C’est une “technologie qui se développe rapidement grâce aux algorithmes d’apprentissage et polarise l’opinion publique”, notent les sénateurs de la commission des Lois. La reconnaissance faciale dans l’espace public suscite en effet à la fois d’importantes craintes, avec le spectre d’une société de surveillance, mais aussi des espoirs chez les enquêteurs, qui entrevoient la possibilité de travailler plus vite et plus facilement dans leurs enquêtes.
Dans leur rapport, qui vient d’être bouclé, les sénateurs Marc-Philippe Daubresse (LR), Arnaud de Belenet (Union centriste) et Jérôme Durain (Groupe socialiste) apportent une réponse équilibrée sur ce sujet brûlant. D’abord en traçant quelques lignes rouges pour écarter “le risque d’une société de surveillance” – telles la “notation sociale”, pour éviter des méthodes commerciales intrusives, ou la surveillance biométrique en temps réel, “sauf exceptions très limitées au profit des forces de sécurité”, comme par exemple lors de manifestations ou aux abords des lieux de culte.
Conférence de presse de la mission d'information sur la reconnaissance faciale. Présentation de nos 30 propositions pour écarter le risque d'une société de surveillance. pic.twitter.com/zrafTWU64D
— Jérôme Durain (@Jeromedurain) May 11, 2022
Comment la Gendarmerie s’empare de l’intelligence artificielle
Une loi d'expérimentation
“Les cas d’usage de la reconnaissance faciale étant multiples et potentiellement illimités, un raisonnement cas d’usage par cas d’usage s’impose”, remarquent également les sénateurs, qui plaident à plusieurs reprises pour des bases législatives explicites. Comme par exemple pour le traitement des images sans utilisation de données biométriques ou les traitements d’images par intelligence artificielle envisagés pour les Jeux olympiques de Paris à l'été 2024.
Ainsi, pour l’identification a posteriori, déjà pratiquée par des policiers ou des gendarmes, les sénateurs proposent d’ouvrir l’utilisation de la biométrie dans les fichiers de police, dans le cadre d’enquêtes judiciaires ou d’opérations de renseignement. “Il s’agit d’un moyen de fiabilisation et d’opérationnalisation des fichiers, dont le mouvement est déjà enclenché au niveau européen”, signalent les sénateurs.
A titre expérimental, les sénateurs suggèrent d’autoriser les exploitations a posteriori d’images sous le contrôle du magistrat, mais uniquement pour la recherche d’auteurs ou de victimes potentielles des infractions les plus graves, et de créer une nouvelle technique de renseignement.
Pourquoi la contestation judiciaire de la reconnaissance faciale pourrait faire pschitt
Des garde-fous
Pour le sujet le plus clivant, l’identification biométrique à distance en temps réel, les sénateurs proposent trois cas d’usage. Tout d’abord les enquêtes judiciaires, pour permettre le suivi d’une personne venant de commettre un crime ou des criminels recherchés. Ensuite la sécurisation des grands événements présentant une sensibilité particulière, “dans un périmètre géographique limité et pour une période précisément déterminée”. Enfin, pour le renseignement, en cas de menaces imminentes pour la sécurité nationale.
Hong Kong: des citoyens détruisent des tours de reconnaissance faciale https://t.co/Fb8WxPxaVy @MajorPoonia pic.twitter.com/pP59PGrnEZ
— L'important (@Limportant_fr) May 7, 2022
Les sénateurs ont également mentionné dans leur rapport comment la Gendarmerie et la Police utilisent déjà des outils de reconnaissance faciale. Par exemple, les gendarmes utilisent depuis cinq ans un outil permettant d’exploiter a posteriori une vidéo de longue durée en filtrant les séquences au cours desquelles l’image est fixe. “L’utilisation de l’outil de reconnaissance faciale pour interroger le Traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) est en accroissement notable depuis quelques années. En 2021, il a été utilisé 498 871 fois par la Police et environ 117 000 fois par la Gendarmerie”, notent les sénateurs.