Fusionner la Police et la Gendarmerie ? Si, en France, la question revient de loin en loin dans le débat public, la Belgique s’est essayée à l’expérience et l’a menée à son terme.
Retour à la veille des années 1990. Jusqu’ici, le Plat Pays disposait de trois forces de sécurité : des polices municipales aux compétences locales et placées sous l’autorité du bourgmestre ; une gendarmerie à compétence nationale ; et la police judiciaire des parquets, spécialisée dans les missions de police judiciaire pour le compte du ministère de la Justice.
"La Gendarmerie belge ne bénéficiait pas d’un capital confiance très important"
Dans cette Belgique minée par un conflit linguistique qui remonte à sa création en 1830, "la Gendarmerie était une cible toute désignée, car elle était la dernière institution qui incarnait l’unité du pays", explique le politologue et sociologue François Dieu, spécialiste de la Gendarmerie. Par ailleurs, "contrairement à la Gendarmerie française, la Gendarmerie belge ne bénéficiait pas d’un capital confiance très important", ajoute le chercheur.
Les jours de cette force de sécurité militaire, éloignée de la population et rugueuse dans ses opérations de maintien de l’ordre, étaient donc comptés. En 1991, la gestion de la Gendarmerie est transférée du ministère de la Défense à celui de l’Intérieur. Et les gendarmes perdent leur statut militaire. Il faudra attendre sept ans d’un régime transitoire pour que les forces soient réorganisées et que la Gendarmerie belge soit dissoute. La loi du 7 décembre 1998 crée un système de "police intégrée", avec un niveau local résultant de la fusion des polices communales et des brigades de Gendarmerie, et un niveau fédéral regroupant les brigades de police judiciaire des parquets et les brigades de recherche de la Gendarmerie.
Gendarmerie et Police, les duettistes de la sécurité
Durant la période de transition, un cabinet a audité les cadres des différentes forces. Ceux qui ont été identifiés comme susceptibles de porter le mouvement ont été placés aux postes à responsabilités, ce qui a permis une réforme sans heurts. Au final, pourtant, le bilan n’est pas fameux, estime François Dieu. "Les collègues universitaires et les rapports parlementaires sont assez critiques de cette réforme, au coût prohibitif même s’il n’a pas vraiment été évalué. Par ailleurs, le transfert a été la source de difficultés, comme l’éclatement des zones de police et leur diversité, ainsi que le lien entre les polices locale et fédérale."