L’officier de réserve Alexandre Rodde, chercheur spécialisé sur les problématiques terroristes, vient de rédiger une note instructive pour le centre de recherche de l’école des officiers de la Gendarmerie. Après une année 2022 marquée par “la fin progressive de la pandémie”, l’auteur du livre "Le jihad en France – 2012-2022", souligne un “calme relatif de la menace terroriste”, mais appelle à la vigilance sur “plusieurs tendances de fond”. Tour d’horizon.
Mouvance djihadiste
Après une année 2021 marquée par quatre attaques terroristes d’inspiration djihadiste en France, seules deux ont été déplorées en 2022. Pour l’auteur, cette diminution “intervient lors d’une période de transition”, à savoir un passage de génération “entre djihadistes sortants et candidats au djihad”. Concrètement, 250 individus condamnés pour association de malfaiteurs terroriste ont été libérés depuis janvier 2020, dont 80 environ en 2022. “Ces individus, profitant des contacts et réseaux qu’ils ont pu constituer lors de leur détention, présentent un risque terroriste croissant”, remarque Alexandre Rodde.
Et d’évoquer deux projets récents d’attaques par des “sortants”, en décembre 2021 et en novembre 2022. “Si ces projets se sont révélés peu complexes, avertit l’auteur, le format actuel de djihad d’atmosphère, par des individus peu formés préférant des modes d’actions simples, pourrait donc évoluer, notamment du fait de l’afflux d’armes à feu sur le sol français”.
L’affaire Radouane Lakdim, l’assassin d’Arnaud Beltrame
Ultra-gauche: un durcissement rhétorique
Selon Alexandre Rodde, ”la cible principale de l’ultra-gauche française reste les infrastructures liées aux télécommunications (antennes relais et armoires de fibre optique) qui représentent 30 % des actions revendiquées”. Ces actions de sabotages se sont traduites par un total de 160 incendies volontaires en 2022. Mais l’auteur souligne également le regain d’activité de la tendance écologique radicale, citant la manifestation dan les Deux-Sèvres contre un projet de bassines de rétention d’eau et l’intrusion dans une cimenterie Lafarge dans les Bouches-du-Rhône.
Plus généralement, l’officier de réserve note que le département de la Haute-Garonne est le plus touché par des actions violentes revendiquées par l’ultra-gauche, deux autres départements du Sud-est, l’Isère et la Savoie, voient “une nette augmentation de l’activité des militants, tandis que les actions en Île-de-France, dans la Drôme et en Loire-Atlantique sont en recul. Soit peut être le résultat d’une “plus grande discrétion des militants”. “
Le durcissement rhétorique de la mouvance d’ultra-gauche, particulièrement sur les thèmes de l’écologie radicale et les accusations de ‘violences policières’, couplé à une capacité de mobilisation beaucoup plus importante que celle de l’ultra-droite ou du jihadisme, peut entraîner des risques de violences importants”, ajoute Alexandre Rodde.
La montée en puissance de l’ultra-droite
Si aucune action terroriste d’ultra-droite en 2022 n’a été commise, “plusieurs de ses militants ont été impliqués dans des conflits personnels qui se sont révélés mortels”, rappelle Alexandre Rodde. “Ces homicides ne sont pas idéologiques par nature, mais témoignent d’une capacité de violence et de la possession d’armes à feu chez un certain nombre de militants”, ajoute-t-il, avant d’évoquer la série d’interpellations menées l’an passée contre des groupuscules actifs et des individus solitaires.
Cela “montre une montée en puissance progressive de la mouvance, qui comprend désormais plus d’un milliers de fichés S, dont un certain nombre issus de mouvements complotistes”, juge l'officier de réserve. Après des interrogations sur le positionnement à tenir sur la guerre entre l’Ukraine et la Russie, l’ultra-droite s‘est peu intéressée à l’élection présidentielle, soit la preuve que ces militants ne considèrent pas qu’il y ait une “solution politique”. “Cette tendance est également illustrée par les découvertes régulières d’armes lors des perquisitions menées au sein de la mouvance”, remarque l’auteur. “La possibilité d’un trafic d’armes et de munitions en provenance d’Ukraine, ou la fabrication d’armement imprimé en 3D et/ou improvisé est un risque réel”, ajoute-t-il.