Blessé lors d’un exercice, David Barnabé a pris la courageuse décision de se faire amputer d’une jambe pour renaître et démarrer une nouvelle vie dans la Gendarmerie.
Son handicap, il ne le cache pas. Bien au contraire, "j’en suis fier !" dit-il avec d’une voix claire et maîtrisée. David Barnabé est comme ça : un homme entier, sans aucune demi-mesure. Avec parfois un humour qui interpelle. "Je vous préviens, je suis un chat noir". C’est vrai, à entendre son parcours, on devine, sans exagérer, que la malchance a contrarié son destin. Gendarme à l’EGM 22/1 de Melun, il est grièvement blessé en novembre 2006 quand il prend un coup de masse sur la jambe gauche "lors d’une manifestation de pompiers". Tibia fissuré, suivi de plusieurs mois d’arrêt.
Une volonté de fer
Un an plus tard : nouvelle grave blessure. Toujours en novembre. Toujours la jambe gauche. Déjà cette impression d’avoir la guigne. Lors d’un exercice de nuit de maintien de l’ordre à Saint-Astier, sa cheville reste coincée dans un trou. "Elle fait un 180°. Deux des collègues qui viennent me secourir tombent dans les pommes. Sur le coup, je me dis que c’est encore le tibia". Mais le verdict relève plutôt de multiples fractures de la cheville. "Quand je suis arrivé à l’hôpital de Périgueux, le premier chirurgien souhaitait m’amputer la jambe. Mais le second a réussi à la sauver après une opération de 7 heures. Quand je me suis réveillé, on m’a dit que si je remarchais un jour, ce serait un miracle".
La douleur fait partie de son quotidien
C’est sans compter sur la volonté de fer de David Barnabé qui fera mieux que remarcher. Son métier, c’est aussi sa passion. Alors pas question de ne plus voir les collègues, de ne plus leur servir de "gilet pare-balle". "J’ai du mal à me taire. J’ai toujours envie de défendre les autres". Car le Franc-Comtois de naissance est aussi conseiller concertation de la Gendarmerie et s’implique dans le dispositif de dialogue interne de l'Institution. Une rééducation et quinze mois plus tard, le revoilà sur pied : direction la Guyane avec son escadron. "Un grand moment pour tout le monde, notamment les collègues qui m’avaient vu à terre un an plus tôt".
Mais sa joie est de courte durée. Debout et en service, sa jambe n’en reste pas moins fragile. Au point de nécessiter une encore une opération fin 2013. Six mois plus tard, nouveau passage sur le billard pour tenter une arthrodèse de cheville. A partir de 2015, la douleur fait partie de son quotidien. Pire même, il souffre de plus en plus le martyr.
"Le regard de la Gendarmerie sur ses blessés a évolué"
En 2016, c’est l’intervention de la dernière chance. Nouvel échec. David Barnabé est finalement placé en congé longue maladie. Se sentir inutile, "c’est la pire des choses". Surtout, cette inactivité fait clairement ressentir le sort réservé aux blessés. Avec cette sensation d’être frappé par la double peine. "On était mis de côté. Moi, par exemple, je l’ai mal vécu de ne pas être complément reconnu durant mon arrêt. En tant que militaire, quand on se blesse en exercice, on perd 30 % de la solde et certains d’avantages liés au statut. C’est cher payé pour un exercice !" Depuis, David Barnabé fait de la reconnaissance des blessés son combat, aux côtés notamment du général Philippe Correoso "qui a su m’écouter et fait beaucoup pour les blessés. Aujourd’hui, grâce à des hommes comme lui, le regard de la Gendarmerie sur ses blessés a évolué".
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Décision de se faire amputer
Parallèlement, David Barnabé continue d’être promené de médecins en médecins. Mais personne ne parvient à soulager sa souffrance. "Deux ans de douleurs atroces" où il est impossible de se projeter et de se focaliser sur autre chose que sa souffrance, au point de craindre "de commettre le pire". Pour vivre, David Barnabé a besoin d’avancer. Il prend alors, en décembre 2018, la courageuse décision de se faire amputer de la jambe gauche. "On ne me l’a pas imposée, c’est ma décision. Et ça change tout !". C’est un nouveau départ. Une autre vite qui démarre. Amputé de la jambe gauche en janvier 2019, il part en rééducation à Valenton, dans le Val-de-Marne. Un an plus tard, il est invité par la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) lors de la journée nationale des Phénix, consacrée à la renaissance par le sport. "Lors de mon discours, j’étais debout et en tenue. J’ai alors regardé tout le monde pour leur dire que j’allais un jour reprendre du service". Et pas à un poste adapté (administratif).
Instructeur à l’école de Fontainebleau
Car David Barnabé, avec sa prothèse, recourt déjà depuis quelques mois, grâce en partie au processus "ad victoriam" de reconstruction par le sport. Dans un premier temps, il envisage d’aider les blessés mais la Gendarmerie le freine "pour éviter que je fasse un transfert sur ma blessure". C’est finalement en école de Gendarmerie, à Fontainebleau en tant qu’instructeur que la Direction générale accepte qu’il rebondit enfin début 2021. En novembre prochain, il prendra le grade d’adjudant. "Je n’oublierai jamais le jour où on m’a autorisé à reprendre, sans aucune restriction malgré une jambe en moins. L’accueil à l’école de Fontainebleau où j’enseigne a été exceptionnel. Quel exemple pour les jeunes de l’école que de leur montrer que tout est possible, qu’il ne faut jamais renoncer !". Parrain du prochain cross de la Gendarmerie à Montluçon au mois d’avril, il a pris la décision de courir avec les valides. Aussi, David Barnabé s’est lancé un autre défi : courir le prochain semi-marathon de Toulouse dans quelques mois. Comme une nouvelle lame de course est nécessaire sur sa prothèse pour avaler les 21,1 km de distance, ses collègues et amis ont organisé une collecte sur Leetchi pour lui en faire cadeau. David Barnabé fait l’unanimité. Et chez les gendarmes, la solidarité n’a pas de limite.
F.S.