Le contenu d’une énième expertise rendue dans le cadre de l’enquête sur la mort d’Adama Traoré en 2016 vient d’être dévoilée par le quotidien Libération. Rendue le 22 août 2022, elle confirme que le jeune homme était bien dans une hypoxémie (diminution de la quantité d'oxygène transportée dans le sang) "bien installée, entretenue", en raison d’un "coup de chaleur à l'exercice (qui) évoluait depuis bien avant (son) interpellation".
Quatre experts belges avaient conclu en janvier 2021 que la mort de ce jeune homme noir, le 19 juillet 2016, dans la caserne de gendarmerie de Persan (Val-d'Oise), avait été causée, en ce jour de canicule, par un "coup de chaleur" qui n'aurait toutefois "probablement" pas été mortel sans son interpellation par les gendarmes, qui avaient menotté le jeune homme alors qu'il se débattait allongé sur le ventre. Ils n'ont pas été mis en examen dans l'information judiciaire au long cours.
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L'hypothèse du coup de chaleur à nouveau confirmée
Le nouveau complément d’expertise a été rédigé par trois des experts initiaux, ainsi qu’un quatrième après leur sollicitation, en juin 2021, suite au versement au dossier de nouveaux témoignages et d'éléments médicaux.
"Les nouvelles auditions et les documents médicaux établis par la médecine du travail ne modifient pas les conclusions du rapport d'expertise collégiale précédent", écrivent-ils.
Parmi ces nouvelles auditions, un témoin direct, qui connaissait Adama Traoré depuis l'enfance et l'avait aidé à s'échapper après sa première interpellation, dans la journée du 19 juillet 2016. Selon lui, "Adama était essoufflé. (…) Je n'ai pas l'habitude de le voir essoufflé, mais c'est vrai que là, quand je suis intervenu, j'ai été un peu surpris de le voir fatigué". "C'est comme si son corps ne réagissait pas. (…) Pour moi, il était dans un état qui n'est pas habituel, il ne parlait pas", a raconté ce témoin.
Pour les quatre experts belges, ce témoignage "renforce l'hypothèse avancée par le collège précédent selon laquelle l'hypoxémie provoquée par le coup de chaleur à l'exercice évoluait depuis bien avant l'interpellation de M. Adama Traoré". "Au moment de la seconde interpellation, l'hypoxémie était donc bien installée, entretenue" notamment par la sarcoïdose – une pathologie rare – dont souffrait Adama Traoré, d'après eux. Ces éléments "renforcent même (leur) conviction quant aux mécanismes physiopathologiques ayant mené au décès", ajoutent-ils.
Ces nouvelles conclusions confirment l’innocence des gendarmes, estime leur avocat. "Il n'y a pas de responsabilité directe des gendarmes car la cause principale du décès, c'est le coup de chaleur à l'exercice entretenu par la sarcoïdose", a ainsi commenté Me Rodolphe Bosselut, avocat de deux des trois gendarmes.
Sans surprise, le son de cloche a été différent pour Me Yassine Bouzrou, avocat de la famille du défunt, "sans l'interpellation violente des gendarmes, Adama Traoré ne serait pas mort. Autrement dit les gendarmes ont causé (sa) mort. La mise en examen et le renvoi devant une juridiction s'imposent en droit."
(Avec l'AFP)