Les ombres et les non-dits du procès des attentats de Trèbes et de Carcassonne

Photo : Entrée de la salle d'audience de la cour d'assises spéciale de Paris où s'est déroulée le procès des attentats de Trèbes et de Carcassonne du 22 janvier au 23 février ,2024 (photo PMG/L'ESSOR)

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Les ombres et les non-dits du procès des attentats de Trèbes et de Carcassonne

par | Procès des attentats de Trèbes et Carcassonne, Société

Condamnations moins fortes que celles demandées et quatre acquittements : la cour d'assises spéciale de Paris a prononcé vendredi 23 février 2024 des peines allant jusqu'à quatre ans d'emprisonnement à l'encontre des sept accusés, six hommes et une femme, âgés de 24 à 35 ans, Quatre des cinq accusés, jugés pour "association de malfaiteurs terroriste […]

Condamnations moins fortes que celles demandées et quatre acquittements : la cour d'assises spéciale de Paris a prononcé vendredi 23 février 2024 des peines allant jusqu'à quatre ans d'emprisonnement à l'encontre des sept accusés, six hommes et une femme, âgés de 24 à 35 ans,

Quatre des cinq accusés, jugés pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle", ont été acquittés pour cette infraction, et seulement condamnés pour des délits connexes.

Seule Marine Pequignot, la petite amie radicalisée de Radouane Lakdim qui avait tué quatre personnes ce 23 mars 2018, dont le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, avant d'être neutralisé par des gendarmes du GIGN, a été reconnue coupable de cette infraction.

Tout au long des vingt-cinq jours du procès le président Laurent Raviot a montré fermeté envers les accusés, délicatesse envers les victimes et esprit pédagogique.

Pas de réponses sur l’assaut

L’audience a permis de mieux comprendre le déroulement des attentats. Mais elle n’a pas apporté d’éclaircissements sur les minutes qui ont précédé la mort d'Arnaud Beltrame. On peut regretter que le chef de mission ou le commandant de l’antenne GIGN de Toulouse, intervenue lors de l’assaut, n’aient pas été entendus par la cour. Elle avait pourtant interrogé le major commandant le Psig de Carcassonne, présent lors de l’échange entre Julie, l’otage, et Arnaud Beltrame.

De même, les magistrats et les avocats de la défense et des parties civiles avaient questionné le colonel commandant le groupement de l’Aude au moment des faits. Ils ont pu également entendre le chef de la cellule nationale de négociation du GIGN central de Satory. Le président Raviot avait par ailleurs fait diffuser les seize minutes d’enregistrement audio du dialogue entre le négociateur du GIGN central et Lakdim, avant le dénouement.

Mais cela n’a pas répondu à toutes les questions autour de l’attitude héroïque d’Arnaud Beltrame. La décision personnelle de l’officier de remplacer l’otage Julie, a très probablement sauvé la vie de la jeune femme. Mais ce geste n'a cessé de faire débat au sein de l’Arme, en raison de son incompatibilité avec le protocole d’intervention. Par la suite, Arnaud Beltrame avait dû remettre au terroriste son pistolet Sig Sauer contenant quinze cartouches, et demander aux gendarmes du Psig de quitter la zone près de laquelle était retranché Lakdim.
On apprendra plus tard que le terroriste avait tiré au moins seize balles, avec son vieux pistolet Ruby, tuant trois personnes et en blessant grièvement deux autres. Du coup, cet homme, qui détestait tous ceux qui portent un uniforme retenait un officier supérieur, donc un otage à forte valeur ajoutée, disposait d’une arme récente approvisionnée et du téléphone portable de l’officier pour communiquer avec le négociateur.

On ne saura pas non plus pourquoi près de huit interminables minutes se sont égrenées avant l’entrée de quatre gendarmes de l’AGIGN dans la salle des coffres où Lakdim était retranché . Huit minutes trente, exactement, entre les mots « Attaque, assaut, assaut » hurlés par l’officier, les bruits de lutte, de cris, de coups de feu et de râles, jusqu’à l’assaut des gendarmes. Est-ce en raison de la mauvaise qualité de la communication retransmise par le portable, qui ne permettait pas de décrypter la situation, et/ou d’un ordre, trop tardif de donner l’assaut ? A l’irruption des gendarmes dans la pièce, Lakdim, bloqué au sol par Arnaud Beltrame très grièvement blessé, se relève en vociférant « Allahou Akbar » et s’effondre, touché par quatre balles dans la tête et une dans l’épaule. Lors de l’assaut, un sous-officier de l’AGIGN de Toulouse a été touché à la jambe par le ricochet d’une balle vraisemblablement tirée par un gendarme.

Pas de caméra

Tout en criant « Attaque, assaut, assaut », Arnaud Beltrame a très probablement – il n’y avait pas de caméra dans le local pour le confirmer – tenté de maîtriser le terroriste tout en saisissant son arme. Des résidus de tir découverts sur son corps valident l’hypothèse. Les tirs qui ont touché Arnaud Beltrame au bras et à la main gauches et au pied droit n’étaient pas mortels. Beltrame a succombé à seize coups de couteau portés à la gorge. Très vraisemblablement, il a eu le temps de blesser Lakdim d’une balle dans la clavicule.

Il s’en est donc fallu de quelques minutes, d’autant que les trois hélicos venant de Satory avec une vingtaine de gendarmes du GIGN se sont posés quelques instants après l’assaut.

Les sept accusés ont semblé un peu dépassés tout au long des journées d’audience. Aucun n’était jugé pour « complicité », car l’enquête avait montré que Lakdim avait agi seul. Ils ont bien eu des liens intimes, amicaux ou communautaires avec Radouane Lakdim au sein de leur cité. Certains ont commis des délits (trafics de drogue). Mais la plupart n’avaient pas le profil de djihadistes confirmés. Pour autant, a insisté une avocate générale, il « y a eu dans ce box des gens qui ont su et pas dénoncé, des gens qui ont soutenu et pas dénoncé ».

Une seule certitude : la peine des familles des victimes et le poids des traumatismes des employés du Super U resteront présents encore de longues années.

Pierre-Marie GIRAUD

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