L’une des plus grandes énigmes criminelles françaises n’est pas encore résolue mais la justice pense enfin progresser: 32 ans après la mort du petit Grégory, deux membres de la famille Villemin ont été déférés vendredi matin au parquet général de Dijon.
Arrivés à la cour d’appel vers 8 h, les deux septuagénaires, Marcel Jacob, oncle maternel de Jean-Marie Villemin (le père de l’enfant assassiné), 71 ans, et sa femme Jacqueline, 72 ans, avaient été placés en garde à vue mercredi.
Un spectaculaire rebondissement dans cette affaire, trois décennies après la découverte du corps du petit Grégory, pieds et poings liés, dans la Vologne, le 16 octobre 1984.
Une belle-sœur du père, Ginette Villemin, placée en garde à vue en même temps qu’eux, a été remise en liberté jeudi en fin d’après-midi.
De source proche du dossier, Jacqueline Jacob est restée mutique durant sa garde à vue et Marcel Jacob s’est contenté d’affirmer qu’il ne se rappelait rien, face aux gendarmes qui tentent de percer le mystère de la mort du petit garçon.
Marcel Jacob et Michel Villemin, frère de Jean-Marie et défunt époux de Ginette, étaient très liés à Bernard Laroche, premier suspect de l’affaire, libéré puis tué en 1985 par Jean-Marie Villemin, son cousin.
C’est donc le “clan Laroche” qui se retrouve de nouveau au centre de l’enquête, relancée par l’analyse graphologique des lettres de menaces et autres courriers anonymes qui foisonnent dans le dossier, à défaut d’analyses ADN probantes.
“Je ne suis pas venu aujourd’hui vous dire que l’affaire était résolue” et “je ne sais pas qui est l’auteur” du crime, a admis jeudi Jean-Jacques Bosc, procureur général de Dijon. A ce stade, “les investigations montrent que plusieurs personnes ont concouru à la réalisation du crime“, a-t-il ajouté.
De nouvelles expertises d’une lettre de menaces, manuscrite et anonyme, adressée en 1983 au père de Grégory, orientent les soupçons sur Jacqueline Jacob. Selon une source proche du dossier, des documents écrits par la grand-tante de Grégory “ont été retrouvés en perquisition” à des fins de comparaison.
“Vengeance”
Les enquêteurs s’étaient aussi penchés à de nombreuses reprises, dans le passé, sur un mystérieux “corbeau” ayant revendiqué le meurtre de l’enfant, en invoquant une “vengeance” dans une lettre postée apparemment avant la découverte du corps, en 1984.
Si les expertises n’ont pas permis d’en identifier l’auteur, “on peut cependant observer une similitude importante des termes” utilisés dans ce document avec la lettre de 1983, a relevé le procureur général.
Marcel Jacob a déjà été soupçonné, durant la procédure, d’avoir endossé le rôle du “corbeau“, d’autant que l’incertitude planait sur son emploi du temps au moment du meurtre, mais il n’avait jamais été inquiété jusque-là.
La grand-mère, Monique Villemin, entendue mercredi comme témoin à son domicile dans les Vosges, serait quant à elle l’auteur d’une lettre de menaces datant de 1989, adressée au juge Maurice Simon, alors chargé de l’instruction et décédé depuis.
“Jean-Marie Villemin a été médusé d’entendre le nom de sa propre mère“, a rapporté l’avocate du couple Villemin, Marie-Christine Chastant-Morand, jeudi sur BFMTV, ajoutant que c’était un élément “douloureux” pour lui.
“Ce rebondissement hier nous laisse espérer” que l’affaire avance, a-t-elle ajouté, appelant toutefois à “être prudent“.
“Anacrim, un regard neuf sur la procédure”
Ces développements relancent une des affaires les plus énigmatiques de l’histoire criminelle mais “sur le fond, il n’y a pas d’éléments nouveaux“, souligne-t-on de source proche de l’enquête.
Le logiciel d’analyse criminelle Anacrim, conçu et utilisé par la gendarmerie, a cependant permis d’avoir “un regard neuf sur la procédure” en reconstituant la chronologie avant et après le crime et en pointant des incohérences.
L’affaire n’en est pas à son premier rebondissement: en juillet 1985, le juge Jean-Michel Lambert opérait un spectaculaire revirement, portant ses soupçons vers la mère de Grégory, Christine Villemin, finalement innocentée en 1993 au terme d’un non-lieu retentissant.
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