Pour les 85 ans de la Bataille de Stonne, les gendarmes rendent hommage à leurs aînés

Photo : Un détachement de gendarmes du GBGM est venu rendre hommage à ses aînés du 45e Bataillon de chars de combat de la Gendarmerie, ayant combattu avec bravoure lors de la Bataille de Stonne, en mai 1940. (Photo: L.Picard/L'Essor)

24 mai 2025 | Vie des personnels

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Pour les 85 ans de la Bataille de Stonne, les gendarmes rendent hommage à leurs aînés

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Gendarmes et militaires de l'armée de Terre étaient réunis dans les Ardennes, dimanche 18 mai 2025, pour commémorer les 85 ans de la Bataille de Stonne. (Reportage)

De vieux uniformes kakis de l’armée française, les cuirs robustes des militaires des unités blindées, quelques engins ressuscités et parfaitement briqués… et même un officier général des années 40′ qui déambule dans les rues de Stonne. Le petit village des Ardennes, situé entre Sedan et Vouziers, aurait-il fait un bond dans le temps et un retour vers ses heures à la fois les plus sombres et les plus glorieuses ? Pas tout à fait.

85 ans après, la commune où vivent une quarantaine de personnes à l’année, accueillait les 17 et 18 mai 2025, les commémorations de la Bataille de Stonne, connue comme l’un des affrontements les plus rudes de la campagne de France, lors de l’invasion allemande du printemps 1940.

De nombreux reconstituteurs, avec armes et tenues d'époque, ont participé au weekend d'hommage aux héros de la Bataille de Stonne, pour son 85e anniversaire, les 17 et 18 mai 2025. (Photo: L.Picard/L'Essor)

De nombreux reconstituteurs, avec armes et tenues d’époque, ont participé au weekend d’hommage aux héros de la Bataille de Stonne, pour son 85e anniversaire, les 17 et 18 mai 2025. (Photo: L.Picard/L’Essor)

Outre les précieux reconstituteurs qui font vivre la mémoire, ainsi que les curieux venus en nombre, d’autres uniformes, tout à fait contemporains, eux, étaient visibles dans les rues du village. Ainsi, une centaine de militaires de la Gendarmerie et de l’armée de Terre étaient présents. Après une célébration dans l’église du village et une cérémonie patriotique des porte-drapeaux, la place centrale du village s’est vidée pour laisser place à une cérémonie militaire qui n’avait rien à envier à celles organisées dans les grandes agglomérations.

L’hommage des gendarmes à ceux de Stonne

Trois détachements se sont répartis autour de la place, face au monument aux Morts de la commune. Un premier détachement du 51e régiment d’infanterie et un autre du Groupement blindé de gendarmerie mobile (GBGM) de Satory. Chacun était venu avec un blindé de nouvelle génération. Des élèves-officiers de la promotion « Ceux de Stonne » de l’Académie militaire de la Gendarmerie nationale (AMGN) de Melun étaient également présents. Pour accompagner les séquences de la cérémonie, la Musique de la gendarmerie mobile rehaussait le tout par l’harmonie et le rythme de ses instruments.

Un détachement de gendarmes du GBGM et d'élèves-officiers de la promotion "Ceux de Stonne" ont participé aux 85e anniversaire de la Bataille de Stonne, le 18 mai 2025. (Photo: L.Picard/L'Essor)

Un détachement de gendarmes du GBGM et d’élèves-officiers de la promotion « Ceux de Stonne » ont participé aux 85e anniversaire de la Bataille de Stonne, le 18 mai 2025. (Photo: L.Picard/L’Essor)

Face à eux, les autorités civiles et administratives locales, et quatre officiers généraux, dont trois de la Gendarmerie : le général de corps d’armée Olivier Kim, commandant la région de gendarmerie Grand Est, et la Gendarmerie pour la Zone de défense et de sécurité (ZDS) Est, le général de corps d’armée Pierre Casaubieilh, commandant la région de gendarmerie d’Ile-de-France et la Gendarmerie pour la ZDS de Paris, le général de brigade Christophe Daniel, à la tête du GBGM.

Tous ont rendu un hommage appuyés aux combattants de Stonne dont les unités présentes portent aujourd’hui l’héritage. À commencer par celui du 45e Bataillon de chars de combat de la Gendarmerie (45e BCC).

« En rappelant les combats de Stonne, nous ne célébrons pas une simple bataille, explique le général Kim. Nous affirmons notre lien à ceux qui nous ont précédés, et nous rappelons que, nous aussi, nous sommes comptables de l’histoire que nous écrivons, en temps de paix comme en temps de guerre. »

Le général de corps d'armée Olivier Kim, commandant la région de gendarmerie Grand Est, lors de la cérémonie commémorative des 85 ans de la Bataille de Stonne, le 18 mai 2025. (Photo: L.Picard/L'Essor)

(Photo: L.Picard/L’Essor)

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La création du 45e BCC-G

L’histoire du développement de la composante blindée de la Gendarmerie remonte aux années 1930. Elle est aussi étroitement liée à celle de la subdivision d’arme qu’est la gendarmerie mobile.

Quelques années plutôt, en 1921, une première force spécialisée de gendarmerie est créée. Il s’agit des « pelotons mobiles« , rattachés à la Garde républicaine mobile (GRM). Puis, en 1933, la création d’une unité particulièrement protégée est décidée. Le Groupe spécial autonome (GSA) voit le jour. Doté de chars Renault FT17 et d’automitrailleuses Panhard, il est implanté près de Paris à Versailles – Satory. Son objectif est de renforcer le dispositif de maintien de l’ordre de la Gendarmerie. Peu de temps après sa création, le GSA est rebaptisé « Groupe spécial blindé (GSB) de garde républicaine mobile ».

Au fil des années, la menace du retour de la guerre se profile en Europe. En octobre 1939, alors que 3.500 gendarmes de la GRM sont mobilisés pour protéger les frontières Est de la France, la Gendarmerie – qui est alors encore une sous-direction du ministère de la Guerre / des Armées et ne souhaite pas être cantonnée à une mission prévôtale – se voit dotée d’une unité de combat. Plus précisément, un bataillon blindé: le 45e Bataillon de chars de combat de la Gendarmerie (BCC-G).

Des passionnés font vivre la mémoire du 45e bataillon de chars de combat (BCC) de la Gendarmerie en tenue d'époque devant le nouveau VIPG Centaure. (Photo: L.Picard/L'Essor)

Des passionnés font vivre la mémoire du 45e bataillon de chars de combat (BCC) de la Gendarmerie en tenue d’époque devant le nouveau VIPG Centaure. (Photo: L.Picard/L’Essor)

Une unité de combat pour la Gendarmerie

Équipé de chars Hotchkiss H29, il est constitué pour moitié par des gendarmes, notamment issus du groupe spécial de Satory, mais aussi par des gendarmes départementaux et des gardes républicains volontaires. Il regroupe alors dix-neuf officiers et 266 sous-officiers de gendarmerie. Des militaires de l’armée de Terre composent l’autre partie du bataillon. Ils proviennent principalement du 505e Régiment de chars de combat (RCC) de Vannes (créée en 1918 et dissoute en 1939 au profit de la création du 45e BCC). Dans le détail: deux officiers et six sous-officiers d’infanterie, ainsi que 269 caporaux et chasseurs.

Le bataillon ainsi formé compte 566 hommes. Un officier de gendarmerie, le capitaine Martial Bézanger, rapidement promu chef d’escadron, s’en voit confié le commandement. Outre son engagement lors de la campagne de France, cet officier restera dans les mémoires de l’Arme. Une vingtaine d’années plus tard, ce saint-cyrien terminera en effet sa carrière au grade de général de division, en tant qu’inspecteur général de la Gendarmerie.

Les gendarmes dans le « Verdun de 1940 »

Face à l’offensive allemande, le bataillon reçoit l’ordre de se déployer en mai 1940. Pendant plus d’un mois, intégré au sein de la 3e division cuirassée, il va remplir diverses missions et livrer bataille face à un ennemi supérieur en nombre et en moyens. Pourtant, le 45e BCC s’illustre dans les combats. Notamment dans les Ardennes. Certains quartiers du plateau de Versailles-Satory, où est toujours installé le GBGM aujourd’hui, portent d’ailleurs les noms de ces communes et villages.

Parmi eux, Stonne, un petit village de quelques dizaines d’âmes au sud de Sedan. Son implantation sur une ligne de crête fait de lui un point hautement stratégique. Il surplombe en effet le secteur et permet de voir les avancées de l’adversaire. Aux côtés de l’infanterie, le 45e BCC mène d’intenses combats à Stonne et les villages alentours de Sy et Tannay, notamment face à la 10e Panzerdivision, du 15 au 19 mai 1940. Preuve de sa valeur, les belligérants reprennent six fois le village en l’espace de quatre jours. Il changera ainsi dix-sept fois de mains entre mai et juin 1940.

Par l’ampleur des combats et des pertes, cette bataille – qui aura permis de freiner voire stopper un temps l’invasion allemande – est souvent considérée comme « le Verdun de 1940 ». Une référence à l’historique Bataille de Verdun, au cours de la Première Guerre mondiale. Et ce, bien que les pertes humaines ne soient heureusement pas comparables.

Devant un public attentif, les reconstituteurs ont rejoué un affrontement entre soldats français et allemands, à l'occasion du 85e anniversaire de la Bataille de Stonne, les 17 et 18 mai 2025. (Photo: L.Picard/L'Essor)

Devant un public attentif, les reconstituteurs ont rejoué un affrontement entre soldats français et allemands, à l’occasion du 85e anniversaire de la Bataille de Stonne, les 17 et 18 mai 2025. (Photo: L.Picard/L’Essor)

Du groupe spécial au GBGM

En juin 1940, l’unité se voit donc dissoute. De fait, en un peu plus d’un mois d’engagements multiples, le 45e BCC de la Gendarmerie va perdre la quasi-totalité de ses chars. Surtout, il déplore trente tués, quatre disparus et 59 blessés.

Après la Libération, en novembre 1944, et avant même la fin de la Guerre, la Gendarmerie remet en place une unité blindée à Satory. Cette unité donnera ensuite naissance au « premier groupe blindé » dans les années 1950, d’abord rattaché à une légion de garde républicaine, puis autonome. Et c’est finalement en septembre 1954 que le « groupe blindé de garde républicaine » prend l’appellation de « 1er groupement blindé de la gendarmerie mobile ». Avant d’être rebaptisé en 1991 plus simplement « Groupement blindé de la gendarmerie mobile » (GBGM), marquant ainsi sa spécificité. Le GBGM s’inscrit donc pleinement dans l’héritage du Groupe spécial autonome créé en 1933 et du 45e BCC-G.

Un détachement de gendarmes du GBGM est venu rendre hommage à ses aînés du 45e Bataillon de chars de combat de la Gendarmerie, ayant combattu avec bravoure lors de la Bataille de Stonne, en mai 1940. (Photo: L.Picard/L'Essor)

(Photo: L.Picard/L’Essor)

L’héroïsme de Stonne comme héritage

Depuis 2023, la Gendarmerie a retenu la date du 15 mai pour célébrer ses unités blindées. Une date symbolique qui fait écho à la création du GSA, le 15 mai 1933, puis, quelques années plus tard, au début de la Bataille de Stonne, le 15 mai 1940.

En juillet 1946, le général Buisson, commandant de la 3e division cuirassée, a d’ailleurs souligné les « actes d’héroïsme » du 45e BCC de la Gendarmerie. Il avait alors décrit ses hommes comme ne connaissant « qu’une consigne : obéir, se battre jusqu’au dernier, ne jamais se replier sans ordre, tenir, les dents serrées, à un contre dix et mourir en soldat, la tête haute ». Un hommage rappelé mots pour mots dimanche 18 mai 2025 par le général Olivier Kim, lors de la commémoration des 85 ans de la Bataille de Stonne.

Héritier du 45e Bataillon de chars de combat de la Gendarmerie, le GBGM conserve le fanion du 45e BCC. (Photo: L.Picard/L'Essor)

Héritier du 45e Bataillon de chars de combat de la Gendarmerie, le GBGM conserve le fanion du 45e BCC. (Photo: L.Picard/L’Essor)

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Un Centaure baptisé au nom de Stonne

Au cours de cette cérémonie militaire, organisée sur la place du petit village, deux véhicules blindés ont d’ailleurs été baptisés du nom de « Stonne 1940 ». Le premier, est un blindé Serval, appartenant au 51e régiment d’infanterie de l’armée de Terre, renommé depuis 2021 « Centre d’appui et de préparation au combat interarmes (Capcia)« . Le second, est un Centaure, l’appellation des nouveaux véhicules d’intervention polyvalents de la Gendarmerie (VIPG). Il appartient au GBGM de Satory.

Les élèves-officiers du détachement de l'AMGN, prend la pose devant les blindés nouvelle génération Serval et Centaure du 51e RI et du GBGM, lors des commémorations du 85e anniversaire de la Bataille de Stonne, le 18 mai 2025. (Photo: L.Picard/L'Essor)

Les élèves-officiers du détachement de l’AMGN, prend la pose devant les blindés nouvelle génération Serval et Centaure du 51e RI et du GBGM, lors des commémorations du 85e anniversaire de la Bataille de Stonne, le 18 mai 2025. (Photo: L.Picard/L’Essor)

Ce sont ainsi les deux unités héritières des héroïques combattants de Stonne qui disposent d’un blindé au nom de cette bataille. Les invités et la population ont d’ailleurs pu découvrir les deux véhicules imposants et modernes, présentés à l’issue de la cérémonie.

« La pratique de baptiser les blindés est une tradition dans les armées », explique à L’Essor le général Christophe Daniel. Des aéronefs et navires l’ont d’ailleurs également adopté. « Cette pratique contribue à la cohésion de l’équipage et à l’identification des véhicules. Et au-delà de ça, le nom de baptême crée une forme de continuité historique et d’hommage à ceux qui se sont sacrifiés. »

De gauche à droite, les généraux Christophe Daniel (GBGM), Pierre Casaubieilh (RG IDF) et Olivier Kim (RG Grand Est), lors du baptême d'un VIPG Centaure "Stonne 1940". (Photo: L.Picard/L'Essor)

De gauche à droite, les généraux Christophe Daniel (GBGM), Pierre Casaubieilh (RG IDF) et Olivier Kim (RG Grand Est), lors du baptême d’un VIPG Centaure « Stonne 1940 ». (Photo: L.Picard/L’Essor)

Des Centaure pour le défilé du 14-Juillet

Autre détail à souligner, le Centaure baptisé à cette occasion défilera avec dix autres du GBGM lors du traditionnel défilé militaire du 14-Juillet. Une première pour ce nouveau véhicule blindé dont l’Arme a fait l’acquisition de 90 exemplaires entre 2022 et 2024. Le général Daniel, sera à la tête du détachement.

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