Le 27 mars 1984 peu avant midi, le général de division de Gendarmerie Guy Delfosse, 58 ans, pénètre dans l’agence BNP située à l’angle des rues Sainte-Hélène et Victor-Hugo, en plein centre de Lyon, près de la place Bellecour. Il vient de son bureau à quelques pas de là. Il est en uniforme – avec ses trois étoiles sur le képi – mais ne porte pas d’arme. Il s’assied pour attendre son tour. Deux hommes armés, l’un d’un pistolet, l’autre d’un revolver, entrent dans la banque et lui intiment l’ordre de ne pas bouger.
Le général Delfosse se lève et dit: "Je n’ai pas l’habitude qu’on me tutoie. Cessez de faire les plaisantins", racontera Le Monde, le lendemain. Il tente de maîtriser l’un des deux hommes. Il est tué de cinq balles, dont la dernière, comme un coup de grâce, dans la tête. Les deux malfaiteurs raflent 25.000 francs – l’équivalent de 8.000 euros – avant de prendre la fuite. Ils ignorent alors qu’ils viennent de tuer un grand soldat.
Enfant de troupe et officier parachutiste
Né le 25 novembre 1925 à Douai, enfant de troupe, passé par l’Ecole militaire interarmes (Emia), Guy Delfosse sert brillamment comme officier parachutiste à partir de 1947 : Tonkin, Algérie, Corée avec le Bataillon français. Cité six fois, il sera fait chevalier de la Légion d’honneur pour "titres exceptionnels de guerre". En 1955, capitaine dans l’armée de Terre, il intègre l’Ecole des officiers de la Gendarmerie nationale (EOGN). Il va dès lors mener une carrière classique d’officier de Gendarmerie marquée par les commandements : escadron de gendarmerie mobile, compagnie de Douai, sa ville natale, groupement de Vendée, puis la région de Rennes avec le grade de général de brigade. Promu général de division en 1983, il est nommé commandant de la 5e légion de Gendarmerie à Lyon.
La branche lyonnaise d'Action directe
Quelques mois plus tard, ses assassins seront identifiés. Il s’agit tout d'abord d’André Olivier, 40 ans à l’époque des faits, cofondateur d’Action directe (AD), puis de l’Affiche rouge, la branche lyonnaise d’AD. Arrêté deux ans plus tard à Lyon et condamné, en juin 1989, à la réclusion criminelle à perpétuité, il purge toujours sa peine. Son complice Max Frérot, artificier de la branche lyonnaise d’AD, âgé à l’époque de 30 ans, est condamné à la même peine, puis libéré il y a une dizaine d'années. Les deux hommes n'ont jamais exprimé le moindre regret.
Entre mai 1982 et octobre 1985, l’Affiche Rouge aura perpétré vingt-sept attentats à l’explosif à Lyon et à Paris, visant des sièges sociaux de grandes entreprises, des journaux, des partis politiques et des bâtiments officiels. Ce groupe d’une vingtaine d’hommes et de femmes a financé ses activités par de nombreux hold-up. Il a tué deux policiers, un convoyeur de fonds et le général Delfosse.
Cité à l'ordre de la Nation
Le 29 mars 1984, le général Delfosse est cité à l’ordre de la Nation et élevé à la dignité de grand officier de la Légion d’honneur. Son nom a été donné à la caserne du groupement du Rhône et au square en face du bâtiment, à un jardin à Rennes, à deux amphithéâtres, l'un à l’EOGN et l'autre et à la DGGN. La 89e promotion de l’EOGN (1984-1985) porte le nom «Général Delfosse».
Pierre-Marie GIRAUD