Le major Anthony Garcia, chef du peloton de sécurité et d'intervention de la gendarmerie (Psig) de Carcassonne déroule son récit d'une voix posée devant la cour d'assises spéciale de Paris. Ce 23 mars 2018 en fin de matinée, il quitte en urgence, avec une partie de ses hommes, une formation sur la procédure à suivre en cas de tuerie de masse, qui se tient à quelques km de Trèbes. Le plan Charlie Tango (CT pour Contre Terrorisme)vient d'être lancé pour le Super U de Trèbes où Radouane Lakdim a tué le boucher et un client d'une balle dans la tête à bout touchant avant de s'enfermer avec Julie, caissière comme otage dans la pièce des coffres. Le lieutenant-colonel Beltrame le rejoint dans la magasin et prend la direction des opérations. Les gendarmes s'approchent de la "zone rouge" où le terroriste pointe un vieux pistolet Ruby de 7,65 mm sur la tête de Julie. "Restez derrière moi, vous n'êtes ni protégé ni équipé pour progresser vers la "zone rouge", demande instamment le major Garcia à son supérieur. Puis Arnaud Beltrame dépasse le sous-officier, impose à Radouane Lakdim de relâcher Julie et de prendre sa place. L'officier remet au terroriste eon arme de service, un pistolet Sig Sauer de 9 mm avec un chargeur. Trois heures de huis clos entre Arnaud Beltrame et Radouane Lakdim commencent.
Le colonel Sébastien Gay, commandant du groupement de la gendarmerie de l'Aude au moment des faits et actuellement sous-directeur de l'anticipation opérationnelle à la DGGN, prend alors la direction des opérations. Le terroriste est fixé et ne peut plus poursuivre son périple sanglant commencé cinq heures auparavant à Carcassonne avec un premier meurtre. " Le plan de réaction de la gendarmerie a parfaitement fonctionné jusqu'à présent", relève le colonel Gay. Puis l'antenne GIGN de Toulouse est obligée de lancer l'assaut à la demande d'Arnaud Beltrame qui hurle "Assaut, assaut", avant d'être mortellement blessé par Radouane Lakdim de plusieurs coups de poignard. "Cette isssue fatale nous a rappelé durement que la mort d'un camarade n'empêchait pas de faire notre mission." , commente, le colonel Gay, la gorge nouée.
Après ces deux témoignages, la cour d'assises spéciale revient sur le cas de Baghdad Haddaoui d'un des sept accusés qui ne s'était pas présenté lundi à l'ouverture du procès. Le président de la cour Laurent Raviot avait décidé d'aller le faire chercher manu militari à son domicile à Saint-Etienne pour l'amener devant la cour d'assises spéciale ou l'accusé est arrivé mardi en fin de matinée. Mais Baghdad Haddaoui refuse de réponde aux questions du président et se tient, les bras croisés campé derrière la vitre du box. Il mime avec deux doigts sur la bouche le silence. Son avocat plaide que son client "a une place anecdotique dans ce dossier. Il en a juste marre, et je le comprends". Le tribunal délivre un mandat de dépôt et le trentenaire, mis en examen pour "non dénonciation de crime d'atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, ira à la Santé jusqu'à la fin du procès.
Pierre-Marie GIRAUD