Outre les 200 nouvelles brigades de gendarmerie, le recrutement de 8.500 gendarmes et policiers, et la création annoncée de 11 unités de force mobile, une autre mesure importante proposée dans la Loi de programmation du ministère de l’Intérieur (Lopmi) va peut-être venir chambouler le travail quotidien des gendarmes et des policiers. Le ministère de l’Intérieur indique en effet son souhait que ces derniers soient “tous formés à la qualification d’officier de police judiciaire” (OPJ).
Parmi les mesures clés proposées dans la nouvelle version de la Loi de programmation du ministère de l’Intérieur (Lopmi 2), présentée mercredi 7 septembre 2022 lors du Conseil des ministres, l’univers de police judiciaire n’est pas en reste. Souffrant de carences et d’une forme de désamour de la part des forces de l’ordre ces dernières années, il semblait important que des évolutions interviennent en la matière. L’une d’entre-elle consiste, pour le ministère, à former davantage d’officiers de police judiciaire afin d’en accroître le nombre sur le terrain, tout en simplifiant la procédure pénale.
Former les nouveaux gendarmes et policiers
“Former tous les policiers et gendarmes à la qualification d’OPJ” est une petite révolution ! Mais dans les faits, cela ne devrait concerner qu'en grande partie, les nouveaux gendarmes et policiers.
Alors qu’il n’était proposé qu’à partir de trois années de service, cet apprentissage devrait désormais être intégré à la formation initiale en école. Formation dont la Lopmi indique d’ailleurs vouloir doubler la durée, en "augmentant de 50% le temps de formation initiale et continue”. Elle serait ainsi de 12 mois en école, tant pour les sous-officiers de gendarmerie que pour les gardiens de la paix de la Police nationale. Additionnée à une période de stage après l'école, elle passerait ainsi à 24 mois.
Dans le détail, la Lopmi prévoit ainsi que les nouvelles conditions pour obtenir cette habilitation d’OPJ, seront d’avoir effectué 30 mois de service, depuis l'intégration en école, et non plus 36 mois après la sortie de formation initiale comme c'était le cas. C’est donc, au bas mot, près d’un an de gagné pour les policiers et gendarmes. À noter toutefois, la condition complémentaire d’avoir effectué six mois de service en tant qu’agent de police judiciaire (APJ).
Un effort attendu notamment chez les policiers
La Gendarmerie pourra évidemment profiter de cet aménagement pour continuer à former davantage d’officiers de police judiciaire. Mais l’effort devrait toutefois porter en premier lieu sur les policiers nationaux, dont le nombre d’OPJ frôle actuellement les 17.000. L’objectif serait ainsi d’atteindre les 22.000 policiers OPJ, quand la Gendarmerie en comptait en 2021 près de 25.000. Rien qu'en 2023, le ministère de l'Intérieur espère pouvoir disposer de 2.800 OPJ supplémentaires, contre 1.200 formés en 2021.
Cette formation renouvelée s’accompagne de mesures incitatives, à commencer par une revalorisation –d’ores et déjà entérinée– de 20% de la prime annuelle versée aux OPJ. Dès la fin de l’année 2022, celle-ci sera toutefois réservée aux gendarmes et policiers exerçant réellement des missions d’OPJ.
Les réservistes anciens de l’Arme vont pouvoir conserver leur qualité d’officier de police judicaire
Vers une modification de l’évolution de carrière
Aujourd'hui, la qualité d’OPJ est aussi déterminante pour la continuité de carrière des gendarmes. De fait, au-delà des compétences opérationnelles et judiciaires, la qualification d'OPJ est devenue quasiment indispensable pour monter en grade. Une mesure qui concerne essentiellement les gendarmes départementaux, puisqu’en mobile, c’est principalement le diplôme d’Arme qui est requis pour prétendre devenir gradé. La formation d’OPJ sera néanmoins ouverte aux différentes subdivisions d’Arme.
Quoi qu’il en soit, cette anticipation de l’acquisition de la qualification d’OPJ pourrait changer la donne et permettre d’accéder plus tôt au grade de maréchal des logis-chef. Une véritable “accélération de carrière” comme l’indique le rapport annexe de la Lopmi.
Des "assistants d’enquête" pour épauler les gendarmes et les policiers
Autre grande nouveauté: la création de postes d’“assistants d'enquête”, pour épauler les OPJ et les APJ au quotidien, en les déchargeant d’une partie des tâches administratives liées aux investigations. Jusqu’à 50% du temps consacré à la procédure pourraient ainsi être absorbé par ces assistants selon la Lopmi.
L’objectif, indique le ministère de l’Intérieur, est de créer sur une période de 10 ans, 3.273 postes d’assistants d’enquête pour la Gendarmerie et 4.387 pour la Police. Ces assistants seront recrutés parmi les militaires du corps de soutien technique et administratif de la Gendarmerie (CSTAGN), ainsi que parmi les agents publics de catégorie B, personnels administratifs de la Police et de la Gendarmerie. Ils recevront une formation certifiante et seront habilités devant l’autorité judiciaire.
Toutes ces évolutions sont maintenant suspendues à l'examen, au vote, voire à l'amendement du projet de loi au Parlement.
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