois des forces aériennes de la Gendarmerie, a aussi été engagé, tout comme des gendarmes mobiles et une compagnie de CRS au plus fort de la mobilisation.

(Photo: L.Picard / L'Essor)

Quant aux sacs de drogue découverts, après avoir été transférés sous bonne escorte et veillés 24h/24 par des gendarmes équipés "en lourd", ils ont été détruits. Une opération menée rapidement et sous haute surveillance face aux craintes d'actions de choc de criminels pour récupérer ces quantités importantes de stupéfiants, dont la valeur sur le marché de la revente dépasse les 150 millions d'euros.

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Sur les pistes de la drogue

Chute accidentelle de marchandise depuis un bateau, défaut d'arrimage, largage de preuves accablantes avant un contrôle en mer… les théories sont nombreuses. Les gendarmes chargés de l'enquête cherchent à comprendre et exploitent pour cela toutes les pistes. Mais il semble qu'ils penchent davantage vers celle d'une livraison offshore qui aurait mal tournée. D'autant que certains des sacs étanches retrouvés chargés de drogue, étaient reliés entre eux avec des dispositifs leur permettant de flotter, notamment des gilets de sauvetage. L'accident de transport paraît donc peu crédible. Dans la presse locale, un officier confiait que "en général, ce type de cargaison est découverte dans des conteneurs, dans les grands ports comme celui du Havre" ou ses homologues européens d'Anvers et Rotterdam.

Les gendarmes de la Manche continuent à surveiller le littoral du Nord-Cotentin après l'échouage de plus de deux tonnes de cocaïne. (Photo: L.Picard / L'Essor)

L'enquête, ouverte initialement par le Parquet de Cherbourg, a rapidement été transmise à Rennes, où est implantée la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) qui rayonne sur l'Ouest de la France. Mais face à son ampleur, l'affaire est désormais entre les mains du parquet de Paris, et notamment de la juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (Junalco). Les investigations ont été confiées à trois services co-saisis : la section de recherches (SR) de Caen, celle de la gendarmerie maritime, ainsi que l'Office anti-stupéfiants (Ofast).

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Convoitise et narcotourisme

Outre les arrivages maritimes, d'autres débarquements sont observés dans le secteur. Et ceux-là arrivent par la terre. Que ce soit par curiosité ou pour l'appât du gain, ces mystérieux paquets de cocaïne attirent en effet de nombreuses personnes sur les plages de la Manche… Dès l'annonce des premiers échouages, des groupes de personnes, vraisemblablement venues de région parisienne, mais également de la côte Atlantique, notamment les régions bordelaise et nantaise, ainsi que du sud de la France ont fait leur apparition. La plupart sont jeunes. Bien souvent porteurs de vêtements sombres, ils se promènent sur les plages, le visage généralement dissimulé, à la recherche d'éventuels nouveaux colis échoués.

Depuis l'échouage de sacs remplis de cocaïne sur le littoral du Nord-Cotentin, les gendarmes surveillent de près des groupes d'individus arrivés opportunément à la recherche de nouveaux colis échoués. (Photo: LP/L'Essor)

Contrôlés par les gendarmes, ces touristes intéressés évoquent de simples "balades littorales" pour justifier leur présence. Quant à leur visage souvent dissimulé, ils l'expliquent par leur désir de se "protéger du froid"… Les gendarmes, relativement impuissants face à ce déferlement opportuniste, multiplient les contrôles. Des réquisitions leur permettent de vérifier les identités des personnes contrôlées et de procéder à la fouille des véhicules, notamment l'ouverture des coffres. S'ils ne risquent rien à se "balader" sur les plages, ces individus seraient bien mal avisés de récupérer des marchandises échouées, a averti le procureur de Rennes, Antoine Astruc. "Le narcotourisme est risqué à plus d'un titre", a-t-il prévenu. Ceux qui seraient tentés de récupérer et transporter ces paquets de drogue se mettent dans l'illégalité et encourent une peine délictuelle "passible de dix ans d'emprisonnement", rappelle le magistrat.

(Photo: L.Picard / L'Essor)

Ces va-et-vient, de jour comme de nuit, ne rassurent pas la population locale. Selon Le Figaro, dont l'envoyé spécial a pu interroger des résidents, certains trafiquants de passage n'auraient pas hésité à aller à la rencontre des habitants pour les intimider ou leur proposer de l'argent s'ils venaient à retrouver d'autres paquets. Conséquence: les gendarmes reçoivent de nombreux appels de la part d'habitants signalant de possibles paquets échoués ou bien la présence de rôdeurs. Des habitants qui constituent ainsi de précieux alliés pour les autorités. Ce sont d'ailleurs les appels de témoins qui ont permis les principales découvertes. Un nouvel exemple de la coproduction de sécurité encouragée par la Gendarmerie.

LP

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