Le procès des complices de l’assassin du colonel Beltrame s’ouvre lundi à Paris

Photo : Portrait d'Arnaud Beltrame, alors chef d'escadron en Normandie. (dessin de ZZIGG pour L'Essor)

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Le procès des complices de l’assassin du colonel Beltrame s’ouvre lundi à Paris

par | Procès des attentats de Trèbes et Carcassonne, Société

Le sacrifice de cet officier de Gendarmerie, qui avait pris la place d'une otage en mars 2018 à Trèbes, avant d'être mortellement blessé par un terroriste, avait suscité une immense vague d'émotion. Cinq ans plus tard, sept personnes sont jugées, accusées de complicité avec Radouane Lakdim, tué lors de l'assaut. Elles seront dans le box […]

Le sacrifice de cet officier de Gendarmerie, qui avait pris la place d'une otage en mars 2018 à Trèbes, avant d'être mortellement blessé par un terroriste, avait suscité une immense vague d'émotion. Cinq ans plus tard, sept personnes sont jugées, accusées de complicité avec Radouane Lakdim, tué lors de l'assaut. Elles seront dans le box de la cour d'assises spéciale de Paris jusqu'au 23 février 2024 pour l'assassinat du colonel Beltrame et de trois autres hommes. Cinq sont mis en examen pour "association de malfaiteurs terroriste". Deux comparaissent détenus. 

Une centaine des parties civiles seront présentes ou représentées par leurs avocats, dont l’épouse, la mère et les deux frères d’Arnaud Beltrame. Les cinq magistrats professionnels, composant la cour spéciale qui statue sur les crimes commis en matière de terrorisme, vont juger six hommes et une femme, âgés de 23 à 34 ans. Les sept prévenus, dont la plupart vivaient dans le même quartier que Radouane Lakdim, sont soupçonnés de l’avoir aidé, à des titres divers, dans la préparation et l’exécution de son périple sanglant.

Retour sur cinq heures sanglantes

Le 23 mars 2018, en moins de cinq heures, il avait tué quatre hommes et blessé grièvement deux autres dans trois endroits différents à Carcassonne et à Trèbes. Cette série de meurtres, revendiqués moins de deux heures plus tard par l’organisation terroriste Etat islamique, constitue le plus grave attentat islamique commis en Occitanie depuis ceux de Mohammed Merah qui ont fait sept morts en mars 2012 à Toulouse et à Montauban.

Le matin du drame, Radouane Lakdim, un petit voyou de 25 ans, condamné pour port d’armes et trafic de stupéfiants, radicalisé et fiché S, quitte la cité Ozanam, quartier sensible de Carcassonne, après avoir accompagné sa petite soeur à l’école. Armé d’un vieux pistolet semi-automatique Ruby de calibre 7,65 mm, il tire sur deux hommes à l’intérieur d’une Opel, garée sur un parking à la sortie est de Carcassonne. Atteints à la tête, Jean-Michel Mazières, 61 ans, succombe et Jose Renato Gomes de Sousa e Silva, 26 ans, est grièvement blessé. Lakdim s’empare de leur véhicule, retourne à Carcassonne et, à 10h33, tire à six reprises en direction de quatre CRS qui font leur footing près de leur caserne. Le policier Frédéric Poirot est grièvement blessé d’une balle au thorax.

"Soldat de l'Etat islamique"

Quelques minutes plus tard, Lakdim arrive au supermarché Super U de Trèbes, à 8 km à l’est de la ville. Il entre dans le magasin, tue d’une balle dans la tête, Christian Medves, 50 ans, chef boucher puis Hervé Sosna, retraité, 65 ans. Il se déplace dans les rayons en invectivant les clients et le personnel puis prend en otage Julie, 39 ans à l’époque, hôtesse de caisse. Il s’enferme avec elle dans un local servant de bureau et de salle des coffres près la zone d’accueil. Au téléphone avec les gendarmes, il se revendique comme "un soldat de l’Etat islamique", agissant "en représailles contre la France qui a bombardé la Syrie, l’Irak et le Mali" et demandant "à Allah de faire de lui un martyr". Il exige également la libération de Salam Abdeslam, dernier survivant des principaux auteurs des attentats du 13 novembre 2015 à Paris.

Il porte toujours son pistolet et un poignard et il a disposé dans la magasin quatre engins explosifs de sa fabrication. Il pointe son pistolet sur le tête de Julie alors que les gendarmes s’approchent de la pièce. Le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, 44 ans, numéro 3 du groupement de l’Aude, commande l’opération et tente de négocier avec Radouane Lakdim. Il lui propose de prendre la place de Julie. A 11h45, c’est chose faite.

Quelques secondes auparavant, l’officier lui a remis son arme de service, un pistolet Sig Sauer de calibre 9 mm. Pendant près de deux heures, Arnaud Beltrame essaye de convaincre Radouane Lakdim de se rendre puis tente de le maitriser. Il est égorgé par le terroriste et décédera la nuit suivante à l’hôpital. Il est 14h30. Neuf gendarmes de l’antenne GIGN de Toulouse donnent l’assaut. Ils tuent Radouane Lakdim de cinq balles dans la tête.

Le sacrifice d’Arnaud Beltrame va provoquer en quelques heures une immense vague d’émotion en France. Il est promu colonel à "titre exceptionnel" et directement commandeur de la Légion d’honneur sans passer par les grades de chevalier et d’officier, une première pour un militaire. Le 28 mars, le président Emmanuel Macron préside la cérémonie funèbre aux Invalides. La 124ème promotion de l’Ecole des officiers de la Gendarmerie nationale de Melun est baptisée "Colonel Beltrame". En janvier 2024, plus de 450 rues, places, ronds-points, établissements scolaires et bâtiments municipaux portent le nom d’Arnaud Beltrame.

La famille du colonel Beltrame – sa mère Nicolle et ses deux frères Damien et Cédric – s’est constituée partie civile. Nicolle Beltrame entend être présente lors de la première journée du procès à Paris, a -t-elle confié à L'Essor. Ils ont pour avocat Me Thibault de Montbrial, colonel dans la réserve opérationnelle, spécialiste de la Gendarmerie et défenseur des policiers, des gendarmes ou des militaires. Marielle Beltrame, la veuve de l’officier, également partie civile, est représentée par Me Mathieu Monfort, avocat à Montpellier.

Le cadre rigide de la prise en charge des victimes d’attentat

Me Henri de Beauregard est l’avocat de Julie. Deux semaines avant l’ouverture du procès, l'ex-otage a publié "Sa vie pour la mienne" (éditions Artège) dans laquelle elle raconte sa prise d’otage, le 23 mars 2018. Quelques heures après le décès de l’officier, elle s’incline devant sa dépouille : "Je lui dis que j’essaierai de me montrer digne de la vie qu’il a protégée en risquant la sienne". Aujourd'hui, elle s’interroge sur la complexité et la lourdeur de la prise en charge des victimes (physiques ou psychologiques) d’attentats. "C’est un cadre rigide où il faut entrer dans des cases ou en sortir définitivement".

Pierre-Marie GIRAUD 

Le timbre hommage à Arnaud Beltrame en lice pour l’élection du plus beau timbre 2023

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