<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> L’affaire des paillotes corses, un enfer pavé de bonnes intentions

Photo : Hommage à Norbert Ambrosse, mort en service en 2007 (Photo : M.Guyot/L'Essor).

14 mars 2022 | Société

Temps de lecture : 3 minutes

L’affaire des paillotes corses, un enfer pavé de bonnes intentions

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Au petit matin du 20 avril 1999, des gendarmes ratissent la plage de Cala d’Orzu, sur la côte ouest de la Corse, au sud d’Ajaccio. Ils fouillent les alentours d’un bâtiment brûlé dans la nuit : la paillote Chez Francis, un restaurant de plage construit illégalement, qui appartient à Yves Féraud. Justement, les enquêteurs trouvent […]

Au petit matin du 20 avril 1999, des gendarmes ratissent la plage de Cala d’Orzu, sur la côte ouest de la Corse, au sud d’Ajaccio. Ils fouillent les alentours d’un bâtiment brûlé dans la nuit : la paillote Chez Francis, un restaurant de plage construit illégalement, qui appartient à Yves Féraud. Justement, les enquêteurs trouvent des tracts, "Féraud, balance des flics", qui semblent ouvrir la piste d’un règlement de comptes entre indépendantistes.

Des jerrycans, une cagoule, un poignard…

Mais l’affaire va prendre une tournure radicalement différente lorsque, sur la même plage, ils découvrent divers objets : des jerrycans d’essence mal dissimulés, et, surtout, une cagoule, un poignard et une radio branchée sur une fréquence réservée à une unité de Gendarmerie, le Groupe de pelotons de sécurité (GPS). L’incendie criminel est en train de devenir une affaire d’Etat. A l’époque, la Corse est encore sous le choc de l’assassinat du préfet Claude Erignac, tué par trois balles dans la tête, le 6 février 1998 en pleine rue, à Ajaccio.

L’arme du crime, un pistolet automatique 9 mm, est laissée sur place en guise de signature. Elle avait été dérobée cinq mois avant l’assassinat par un commando qui avait attaqué la gendarmerie de Pietrosella, fait exploser les locaux et pris en otage deux gendarmes, avant de les relâcher dans le maquis.

Pour succéder à Claude Erignac, un préfet à poigne, Bernard Bonnet, est envoyé en Corse. Le nouveau représentant de l’Etat en Corse veut des résultats, et la pression qu’il met sur le commandant de légion, le colonel Henri Mazères, se répercute sur les gendarmes.

Début juin 1998, le Groupe des pelotons de sécurité est créé sur le modèle des Groupes de pelotons mobiles (GPM) des départements et territoires d’outre-mer. 95 gendarmes y sont affectés avec, à leur tête, le capitaine Norbert Ambrosse.

L'opération vire au fiasco

L’action du préfet Bonnet se veut ferme. Il souhaite notamment agir sur les paillotes illégalement installées sur les plages de l’île. Face à des manifestations, il doit renoncer, début avril, à des destructions organisées sur décision judiciaire. A la fin du mois, cinq gendarmes viendront, de nuit et sous son ordre, mettre le feu à la paillote Chez Francis.

Menée par quatre officiers – dont le commandant d’unité – et un sous-officier du GPS, l’opération est un fiasco. Le capitaine Norbert Ambrosse est brûlé, et la fine équipe abandonne sur place le matériel précité, signant sa présence sur les lieux. On peine à comprendre un tel ratage venant d’officiers formés à des techniques commando et qui avaient mené à bien des interventions légales bien plus délicates.

Le colonel Mazères tentera bien de prétendre que le GPS était en mission d’observation lorsque la paillote a été incendiée sous ses yeux, mais l’argument ne résistera pas longtemps à l’enquête menée par l’inspection technique de la Gendarmerie.

Trois ans de prison pour le préfet Bonnet

Le préfet Bonnet écopera de trois ans de prison, dont un an ferme ; son directeur de cabinet et le colonel Mazères de trente mois d’emprisonnement, dont six ferme ; et les cinq gendarmes de peines allant de dix-huit mois de prison avec sursis à deux ans, dont dix-huit mois avec sursis pour le capitaine Ambrosse.

Mauvaises méthodes, procédure douteuse : comment l’affaire Grégory a déraillé

Pour le général (2S) de Gendarmerie et avocat Jacques-Charles Fombonne, le rôle de la justice dans cette affaire est "vertueux", tout en constituant un sévère "retour de bâton". Lui qui a assuré la défense des membres du GPS devant le conseil d’enquête estime qu’ils n’ont "pas vu plus loin que l’incendie". Dans la frénésie du rétablissement de l’état de droit, galvanisés parle préfet et le commandant de légion, ils n’ont pas su dire "non".

Mais lorsque la ligne rouge est franchie, "à un moment donné, cela devient l’affaire du procureur. Dans ce cas, il ne s’agit plus de s’expliquer entre soit, dans le bureau du directeur", conclut Jacques-Charles Fombonne.

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