Située à mi-chemin entre Orléans et Montargis, dans le Loiret, la récente salle municipale de Bellegarde a ouvert ses portes, début juillet, à une trentaine d’élus venus des communes environnantes. Mais pas question de parler politique ce jour-là.
Cette réunion organisée par la Gendarmerie avait un objectif tout autre : sensibiliser des maires, parfois des adjoints ou des conseillers municipaux, à la gestion des incivilités. Une problématique devenue prépondérante, tant le nombre d’atteintes (agressions, menaces, insultes) visant des élus a augmenté ces dernières années. Rien qu’entre 2019 et 2020, leur nombre aurait ainsi triplé, s’établissant à près de 1 300.
Un support pédagogique d’information développé par le GIGN
Face à ce constat, la cellule nationale de négociation du GIGN a développé un support pédagogique d’information permettant aux négociateurs régionaux – des gendarmes affectés en unités territoriales et formés à la négociation par le GIGN – de donner aux élus des connaissances clés et des outils pour éviter ou gérer pacifiquement des incivilités auxquelles ils pourraient être confrontés.
"Cette formation s’inscrit dans l’offre de services proposés par la Gendarmerie, précise le colonel Olivier Médard, de la région de gendarmerie Centre-Val-de-Loire. Elle complète des dispositifs existants, comme “les gendarmes référents élus” au sein des unités, en contact direct avec les élus locaux, ou encore l’inscription des édiles sur une base de données permettant aux opérateurs des lignes d’urgence d’identifier les personnes pouvant faire l’objet de menaces en raison de leur qualité."
"De manière systématique, nous sommes effectivement en première ligne, confirme Céline Gadois, la maire de Sceaux-du-Gâtinais. C’est souvent le maire qui est contacté directement par les administrés pour régler les problèmes. Il s’agit alors de faire de la médiation pour tenter de désamorcer d’éventuels conflits."
"Premier interlocuteur des administrés, le maire est souvent aussi le premier intervenant en cas de problème ", souligne le colonel Médard. Problèmes de voisinage, tapage, dépôt d’immondices ou de gravats, installation ou branchements illicites… Si, dans la majorité des cas, les relations sont bonnes et apaisées, il arrive que cela dégénère.
S’intéresser aux autres
Etalée sur une demi-journée, cette formation se divise en deux temps. Une phase théorique, suivie d’une mise en situation. Techniques d’écoute active et de communication, notions sur le stress ou certains aspects psychologiques… "On essaie de leur apprendre à gérer les incivilités pacifiquement, en désamorçant les conflits avant que la violence ne s’installe", résume le MDL-chef Marc, négociateur régional affecté dans le Loiret.
"Les gendarmes nous apprennent à engager la conversation pour mieux comprendre les problèmes, explique Gérard Charbonnier, conseiller municipal à Ladon. Par exemple, il est préférable de poser des questions ouvertes. On nous apprend également à garder une certaine distance, mais aussi à isoler la personne avec qui on parle, pour éviter l’effet de groupe."
Parmi les outils apportés par les gendarmes, on trouve une méthode d’analyse permettant aux élus d’évaluer les risques en cas de sollicitation ou d’initiative. Baptisée M.A.I.R.E.S. pour Motif, Acteurs, Instant, Risques, Environnement et Solution, elle repose sur une série de questions qui débouchent sur une préconisation de conduite à tenir en fonction du degré de risque. Parmi les solutions proposées : le recours aux gendarmes pour intervenir en sécurité ou prendre le relais.
Des élus de la Gironde formés par des gendarmes à la gestion des conflits
Poursuivre la formation en l’ouvrant davantage
Au début de l’été, plus de 5.500 élus avaient déjà été formés par les gendarmes, partout en France. De nouvelles sessions étaient d’ores et déjà prévues pour la rentrée. Outre les maires, des maires adjoints ainsi que des conseillers municipaux peuvent suivre ces sessions d’information.
Les gendarmes prévoient également de les rendre accessibles à d’autres personnels, comme les policiers municipaux ou encore les gardes-champêtres. Elles pourraient également s’étendre aux parlementaires, eux aussi exposés aux incivilités. Avec la succession de crises sociales comme celle des Gilets jaunes ou, plus récemment, les mouvements anti-vaccin et anti-pass sanitaire, on observe un regain de tension. Les menaces et atteintes envers les élus se multiplient. Plusieurs préfectures ont d’ailleurs demandé aux forces de sécurité, et notamment aux gendarmes, de renforcer leur protection.
Parallèlement aux formations proposées depuis le printemps 2020 par la Gendarmerie, essentiellement en milieu rural et périurbain, une déclinaison réalisée par la Police nationale devrait voir le jour prochainement, en direction des élus dépendant des zones urbaines.