“Casseurs” selon le parquet, militants jugés pour leurs idées selon la défense : après un procès sous tension, la justice rendra le 11 octobre à 10 heures sa décision dans l’affaire de la voiture de police incendiée quai de Valmy.
Répliquant au procureur qui a parlé d’une “horde” de “casseurs“, et requis huit ans de prison contre l’un des neuf prévenus, un Suisse absent au procès, les avocats de la défense ont insisté vendredi puis mercredi devant le tribunal correctionnel de Paris sur la dimension politique de ce fait divers.
Après l’attaque au cours de laquelle deux policiers ont été légèrement blessés, le 18 mai 2016, le Premier ministre d’alors, Manuel Valls, avait réclamé des sanctions “implacables“. L’agression s’était produite quai de Valmy, en plein Paris, en marge d’une manifestation inédite à l’appel de syndicats de police contre la “haine anti-flics“.
Cette initiative avait été ressentie comme une “provocation” par plusieurs des prévenus, en pleine mobilisation de la rue contre la loi travail. C’est ainsi qu’ils avaient pris part à une contre-manifestation en réplique à la mobilisation des policiers.
Six prévenus sont poursuivis pour “violences aggravées“, et risquent jusqu’à dix ans de prison. Les neuf sont par ailleurs jugés pour participation à un “groupement formé en vue de commettre des actions violentes“, délit controversé passible d’un an de prison, voté par la droite en 2009.
“La responsabilité collective, c’est quelque chose qu’on ne peut pas accepter dans un Etat de droit“, a critiqué Me Raphaël Kempf. Les avocats ont pilonné un témoignage anonyme crucial pour l’enquête, émanant d’un policier des renseignements. “Est-il sain dans un système démocratique, quand des policiers sont victimes, que des policiers enquêtent et que des policiers témoignent ?“, a demandé Me Antoine Comte.
La défense a insisté sur le ressentiment des prévenus, aux casiers judiciaires le plus souvent vierges, contre les violences policières. Certains ont dit à la barre s’être “radicalisés” après avoir été “nassés” ou “gazés” pendant des manifestations.
“On ne compte plus les manifestants tout à fait ordinaires et pacifiques qui en sont devenus enragés“, a dit l’économiste Frédéric Lordon, l’un des fondateurs de Nuit Debout, mercredi lors d’une conférence de presse du collectif de soutien “Libérons-les“.
Me Arié Alimi, plaidant la relaxe du prévenu le plus scruté du procès, Antonin Bernanos, s’est livré à une contre-enquête méthodique. Pour lui, rien ne prouve que l’étudiant de 23 ans, militant antifasciste dans le viseur des services de renseignement depuis plusieurs années, était l’un des agresseurs masqués.
“Comment en arrive-t-on à contaminer nos enceintes judiciaires avec de la politique ? A vouloir accuser un opposant politique ?” a demandé l’avocat.
Le parquet a requis contre l’arrière-petit-fils de l’écrivain Georges Bernanos, qui a toujours nié toute violence, quatre ans de prison ferme sur la base d’un “faisceau” d’indices, allant de la couleur d’un caleçon à des cernes sous les yeux. “Est-ce le procès des idées ?“, a demandé Me Antoine Vey.
Son client, informaticien quadragénaire, s’est excusé pour avoir frappé avec une tige métallique un fonctionnaire, surnommé depuis le “policier kung fu” pour son sang-froid et son habileté à parer les coups. “Je ne suis pas l’avocat de la cause. Mais quand ils crient +Liberté! Liberté!+ j’ai envie de me mettre avec eux“, a-t-il dit.
Ce cri a accompagné mercredi la sortie des prévenus de la salle d’audience – à l’exception de deux, qui sont en détention provisoire. Depuis le début du procès il y a une semaine, leurs partisans se sont massés chaque jour par dizaines à l’extérieur de la salle, dans une ambiance parfois houleuse, invectivant les journalistes ou clamant : “Tout le monde déteste la justice!”
La mouvance d’extrême-gauche a revendiqué un incendie dans une caserne de gendarmerie à Grenoble la semaine dernière en “solidarité avec les personnes qui passent en procès ces jours-ci“.
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