Guillaume XXX, 35 ans, sera donc obligé pendant deux ans de se soumettre à une obligation de "soins psychologiques" en lien avec son "addiction à l'alcool", a détaillé la présidente du Tribunal correctionnel de Nantes. Il aura aussi interdiction de recontacter et de se présenter chez son ex-compagne, qu'il avait rencontrée il y a trois ans ans lors d'une garde à vue pour détention de cannabis – ce qui lui avait déjà valu à l'époque une première sanction disciplinaire de dix jours.
Le gendarme devra également accomplir un stage de sensibilisation aux violences conjugales et sera inéligible cinq ans. Surtout, sa peine a été inscrite sur le volet du casier judiciaire accessible aux employeurs, ce qui signifie qu'il va selon toute vraisemblance perdre son emploi dans la Gendarmerie nationale.
Sur le plan civil, il devra verser 2.000 euros de dommages et intérêts et 700 euros de frais de justice à Alexandra XXX, son ex-compagne. Il est également redevable de 1.500 euros de dommages et intérêts et 400 euros de frais de justice à son ancien commandant de brigade, ainsi que 300 euros de dommages et intérêts et 400 euros de frais de justice au mari de ce dernier, dont il avait aussi brièvement usurpé l'identité. Le jugement a été frappé d'exécution provisoire, ce qui signifie qu'il s'applique dès à présent, même si Guillaume XXX en faisait appel.
"En trois clics, vous avez un numéro qui est tout autre que le vôtre"
L'affaire avait démarré par la plainte du commandant de brigade de La Chapelle-sur-Erdre, J. M., le 1er février 2022. Il avait découvert avoir été victime de cette usurpation d'identité à la faveur d'une discussion avec une collègue lors de vacances aux sports d'hiver. Le prévenu – qui était son subalterne mais aussi un "ami" – se faisait en fait passer pour lui auprès de son ex-compagne pour relayer des messages alarmants et l'inciter à se remettre en couple avec lui.
Pour cela, le prévenu avait téléchargé une application sur son smartphone. "En trois clics, vous avez un numéro qui est tout autre que celui qui est le vôtre", a-t-il expliqué ce mercredi lors de son procès devant le tribunal correctionnel de Nantes.
Cette usurpation d'identité, qui avait duré plusieurs semaines entre le 10 et le 25 décembre 2021, aurait pu avoir des conséquences disciplinaires pour le capitaine. Cela laissait à penser qu'il aurait "passé sous silence" une affaire de violences conjugales "au nom de l'amitié", a souligné la présidente du tribunal correctionnel de Nantes. "Je n'ai jamais voulu nuire à J. Mon seul objectif, c'était de faire culpabiliser Alexandra et de lui faire prendre pitié", s'est excusé le prévenu.
Après "n'y avoir vu que du feu" selon son avocate, la jeune femme avait finalement bloqué le numéro du prétendu commandant de brigade. Son étrange "insistance" avait commencé à la faire "douter" sur une possible "mise en scène" de son ex-compagnon. "S'il se fout en l'air, tu seras la seule responsable", lui avait-il par exemple écrit.
"Un problème avec l'alcool"
Cette gérante d'un salon de coiffure était donc venue porter plainte, le 10 février 2022, auprès de la gendarmerie de Rezé (Loire-Atlantique), au sud de l'agglomération nantaise. Elle avait expliqué avoir remarqué la consommation d'alcool de son compagnon six mois après le début de leur rencontre. "C'est quelqu'un qui est malheureux et qui veut rester malheureux", avait-elle résumé.
L'intéressé – qui est "plein de remords et de regrets" – a reconnu à l'audience avoir "un problème avec l'alcool" depuis la séparation avec sa précédente compagne en 2014. Celle-ci, une gendarme, l'avait présenté comme un homme "jaloux et impulsif" . Il l'avait déjà harcelée après leur rupture et avait aussi "menacé de mettre fin à ses jours". "Capable de mentir sur tout et n'importe quoi", il lui avait aussi certifié avoir été "victime d'abus sexuels dans son enfance", ce qui s'était avéré faux.
"C'est intolérable qu'un gendarme ait ce type de comportements. Il doit être sanctionné par l'Institution", avait-elle donc dit à ses collègues de la Brigade de recherches (BR) de Rezé. "Des dossiers comme celui-ci, j'en ai traité des dizaines", a reconnu le prévenu, également officier de police judiciaire. "J'ai creusé ma propre tombe tout seul, comme un grand."
Le commandant d'une brigade déjà fragilisée a dû "partir à la va-vite"
Son usurpation d'identité a eu d'importantes répercussions sur la vie de la brigade de La Chapelle-sur-Erdre, dont le commandant a dû "partir à la va-vite", après le dépôt de sa plainte contre son subalterne, sans même pouvoir s'expliquer auprès de ses hommes. La Gendarmerie avait en effet "interdit de parler de l'affaire" en interne, a expliqué son avocate.
Transféré dans un premier temps à la gendarmerie de Nantes, le capitaine J. M. a fait ensuite un saut de puce à Angers (Maine-et-Loire). "J'y ait perdu financièrement. Je ne touche plus de primes : de n°1, je suis passé à n°3", a-t-il rappelé.
Cette affaire a aussi "amplifié [sa] baisse de moral". De fait, il commençait tout juste à "reprendre du poil de la bête" après avoir fait un burn-out. Il avait en effet été placé en arrêt-maladie suite à l'agression au couteau d'une policière municipale de La Chapelle-sur-Erdre par un forcené en mai 2021, qui avait ensuite pris en otage une femme et ouvert le feu sur les gendarmes de la brigade, avant d'être neutralisé par les militaires dont deux avait été blessés.
"Moi aussi j'ai eu une séparation compliquée, mais je n'ai pas harcelé pour autant mon ex-femme qui m'a quittée, car je connais les lois", a surtout souligné le capitaine Jérôme Mestepes. "Il y a une chose que j'exècre plus que tout, ce sont les atteintes à la déontologie. Dans cette affaire j'ai été trahi, et c'est cette trahison que j'ai du du mal à accepter."
Il ne sera plus gendarme
Depuis cette affaire, son subalterne Guillaume XXX a été affecté à des tâches administratives à la gendarmerie de Nantes. Il a par ailleurs été interdit de port d'arme. Il est "suivi par un psychologue de la Gendarmerie et un hypnothérapeute".
La procureure de la République avait requis trois mois de prison avec sursis probatoire à son encontre. La demande de dispense d'inscription de la peine à son casier judiciaire lui semblait par ailleurs "un peu prématurée".
"Si vous inscrivez cette peine à son casier, c'est fini, il ne sera plus gendarme. À Nantes, il faut deux ans pour faire aboutir une telle requête", avait pourtant mis en garde l'avocat du prévenu, Me Antoine Barrière. Mais le tribunal correctionnel de Nantes est finalement allé au-delà des réquisitions du parquet en inscrivant la peine à son casier judiciaire. Guillaume XXX a dix jours pour faire appel.
Rédaction de L'Essor, avec GF/PressPaper